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Jurisprudence

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique pris en sa seconde branche : Vu les articles 1er paragraphe 2 et 21 de l'ordonnance législative du 22 février 1945, 1er du décret du 2 novembre 1945 ;

Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; Que, si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement, l'existence en faveur d'organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d'être déduits en justice ;

Attendu qu'après avoir, en son article 1er, institué des comités d'entreprises dans toutes les entreprises qu'elle énonce, l'ordonnance susvisée dispose : "le comité d'entreprise coopère avec la direction à l'amélioration des conditions collectives du travail et de vie du personnel, ainsi que des règlements qui s'y rapportent" ; "Le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les oeuvres sociales établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles ou participe à cette gestion ... dans les conditions qui seront fixées par un décret pris en Conseil d'Etat" ; "Le décret déterminera notamment les règles d'octroi et l'étendue de la personnalité civile des comités d'entreprises" ;

Attendu que l'article 21 de la même ordonnance est ainsi conçu :

"Dans les entreprises comportant des établissements distincts, il sera créé des comités d'établissements dont la composition et le fonctionnement seront identiques à ceux des comités d'entreprises définis aux articles ci-dessus, qui auront les mêmes attributions que les comités d'entreprises dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; "Le comité central d'entreprise sera composé de délégués élus des comités d'établissements" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action intentée contre le sieur X..., en remboursement du prix d'un marché de vêtements prétendu non exécuté par le Comité d'établissement de Saint-Chamond de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, représenté par son Président, le sieur Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'un groupement n'a la personnalité civile que si celle-ci lui a été expressément attribuée ; que le silence de la loi relativement aux comités d'établissements dans une matière ou une disposition expresse est indispensable ne peut s'interpréter que comme étant l'expression de la volonté de n'attribuer la personnalité civile qu'aux seuls comités d'entreprises, l'existence et le fonctionnement des comités d'établissements devant se confondre avec la personnalité des comités centraux d'entreprises et les comités d'établissements ne pouvant contracter ou agir en justice que par l'intermédiaire de ces derniers ;

Mais, attendu que, d'après l'article 21 précité, la composition et le fonctionnement des comités d'établissements sont identiques à ceux des comités d'entreprises et ont les mêmes attributions que ces derniers dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; Et attendu que si les dispositions de l'article 1er du décret du 2 novembre 1945, prises en application de l'article 2, alinéa 2 de l'ordonnance législative, ne visent expressément que les comités d'entreprises, elles impliquent nécessairement reconnaissance de la personnalité civile des comités d'établissements, celle-ci n'étant pas moins indispensable à l'exercice d'attributions et à la réalisation de buts identiques, dans le champ d'action qui leur est dévolu par ladite ordonnance elle-même ; D'où il suit qu'en déclarant, pour les motifs qu'elle a admis, l'action dudit comité d'établissement irrecevable, la Cour d'appel a faussement appliqué, et par suite, violé les articles invoqués au moyen ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Lyon, le 30 octobre 1950, et les renvoie devant la Cour d'Appel de Riom.




Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 2 N. 32 P. 20

Décision attaquée : Cour d'appel Lyon du 30 octobre 1950