Date12/10/2004
JuridictionChambre sociale de la Cour de cassation
Pourvoi02-40392
TypeNationale
Résumé

Il résulte des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L. 120-2 du Code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée, laquelle implique en particulier le secret des correspondances, en sorte que l'employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur.

Encourt par suite la cassation l'arrêt qui décide que la mise à pied d'un salarié était justifiée en raison du fait qu'il avait entretenu une correspondance de nature personnelle pendant son temps de travail en utilisant la messagerie électronique de l'entreprise, dès lors que l'employeur avait eu connaissance de cette correspondance en consultant l'ordinateur mis à la disposition du salarié par l'entreprise.

Mots clésRespect de la vie privée, Contrat de travail, Courrier électronique, Secret des correspondances du salarié, Contrôle et surveillance des salariés, Respect de la correspondance, Connaissance prise par l'employeur de messages personnels émis ou reçus par un salarié grâce à un ordinateur mis à sa disposition pour son travail
PublicationBulletin 2004 V N° 245 p. 226
Composition

Président : M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonction

Conseiller rapporteur : Mme Slove

Avocat général : M. Foerst

Avocat(s) : la SCP Parmentier et Didier, la SCP Gatineau

Textes Appliqués

Article 8 du Code civil

Article L120-2 du Code du travail

Article 8 de la CEDH

Loi 2002-1062 2002-08-06 art. 11, art. 12

Article 9 du Nouveau Code de procédure civile

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen tiré de l'amnistie relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu les articles 11 et 12 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Attendu que, selon ces textes, sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 et retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, Mme X..., salariée de la société Sulzer orthopédie Cedior s'est vue notifier, le 13 octobre 1999, une mise à pied de trois jours pour des faits commis en septembre 1999 ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé la sanction justifiée ;

Mais attendu que les faits reprochés à la salariée sont amnistiés en application des textes susvisés de sorte qu'il ne peut être statué sur leur caractère fautif ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu que si, en raison de l'amnistie, le pourvoi est devenu sans objet en ce qui concerne la sanction elle-même, Mme X... demeure recevable à critiquer l'arrêt en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des jours de mise à pied ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil, l'article 9 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 120-2 du Code du travail ;

Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ;

Attendu que pour décider que la mise à pied disciplinaire de Mme X... était justifiée, la cour d'appel a notamment retenu que la salariée a entretenu une correspondance avec une ex-salariée de l'entreprise, au moyen de la messagerie électronique, pendant son temps de travail avec le matériel de l'entreprise, qu'elle s'est fondée pour établir ce comportement sur le contenu de messages émis par la salariée que l'employeur avait découverts en consultant l'ordinateur mis à la disposition de celle-ci par la société ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

Constate l'amnistie des faits ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Sulzer orthopédie Cedior aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sulzer orthopédie Cedior à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille quatre.

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