Date25/03/2004
JuridictionPremière section de la Cour d'Appel de Versailles
TypeNationale
Résumé

L'élaboration d'un site internet revêt la qualification d'œuvre collective, du fait que la société est la personne morale à l'initiative du processus collectif du site, même s'il n'avait aucune concertation entre les contributeurs.

Mots clésDroit d'auteur, Site internet, Contrat, Originalité, Auteur, Œuvre multimédia, Œuvre collective
Composition

Présidente : Mme Francine Bardy

Conseillers : Mmes Liauzun et Simonnot

Avocats : Me Moreau, SCP Merle et Carena-Doron, Me Duval

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie Renoult

Textes Appliqués

L113-2 du CPI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES, a rendu la décision suivante :

La société LOG-ACCESS a conçu et réalisé au cours du printemps et de l'été 1998 un site web de présentation de la société SIS.

Elle a engagé, dans le cadre de deux contrats à durée déterminée, Monsieur Z. en qualité d'infographiste multimédia qui a travaillé pour son compte du 1er juillet au 30 septembre 1998.

Revendiquant la qualité d'auteur de 12 illustrations figurant sur des pages du site de la société SIS, monsieur Z. a fait assigner la société LOG-ACCESS, par acte du 1er mars 2011, devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 20 novembre 2002, le tribunal l'a débouté de ses demandes, a débouté la société LOG-ACCESS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'a condamné à payer à la société LOG-ACCESS 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.

M. Z a interjeté appel de ce jugement.

Il demande à la Cour de le réformer et de :

- reconnaître sa qualité d'auteur,

- dire que l'œuvre finale n'est pas une œuvre collective,

- dire que la société LOG-ACCESS devra lui verser :

* 4.416 € au titre de la cession de ses droits patrimoniaux,

* 2.000 € au titre de son droit moral,

* 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Il soutient avoir fait oeuvre originale les 12 illustrations en cause, contestant que son intervention ne soit limitée à une simple exécution technique.

Il allègue que l'œuvre finale n'est pas une œuvre collective au sens de l'article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, faisant valoir que la société LOG-ACCESS n'a donné aucune directive précise et que les illustrations sont individualisables et distinctes des autres composantes du site.

Maître B-P, assignée en intervention forcée en tant que liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société LOG-ACCESS, conclut à la confirmation du jugement, subsidiairement à la réduction des demandes de M. Z, et à sa condamnation à lui payer 2.000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle estime que l'œuvre multimédia à laquelle François Z. a collaboré est une œuvre collective, ce qui fait obstacle à la reconnaissance de droits d'auteur au profit de ce dernier.

Subsidiairement, elle prétend qu'il n'a contribué qu'à la réalisation d'une faible partie du site et que, si son appel était jugé fondé, il ne pourrait aboutir qu'à la reconnaissance d'une créance symbolique.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 5 février 2004.

Considérant qu'il y a lieu de relever qu'ensuite du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Log-Access par jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 septembre 2003, François Z. a déclaré une créance de 6416 € à titre chirographaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 113-2 du code de la propriété intellectuelle est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ;

Que les pièces produites au dossier établissent qu'avant l'embauche de François Z. le 1er juillet 1998, la société Log-Access avait déjà effectué un travail important en collaboration avec la société Sis pour définir l'esprit du site et le résultat final attendu par cette dernière, travail qui s'était concrétisé par l'élaboration du scénario de la visite virtuelle et du plan de navigation général ;

Qu'il ressort de l'attestation de M. F., directeur artistique de la société Log-Access, dont la teneur n'est pas contestée, qu'il a été chargé de mener à bien artistiquement la charte graphique du site ; qu'après avoir dans un premier temps élaboré la charte avec deux membres de la société, à savoir M. B. et Mlle C., en concertation avec la société Sis, il l'a réalisé avec l'aide d'une équipe constituée de plusieurs personnes ; qu'il a réparti le travail graphique à exécuter, veillé au bon déroulement et à l'homogénéité artistique du projet et exécuté lui-même un certain nombre d'éléments visuels dans un souci de cohérence graphique ;

Que l'absence de M. F. en juillet ne permet pas de dire que François Z. venait d'être embauché pour le mettre en œuvre et qu'il se trouvait sous l'autorité de M. B., chef de projet ; que la preuve contraire ne saurait être rapportée par des attestations de stagiaires qui ne sont pas les personnels les mieux placés pour donner leur avis sur l'autonomie de François Z. et d'une salariée dont les déclarations sont suspectes de partialité dès lors qu'elle a été licenciée ;

Qu'il est suffisamment établi que la société Log-Access est à l'origine de l'œuvre, a joué un rôle essentiel durant la phase de conception et a surveillé son élaboration par ses salariés afin que l'œuvre finale présente un aspect homogène, assurant ainsi un rôle de coordination ; qu'elle a donc rempli l'une des conditions nécessaires à la qualification d'œuvre collective, à savoir un rôle de direction ;

Que l'œuvre en cause comporte des images, des textes et du son et nécessite la mise en œuvre des moyens humains et techniques très divers ;

Que la comparaison du tiré à part des 12 images créées par François Z. avec le constat d'huissier de justice auquel il a fait procéder par Me Fix, huissier de justice, montre que ses images, si elles figurent bien sur des pages du site, n'en sont pas l'unique illustration, mais constituent seulement une partie des éléments d'illustration desdites pages, étant précisé que François Z. ne conteste pas ne pas être l'auteur des photographies des locaux ;

Que ses images se fondant dans l'ensemble, il est impossible de lui reconnaître un droit distinct sur sa contribution, même si elles peuvent donner lieu à un tirage à part ;

Que l'œuvre présentant la nature d'une œuvre collective, François Z. ne peut revendiquer aucun droit d'auteur sur sa contribution ;

Qu'en indemnisation des frais de procédure non inclus dans les dépens exposés en cause d'appel, il y a lieu d'allouer à Me Belhassen-Poiteaux ès qualités 1500 € ;

DECISION

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

. Confirme le jugement déféré,

et y ajoutant,

. Condamne François Z. à payer à Me Belhassen-Poiteaux ès qualités 1500 € au titre de l'article 700 du ncpc,

. Le condamne également aux dépens d'appel.

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