Date17/10/1995
JuridictionChambre criminelle de la Cour de Cassation
Pourvoi95-81847
TypeNationale
Résumé

Un atelier de ciselure et une fonderie, dépourvus des équipements nécessaires à une habitation effective et dans lesquels les personnes mises en examen n'exercent aucune activité permanente, ne sauraient constituer un domicile. Dès lors, les investigations effectuées dans ces locaux ne peuvent être assimilées à des perquisitions, au sens de l'article 95 du Code de procédure pénale.

Mots clésInstruction, Perquisition, Local dépourvu des équipements nécessaires à une habitation effective et dans lequel n'est exercée aucune activité permanente, Assimilation au domicile (non)
PublicationBulletin criminel 1995 N° 310 p. 851
Composition

Président : M. Le Gunehec

Rapporteur : Mme Batut

Avocat général : M. Libouban

Avocat : M. Foussard

Textes Appliqués

Article 95 du Code de procédure pénale

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REJET des pourvois formés par :

- X... Solange,

- Y... Guy,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Besançon, du 22 février 1995, qui, dans l'information suivie contre eux pour contrefaçon d'oeuvres d'art, débit d'ouvrages contrefaits, escroqueries et tentatives d'escroqueries, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure.

LA COUR,

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 6 juin 1995, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information ouverte notamment pour contrefaçon d'œuvres d'art, les policiers, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, ont interpellé et placé en garde à vue Guy Y... et Solange X... ; que, durant cette mesure, les officiers de police judiciaire ont procédé à deux perquisitions, l'une dans un atelier de ciselure sur bronze sis à Nogent-sur-Marne, en présence de Solange X..., l'autre dans une fonderie située à Luxeuil-les-Bains, en présence du seul responsable d'atelier ; qu'après l'inculpation des deux personnes gardées à vue, des saisies ont été effectuées, dans l'atelier de ciselure, en présence du propriétaire des murs, et dans les locaux de la fonderie, en présence du responsable d'atelier ;

Que, par la suite, le juge d'instruction a, notamment, procédé à une confrontation entre les différents inculpés et le conservateur en chef du musée Rodin, qui s'était constitué partie civile ;

Attendu que, par requête déposée le 5 décembre 1994, Guy Y... et Solange X... ont saisi la chambre d'accusation d'une demande d'annulation des pièces de la procédure relatives aux perquisitions et saisies précitées, ainsi que du procès-verbal de confrontation ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 57, 95, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes d'annulation ;

" aux motifs qu'à la suite d'un renseignement anonyme, les services de police judiciaire ont été conduits à s'intéresser aux activités d'une ancienne fonderie récemment remise en fonctionnement à Luxeuil-les-Bains ; que les enquêteurs décidaient d'intervenir le 13 janvier 1992, interpellant un certain nombre de personnes, effectuant simultanément quatre perquisitions, et compte tenu de l'importance des objets découverts, étaient conduits à différer les saisies des objets ; que la perquisition rue Kablé, le 14 février 1992, a eu lieu dans les premières heures de garde à vue ; que Solange X..., divorcée Y..., avait déclaré aux services de police qu'elle était locataire des murs depuis le mois de mai, qu'elle devait quitter les locaux dans quelques temps, cette déclaration ayant été faite le 13 janvier à 23 h 50, la perquisition étant diligentée le lendemain, de 9 h 30 jusqu'à 14 h 30 ; que Guy Y..., quant à lui, entendu le 14 janvier jusqu'à 10 h 30, ne revendiquait aucune responsabilité, ni aucun rôle dans le fonctionnement de l'atelier ; qu'ainsi, seule la présence de Solange X... était nécessaire ; que dès lors le procès-verbal contesté est parfaitement valable ; que la perquisition aux anciennes fonderies Balland a eu lieu le 14 janvier 1992 à 14 h 15 en présence de M. Z... qui s'est déclaré aux enquêteurs " responsable d'atelier " ; que selon Solange X..., cette fonderie était dirigée par Guy Y... qui, quant à lui, déclarait aux enquêteurs que la fonderie Balland était une affaire propre à Solange X... et qu'il n'était que client de cet établissement ; qu'en outre, les enquêteurs ont constaté que M. Z... était le permanent sur le site et avait une autonomie certaine au niveau local ; que compte tenu des déclarations contradictoires de Solange X... et Guy Y..., M. Z... est apparu comme la personne au domicile de laquelle la perquisition a eu lieu ; que la perquisition ainsi effectuée était parfaitement régulière ; que s'agissant de l'inventaire et saisies effectués le 29 janvier 1992 dans les anciennes fonderies Balland, il est démontré que M. Z... était le véritable responsable de l'atelier, puisque celui-ci avait précisé aux enquêteurs que Guy Y... ne venait qu'une fois par mois pour le payer de temps à autres, sans avertir, pour prendre livraison des marchandises ; que les enquêteurs ont justement considéré que M. Z... était la personne au domicile de laquelle l'opération avait lieu ; qu'à supposer réunies les conditions de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité, s'agissant d'irrégularités substantielles touchant à la protection des seuls intérêts privés, il appartient à Guy Y... et Solange X... de démontrer, conformément aux dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale, que des nullités concernant ces trois procès-verbaux ont eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de leur défense ; que s'agissant de l'inventaire et des saisies effectués le 22 janvier 1992, rue Kablé, Solange X..., étant la personne au domicile de laquelle la perquisition avait eu lieu, était également la personne au domicile de laquelle l'inventaire et les saisies se sont déroulés ; qu'il appartenait aux enquêteurs de s'assurer de la présence de Solange X... ou du moins à l'inviter de désigner un représentant de son choix et à défaut, de choisir deux témoins ; que la violation de ces règles est établie, mais que toutefois s'agissant d'irrégularités substantielles, il appartient à Guy Y... et Solange X... de démontrer, conformément aux dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale, que les nullités concernant le procès-verbal ont eu pour effet de porter atteinte à l'intérêt de leur défense ; que tel n'est pas le cas ;

" alors que, premièrement, l'article 802 du Code de procédure pénale est étranger à la violation des règles relatives à la présence de la personne concernée lors d'opérations de perquisition, saisies et inventaire ; qu'en exigeant que Solange X... et Guy Y... rapportent la preuve d'un préjudice, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;

" alors que, deuxièmement, hormis l'hypothèse d'un délit flagrant, les officiers de police judiciaire doivent, par la constatation de leurs diligences, établir avec certitude l'identité de l'occupant des lieux dans lesquels seront effectuées des opérations de perquisitions, saisies et inventaires ; qu'en l'espèce, les officiers de police judiciaire ont agi sur la foi de déclarations imprécises, sans avoir déterminé préalablement l'identité exacte de l'occupant des lieux concernés, étant relevé qu'ils ne se sont pas préoccupés d'examiner le bail portant sur l'atelier de la rue Kablé et qu'ils n'ont pas davantage recherché l'identité des dirigeants de droit ou de fait de la personne morale occupant les anciennes fonderies Balland ; qu'en l'état de ces constatations, la chambre d'accusation ne pouvait considérer que les procès-verbaux, établis en l'absence des occupants des lieux, étaient réguliers " ;

Attendu que l'atelier de ciselure et la fonderie dans lesquels ont été pratiquées les perquisitions et saisies critiquées par le moyen ne sauraient être considérés, en l'espèce, comme constituant le domicile des personnes mises en examen, ni un local assimilé par la loi à un tel domicile, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que ces locaux étaient dépourvus des équipements nécessaires à une habitation effective et que les inculpés n'y exerçaient pas une activité permanente ;

Que, dès lors, le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.

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