8164
La classification des droits subjectifs : Réaliser une fiche d'arrêt

Enoncé : Réalisez la fiche de l'arrêt qui vous est proposé. Pour consulter la correction, cliquez sur les différentes étapes de la partie de droite (Faits, Procédure, Décision de la Cour d'Appel, Questions de droit, Problème juridique, Réponse de la Cour de Cassation).

Tx.Ass. plén., 11 décembre 1992, pouvoi n° 91-11.900 (JCP 1993. II. 21991, concl. Jéol, note G. Mémeteau, Gaz. Pal. 1993. 1. 180, RTD civ. 1993. 325, obs. J. Hauser ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, n° 22-23) :

« La Cour ;

- Sur le moyen unique :

- Vu l'article 8 de la Convention euro­péenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 9 et 57 du Code civil et le principe de l'indisponibilité de l'état des per­sonnes ;

- Attendu que lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du trans­sexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son com­portement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ; que le principe de l'indis­ponibilité de l'état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification ;

- Attendu que M. René X, né le 3 mars 1957, a été déclaré sur les registres de l'état civil comme étant du sexe masculin ; que, s'étant depuis l'enfance consi­déré comme une fille, il s'est, dès l'âge de 20 ans, soumis à un traitement hor­monal et a subi, à 30 ans, l'ablation de ses organes génitaux externes avec créa­tion d'un néo-vagin ; qu'à la suite de cette opération, il a saisi le tribunal de grande instance de demandes tendant à la substitution, sur son acte de nais­sance, de la mention « sexe féminin » à celle de « sexe masculin » ainsi qu'au changement de son prénom ; que le tribunal a décidé que M. X se prénommerait Renée, mais a rejeté ses autres prétentions ; que l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges aux motifs que la conviction intime de l'intéressé d'appartenir au sexe féminin et sa volonté de se comporter comme tel ne sau­raient suffire pour faire reconnaître qu'il était devenu une femme, et que le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes s'opposait à ce qu'il soit tenu compte des transformations obtenues à l'aide d'opérations volontaire­ment provoquées ; — Attendu, cependant, que la cour d'appel a d'abord cons­taté, en entérinant les conclusions de l'expert psychiatre commis par le tribunal, que M. X présentait tous les caractères du transsexualisme et que le traitement médico-chirurgical auquel il avait été soumis lui avait donné une apparence physique telle que son nouvel état se rapprochait davantage du sexe féminin que du sexe masculin ; qu'elle a énoncé, ensuite, que l'insertion sociale de l'inté­ressé était conforme au sexe dont il avait l'apparence ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, elle n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en déduisaient ;

- Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appli­quant la règle de droit appropriée ;

- Par ces motifs, casse et annule l'arrêt rendu le 15 novembre 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

- Dit que Renée X, née le 3 mars 1957 sera désignée à l'état civil comme de sexe féminin ;

- Ordonne la mention du présent arrêt en marge de l'acte de naissance de l'intéressée (...)
».

En savoir plus


M. René X, né de sexe masculin mais s'étant toujours considéré comme une fille, a subi un traitement hormonal puis chirurgical pour mettre son apparence en conformité avec son sexe psychologique. Il a ensuite saisi le TGI pour demander un changement de prénom, et la modification de la mention de son sexe sur son acte de naissance.

En savoir plus


Le tribunal a admis la demande de changement de prénom, mais a rejeté l'autre prétention. M. X. a fait appel.

En savoir plus


La Cour d'appel confirme le jugement en se fondant sur le principe d'indisponibilité de l'état des personnes, et en considérant que la conviction intime et le comportement de M. X ne pouvait suffire pour faire reconnaitre changement de sexe.

M. X forme un pourvoi en cassation.

En savoir plus

  • Le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes s'oppose-t-il à ce qu'une personne présentant le syndrome du transsexualisme demande la modification de la mention du sexe sur son acte de naissance ?
  • A quelles conditions le changement de la mention du sexe peut-il être opéré sur l'acte de naissance ?

En savoir plus


1- Les visas :

  • Articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 du Code civil (droit au respect de la vie privée et familiale).
  • Article 57 du Code civil (acte de naissance, noms, prénoms).
  • Principe de l'indisponibilité des personnes.

2- Les motifs :


La Cour de cassation énonce que le principe du respect dû à la vie privée justifie que l'état civil soit modifié pour être mis en conformité avec l'apparence de la personne, et que le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne s'oppose pas à cette modification.

Quatre conditions sont requises pour que le changement puisse être reconnu :
  • Un syndrome du trans­sexualisme reconnu (sexe psychologique).
  • Existence d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique.
  • Ce traitement a entrainé la perte des caractères du sexe d'origine et la personne a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe (sexe morphologique).
  • Cette apparence correspond au com­portement social (sexe social).
La Cour d'appel ayant vérifié que toutes les conditions se retrouvaient dans le cas de M. X, elle n'a donc pas tiré toutes les conséquences légales de sa décision.


3- Le dispositif :

Cassation, sans renvoi (la Cour de cassation substitue sa décision à celle de la Cour d'appel : M. X sera désigné à l'état civil comme étant de sexe féminin).

En savoir plus


Cet arrêt de revirement a été motivé par la condamnation de la France par la CEDH le 25 mars 1992.

Par la suite la loi française du 18 novembre 2016 a ajouté au Code civil un article 61-5 qui supprime les conditions relatives au traitement hormonal et chirurgical et à la modification irréversible de la personne (ces conditions ont été jugées contraires au principe du droit à l'intégrité physique porté par l'article 3 de la Conv. EDH)

Fermer