» Acquisition
Acteurs et sources de la vie du droit : le juge, l'avocat et le notaire
Discours préliminaire sur le projet de Code civil (21 janvier 1801), Jean-Étienne-Marie Portalis, François-Denis Tronchet, Félix-Julien-Jean Bigot de Préameneu, Jacques de Maleville.
« ... Sur le fondement de la maxime que les juges doivent obéir aux lois, et qu'il leur est défendu de les interpréter, les tribunaux, dans ces dernières années, renvoyaient par des référés les justiciables au pouvoir législatif, toutes les fois qu'ils manquaient de loi, ou que la loi existante leur paraissait obscure. Le tribunal de cassation a constamment réprimé cet abus comme un déni de justice.
Il est deux sortes d'interprétations : l'une par voie de doctrine, et l'autre par voie d'autorité. L'interprétation par voie de doctrine, consiste à saisir le vrai sens des lois, à les appliquer avec discernement, et à les suppléer dans les cas qu'elles n'ont pas réglés. Sans cette espèce d'interprétation pourrait-on concevoir la possibilité de remplir l'office de juge ? L'interprétation par la voie d'autorité consiste à résoudre les questions et les doutes par la voie de règlements ou de dispositions générales. Ce mode d'interprétation est le seul qui soit interdit au juge. Quand la loi est claire, il faut la suivre ; quand elle est obscure, il faut en approfondir les dispositions. Si l'on manque de loi, il faut consulter l'usage ou l'équité. L'équité est le retour à la loi naturelle, dans le silence, l'opposition ou l'obscurité des lois positives. Forcer le magistrat de recourir au législateur, ce serait admettre le plus funeste des principes ; ce serait renouveler parmi nous la désastreuse législation des rescrits ; car, lorsque le législateur intervient pour prononcer sur des affaires nées et vivement agitées entre particuliers, il n'est pas plus à l'abri des surprises que les tribunaux. On a moins à redouter l'arbitraire réglé, timide et circonspect d'un magistrat qui peut être réformé, et qui est soumis à l'action en forfaiture, que l'arbitraire absolu d'un pouvoir indépendant qui n'est jamais responsable... ».
Questions sur le texte :
1. Quelle différence établissez-vous entre l'interprétation par voie de doctrine et l'interprétation par voie d'autorité ?
2. Que signifie dans ce texte l'expression « forcer le magistrat de recourir au législateur, ce serait le plus funeste des principes » ?
3. A quoi correspond l'idée d'« arbitraire réglé » ?
|