La publicité au sein des ordres
Attention :
Ne connaissant théoriquement aucune concurrence, les professions juridiques et judiciaires organisées en ordres et bénéficiant d'un numerus clausus ne devraient avoir aucun intérêt à pratiquer la publicité en ligne.
Ceci dit, pour informer au mieux le public, toutes les organisations professionnelles, tant au niveau national que local, représentant les professions juridiques et judiciaires possèdent leurs sites web.
Exemple :
Nous pensons ici, entre autres,
au notariat,
à l'ordre des avocats,
à la chambre nationale des huissiers de justice,
à la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle ou
à l'ordre des experts-comptables...
Réalisé dans l'intérêt de leurs différentes professions, la communication de nature institutionnelle ne pose aucun problème et ne fait l'objet d'aucune disposition restrictive.
Exemple :
Par contre, la publicité personnelle des membres de ces professions, via leur site individuel pose des problèmes d'ordre disciplinaire et déontologique. Le déploiement anarchique de la publicité en ligne par les membres de ces professions pourrait conduire à des situations de concurrence déloyale, à des pratiques illicites de démarchage ou à des dérives en terme de publicité comparative ou qualitative.
Important :
Le nécessaire respect des principes de dignité et de loyauté, communs à l'ensemble de ces professions réglementées ont conduit les ordres à édicter des dispositions déontologiques pour interdire ou limiter la publicité en ligne.
1. Le Notariat : L'interdiction de principe de la publicité personnelle
Attention :
Le notariat est une profession strictement réglementé, comme le confirme le décret n°71-942 du 26 novembre 1971[1] relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire, à la compétence d'instrumentation et à la résidence des notaires, à la garde et à la transmission des minutes et registres professionnels des notaires, dont la dernière version consolidée date du 1 mai 2009.
En vertu d'une ordonnance en date du 2 novembre 1945, cet ordre professionnel est représenté nationalement par le Conseil supérieur du notariat (CSN) qui a, en particulier la charge de définir les règles déontologiques du notariat dans un règlement national et un règlement intercours. La dernière version des règlements, adoptée par l'assemblée générale du Conseil supérieur du notariat lors de ses délibérations en date du 28 octobre 2008, des 27-28 janvier 2008 et du 28 octobre 2009, a été approuvée par le Ministère de la Justice dans un arrêté du 24 décembre 2009[2].
Attention :
Le règlement national confirme le principe de l'interdiction de la publicité à caractère personnelle qui se limite strictement à l'existence d'un panonceau et de faireparts de nomination, pour les offices créés (avis d'installation dans deux journaux locaux avec annonce visée par les instances professionnelles) qui ont, à présent, des prolongements sur le réseau...
Le site internet d'un office, officiellement purement informatif peut permettre une publicité déguisée, et en pratique les sanctions disciplinaires sont limitées.
D'autre part, le notaire ne peut pas solliciter des « vrais-faux » articles de presse, y compris en ligne sous forme publi-information. De même, en principe la plaquette de présentation des collaborateurs est autorisée si elle n'est pas diffusée hors de l'étude. Ceci dit, les grandes études notariales présentes sur leurs sites l'équipe des associés et leurs spécialités.
Conseils, trucs et astuces :
Lorsque le notaire fait de la négociation immobilière le notaire doit faire la publicité des biens (tout support publicitaire sauf vitrine mais tableau d'affichage vitré est autorisé), mais c'est très encadré (doit faire apparaître les tarifs et les annonces doivent être rédigées le plus objectivement possible). Ainsi, sur les sites des grandes études, il est désormais possible de consulter une rubrique des biens immobiliers confiés à ces études...
2. L'avocature : vers un assouplissement des règles
L'avocat a longtemps été soumis à une réglementation restrictive quant à ces possibilités de communication au public. Le dogme de l'interdiction de la publicité, « autrefois jugée comme incompatible sur le plan du rapport de confiance entre l'avocat et son client, et considérée comme une offense à l'honneur et à la dignité de la profession d'avocat » (DANOVI Remo, « Essais sur la déontologie», Editions Némésis, Bruxelles, 2002, spécialement le chapitre « Fondement juridique de la publicité des avocats », pp 200- 213, p 200.) n'est aujourd'hui plus d'actualité.
Sensibles à la concurrence de plus en plus pressante des sociétés américaines d'avocats (Les avocats américains ont obtenu le droit d'avoir recours à la publicité suite à décision rendue le 27 juin 1977 par la Cour suprême américaine (Affaire Bates v. State Bar of Arizona, 433 U.S. 350 (1977)).), qui depuis 1977 ont accès à la publicité, les barreaux européens ont assoupli, ces dernières années, leurs règles déontologiques, afin de ne pas défavoriser leurs membres.
Remarque :
Cet assouplissement était d'autant bienvenu que la publicité en ligne permet aux avocats américains de toucher facilement un potentiel public européen ...
C'est dans cet esprit que le Conseil des Barreaux Européens (CCBE) a adopté dans son Code de déontologie des avocats européens, en date du 29 novembre 2008, un article 2.6 favorable sous certaines conditions à la publicité personnelle des avocats. Selon cet article, « l'avocat est autorisé à informer le public des services qu'il offre à condition que l'information soit fidèle, véridique et respectueuse du secret professionnel et des autres principes essentiels de la profession »
.
Un second aliéna confirme que la règle exprimée au 1er alinéa s'applique à « la publicité personnelle par un avocat quel que soit le média utilisé tel que la presse, la radio, la télévision, par communication commerciale électronique ou autre »
.
Chaque Etat européen s'est efforcé de trouver une position compatible et équilibrée, entre les besoins et attentes des avocats et des citoyens. En France, la dernière version du Règlement Intérieur National (RIN), adopté par le Conseil National des Barreaux (CNB) le 12 juillet 2007 (JORF n°185 du 11 août 2007 page 13503), prévoit des dispositions proches de la position européenne. L'article 10 du RIN précise que « la publicité fonctionnelle destinée à faire connaître la profession d'avocat et les ordres relève de la compétence des organismes représentatifs de la profession et que la publicité est permise à l'avocat si elle procure une information au public et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession »
. Cet article ajoute que « la publicité inclut la diffusion d'informations sur la nature des prestations de services proposées, dès lors qu'elle est exclusive de toute forme de démarchage »
et qu'elle doit « être véridique, respectueuse du secret professionnel et mise en œuvre avec dignité et délicatesse. Elle est communiquée préalablement à l'ordre »
.
Dans un article 10.2, le RIN interdit aux avocats « quelle que soit la forme de publicité utilisée, toutes mentions laudatives ou comparatives, toutes indications relatives à l'identité des clients », ainsi que « toute offre de service personnalisée adressée à un client potentiel »
(publicité ciblée).
Concernant plus spécifiquement l'Internet, le RIN prévoit, dans son article 10.11 que « l'avocat qui ouvre ou modifie un site internet doit en informer l'ordre sans délai et lui communiquer les noms de domaine qui permettent d'y accéder »
.
Ce même article ajoute que « doivent figurer sur le site internet de l'avocat les mentions obligatoires de l'article 10.4, les mentions autorisées étant celles des articles 10.4 et 10.8 »
.
Conseils, trucs et astuces :
Cela signifie que par analogie, les règles initialement prévues pour le papier à lettres de l'avocat (article 10.4 alinéa 1), s'étendent de manière obligatoire à son site web personnel. Par contre, le RIN tolère la présence de certaines informations sur le site Web des avocats, également autorisées sur leur papier à lettres (article 10.4 alinéa 2) ou leur plaquette de présentation (article 10.8).
Le code de déontologie exige donc sur tout site personnel la mention :
de l'adresse du cabinet,
des nom et prénom de l'avocat ou des avocats,
du barreau d'appartenance,
des numéros de téléphone et de télécopie,
de la dénomination du cabinet,
dans le cas où l'exercice n'est pas individuel, du type d'exercice adopté (société civile professionnelle, société d'exercice libéral, société en participation, association)
de l'appartenance à un réseau, conformément aux dispositions de l'article 7, dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1971.


Sinon, le RIN autorise sur le site web personnel et les courriers électroniques la mention :
du numéro de téléx et l'adresse électronique ;
des titres universitaires et les diplômes et fonctions d'enseignement supérieur français et étrangers des distinctions professionnelles ;
de la profession juridique réglementée précédemment exercée ;
du titre dont le port est réglementé à l'étranger et permettant l'exercice, en France, des fonctions d'avocat ;
des spécialisations ou certificats de spécialisation régulièrement acquis
du logo du cabinet, de la profession et, sous réserve de l'accord de l'ordre, du logo du barreau d'appartenance ;
de la mention de la certification « Management de la qualité », qui comportera exclusivement la référence à la norme ISO et au modèle adoptés, le logo et le nom de l'organisme certificateur (exemple : cabinet d'avocat certifiée ISO 9001 par identification de l'organisme certificateur accrédité)

Le site web peut également mentionner :
l'ancienneté dans la profession de chacun des avocats, membres du cabinet ;
l'organisation et les structures internes du cabinet ;
les domaines d'activité du cabinet ;
les langues étrangères pratiquées ;
le mode de fixation des honoraires ;
sous réserve de leur accord, le nom des professionnels non avocats collaborant de manière régulière et significative avec ledit cabinet ;
la participation des avocats à des activités d'enseignement ;
la liste des bureaux et établissements secondaires et celle des correspondants à l'étranger sous réserve, pour ces derniers, qu'il existe avec chacun d'eux une convention déposée à l'ordre.
Remarque :
Par contre, Le RIN interdit la référence aux noms de clients (Mais, à titre d'exception, les noms de clients du cabinet ayant donné leur accord peuvent être diffusés à l'étranger dans les pays dans lesquels une telle diffusion est autorisée.) et la mention à des activités sans lien avec l'exercice professionnel.

Enfin, le site de l'avocat ne peut comporter aucun encart ou bannière publicitaire pour quelque produit ou service que ce soit, ainsi qu'aucun lien hypertexte permettant d'accéder directement ou indirectement à des sites ou à des pages de sites dont le contenu serait contraire aux principes essentiels de la profession d'avocat. Su ce point, il appartient à l'avocat de s'en assurer en visitant régulièrement les sites et les pages auxquelles permettent d'accéder les liens hypertexte que comporte son site, et de prendre sans délai toutes dispositions pour les supprimer si ce site devait se révéler contraire aux principes essentiels de la profession. Il appartient à l'avocat de faire une déclaration préalable à l'ordre de tout lien hypertexte qu'il envisagerait de créer.
Important :
Finalement, le contenu du site doit être respectueux du secret professionnel.
Il doit également respecter la dignité et l'honneur de la profession.
3. Les huissiers de justice : un cadre strict
Pour justifier les dispositions strictes à l'égard des sites web, la Chambre Nationale des Huissiers de Justice (CNHJ) rappelle dans une de ses recommandations que « toutes les informations diffusées sur l'Internet sont visibles par des centaines de millions de personnes »
et que sa volonté est de présenter la profession au monde de manière organisée et structurée afin de préserver « la crédibilité liée au statut d'officier public et ministériel »
(GUINOT Thierry, « L'huissier de justice : normes et valeurs », Editions Juridiques et techniques Coll. Passerelle, Paris 2004 p.133.).
Attention :
La profession d'huissiers de justice est en effet une profession réglementée par l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945[3] relative au statut des huissiers de justice.
Elle prévoit l'organisation d'un réseau de chambres départementales dans chaque département et de chambres régionales dans chaque ressort de Cour d'Appel (A Paris, la chambre exerce à la fois les fonctions de chambre départementale et celles de chambre régionale.). Leur forme juridique est celle d'un établissement d'utilité publique. Cette ordonnance octroie également aux chambres départementales la charge :
De prononcer ou de proposer, suivant les cas, l'application aux huissiers de justice de mesures de discipline ;
De prévenir ou de concilier tous les différends d'ordre professionnel entre huissiers de justice ;
D'examiner toutes réclamations de la part des tiers contre les huissiers de justice à l'occasion de l'exercice de leur profession.
Confronté aux problèmes de la publicité personnelle de ces membres, en particulier sur l'Internet, les chambres départementales ont adopté une position déontologique stricte propre à préserver la crédibilité du statut d'officier ministériel attaché à la profession d'huissier de justice.
Important :
C'est pourquoi toute publicité directe ou indirecte reste interdite, quelque soit le support.
De plus, tout site internet existant ou futur doit être soumis à une commission déontologique de la Chambre nationale, pour obtenir un lien avec le site de la Chambre nationale et être inscrit dans l'annuaire de la profession. Les chambres départementales ont ensuite la charge de veiller à ce que le site continue de respecter les recommandations déontologiques de la profession en la matière.
Attention :
Suivant les recommandations émises par la Chambre nationale, les huissiers de justice peuvent faire figurer sur leur site personnel des contenus exclusivement informatifs.
Cela signifie qu'il est interdit à l'huissier de justice :
de faire référence à sa clientèle (noms et/ou numéro de téléphone) ;
de donner des détails sur son activité (chiffre d'affaires, moyens matériels de l'étude, compétences et activités dominantes de l'étude) ;
de donner des détails sur son personnel (effectif, noms des collaborateurs ou des correspondants français et étrangers, photographies des associés ou des collaborateurs, curriculum vitae comprenant des références professionnelles, mention de diplôme non universitaire) ;
d'informer sur ses activités annexes à l'étude (mention d'ouvrage et publication réaliser par l'étude ou l'un de ses membres, missions accomplies par l'étude, participation à des associations sportives, culturelles ou à des clubs liés à la profession, mention d'une activité accessoire autorisée).
Conseils, trucs et astuces :
Le site de l'huissier ne doit également comporter ni de mentions laudatives ou indiquant un parrainage à vocation promotionnelle, ni des termes abusifs ou mensongers, ni des mentions contraires à l'image de la profession, ni des liens avec des entreprises commerciales liées ou non à l'activité professionnelle (Sont tolérés les références des entreprises liées à l'activité professionnelle), ni des offres ou des demandes de collaboration entre professionnelles.
Autrement dit, dans une approche excluant toute démarche publicitaire ou commerciale, le site personnel des huissiers de justice peut comporter :
Ses coordonnées | Des indications facilitant la recherche de l'étude | Des informations d'ordre pratique |
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Nom et prénom de l'unique huissier de l'étude ou dénomination sociale de l'étude, lieu et adresse postale de l'étude et sur son bureau secondaire, coordonnées téléphoniques (Possibilité d'indiquer les numéros particuliers aux divers services (comptabilités, constats, etc...)) et électroniques de l'étude. | Nom du prédécesseur, photographies de la ville et/ou de l'extérieur de l'étude, cartes et plans d'accès (Métro, bus, ...), nom de la juridiction auprès desquelles l'huissier est audiencier, logos ou sigles sans photos, numéro de registre du commerce pour les sociétés. | Heures d'ouvertures, barèmes et tarifs légaux, informations sur les activités de ventes aux enchères (calendrier, coordonnées de la salle des ventes, détails sur les objets concernés), appartenance à un réseau EDI et/ou un centre de gestion agréé, mentions bancaires. |

Cet examen fait des limites professionnelles et déontologiques concernant certains métiers du droit, il est temps désormais d'étudier les droits et obligations qui s'attachent à l'usage par les métiers du droit des services d'échanges numériques.