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Jurisprudence

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation suivant :

"Les requérants reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir retenu l'entière responsabilité de M. Z... sur le fondement de l'article 1384, paragraphe 1, du Code civil, aux motifs, d'une part, que "le point de choc sur la chaussée n'a pu être déterminé ... "que, cependant ... ce choc ne pouvait logiquement se situer qu'au niveau du passage réservé aux piétons ou à proximité immédiate de celui-ci, aux motifs, d'autre part, qu'"aucune faute positive ne peut être reprochée aux piétons de nature à exonérer, fût-ce pour partie, Louis Z... de la présomption de responsabilité mise à sa charge en tant que gardien de l'automobile", alors que, d'une part, entachant sa décision d'un net défaut de réponse à conclusions, la cour d'appel ne s'est nullement expliquée sur le moyen présenté par les exposants dans leurs écritures d'appel délaissées, selon lequel il ressortait de la déclaration de l'unique témoin de l'accident, M. Y..., qu'il était "absolument indiscutable que les époux X... se trouvaient à une distance plus éloignée que lui du passage pour piétons puisqu'il avait entendu le choc et le cri provenir de sa droite" alors que, d'autre part, c'est au prix d'un défaut de motifs que la cour d'appel a totalement omis de réfuter les motifs déterminants de la décision des premiers juges selon lesquels "les agents enquêteurs avaient également relevé des taches de sang laissées par les victimes, la première à 0,40 mètre du bord droit de l'avenue, direction centre ville, à environ 5 mètres au delà du passage protégé, l'autre à 1,30 mètre du même bord et à 4,30 mètres plus loin que la première" et selon lesquels également les déclarations du témoin étaient "confirmées par l'emplacement des taches de sang trouvées sur la chaussée au delà dudit passage"

alors que, de troisième part, entachant à nouveau sur ce point sa décision d'une carence caractérisée, la cour d'appel a négligé de répondre aux écritures d'appel des exposants qui soulignaient précisément que "la présence des piétons hors du passage protégé se trouvait encore confirmée par l'emplacement des traces de sang sur la chaussée, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges", alors que, de quatrième part, le motif retenu par l'arrêt attaqué selon lequel le choc "ne pouvait se situer qu'au niveau du passage réservé aux piétons ou à proximité immédiate de celui-ci est hypothétique et dubitatif, et, par suite, insusceptible de conférer une base légale à l'arrêt attaqué alors que, de cinquième part, la cour d'appel a entaché encore son arrêt d'un défaut de motifs caractérisé en négligeant de s'expliquer sur le moyen présenté par les exposants dans leurs écritures d'appel délaissées, selon lequel les piétons ne s'étaient pas conformés à l'article R 219 du Code de la route qui les obligeait à ne "traverser la chaussée qu'après s'être assurés qu'ils pouvaient le faire sans danger immédiat", alors qu'enfin, sur ce point précis, la cour d'appel a omis à nouveau de réfuter les motifs des premiers juges selon lesquels "les époux X... avaient commis une seconde imprudence en entreprenant la traversée de la chaussée sans s'assurer qu'ils pouvaient le faire sans danger et sans tenir compte de la vitesse et de la distance des véhicules circulant à ce moment" et également selon lesquels "manifestement, la distance à laquelle se trouvait la voiture Z... était insuffisante pour permettre aux piétons de traverser sans danger et que ceux-ci n'auraient pas dû s'engager sur la chaussée dans de telles conditions, d'autant que leur présence a été masquée aux yeux de Z... par la voiture se trouvant à droite de celui-ci".

Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour, Sur le rapport de M. le Conseiller Liaras, les observations de la société civile professionnelle Chareyre et Vier, avocat de la société d'assurance "La Mutualité Industrielle" et de Z..., de Me Coutard, avocat des époux X..., de Me de Ségogne, avocat de la Caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés des Ardennes, les conclusions de M. Charbonnier, Avocat général et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi, Donne défaut contre la Société Nationale des Chemins de Fer Français (S.N.C.F.) ;

Sur le moyen unique pris en ses quatre premières branches, telles qu'énoncées au mémoire ampliatif :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'à la tombée de la nuit, dans une agglomération, la voiture automobile de Z... heurta et blessa les époux X... qui traversaient la chaussée à pied ; que lesdits époux ont réclamé à Z... et à son assureur "La Mutualité Industrielle", la réparation de leur préjudice ; que la S.N.C.F., agissant comme caisse autonome de Sécurité sociale et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Ardennes sont intervenues ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, par application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, retenu la responsabilité de Z... ;

Attendu qu'après avoir énoncé, par une appréciation souveraine, que l'on ne pouvait accorder grand crédit aux affirmations d'un témoin qui n'avait pas vu l'accident, mais seulement ses suites, l'arrêt relève que les époux X... avaient été projetés à quelques mètres du passage protégé et retient, au vu des traces laissées sur la chaussée, que, compte tenu du "temps de réflexe" ayant précédé le freinage et du fait que Z... n'avait vu les piétons qu'à l'instant du choc, celui-ci ne pouvait s'être produit qu'au niveau du passage réservé ou à proximité immédiate de celui-ci ; Que par ces constatations et énonciations la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par un motif hypothétique ou dubitatif et qui, en les rejetant, a répondu aux conclusions, a également justifié sa décision du chef critiqué ;

Sur le moyen pris en ses deux dernières branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, d'une part, que la cour d'appel n'aurait pas répondu aux conclusions soutenant que les victimes ne s'étaient pas conformées à l'article R. 219 du Code de la route qui les obligeait à ne traverser la chaussée qu'après s'être assurées qu'elles pouvaient le faire sans danger immédiat, et alors, d'autre part, que la Cour d'appel aurait omis de réfuter les motifs des premiers juges selon lesquels les époux X... avaient commis une seconde imprudence en entreprenant la traversée de la chaussée sans s'assurer qu'ils pouvaient le faire sans danger et sans tenir compte de la vitesse et de la distance du véhicule circulant ce moment, et également selon lesquels la distance à laquelle se trouvait la voiture de Z... était insuffisante pour permettre aux piétons de traverser sans danger et que ceux-ci n'auraient donc pu s'engager sur la chaussée dans de telles conditions d'autant que leur présence avait été masquée aux yeux de Z... par la voiture se trouvant à droite de celui-ci ;

Mais attendu que seul un évèvement constituant un cas de force majeure exonère le gardien de la chose, instrument du dommage, de la responsabilité par lui encourue par application de l'article 1384, alinéa 1, du Code civil ; que, dès lors, le comportement de la victime, s'il n'a pas été pour le gardien imprévisible et irrésistible, ne peut l'en exonérer, même partiellement ;

Et attendu qu'après avoir relevé que l'accident s'était produit à une heure d'affluence, dans un passage réservé aux piétons ou à proximité de celui-ci, sur une avenue qui, dotée d'un éclairage public fonctionnant normalement, comprenait quatre voies de circulation, deux dans chaque sens, l'arrêt retient que, circulant sur la voie de gauche, la voiture de Z... avait heurté les époux X..., lesquels traversaient la chaussée de droite à gauche par rapport au sens de marche de l'automobiliste ;

Que, par ces énonciations d'où il résulte qu'à la supposer établie, la faute imputée aux victimes n'avait pas pour Z... le caractère d'un événement imprévisible et insurmontable, la cour d'appel, qui, par suite, n'était pas tenue de rechercher, en vue d'une exonération partielle du gardien, l'existence de ladite faute, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 15 janvier 1981 par la Cour d'appel de Reims ;

Condamne les demandeurs, envers les défendeurs, aux dépens, ceux avancés par les époux X..., liquidés à la somme de trois francs soixante cinq centimes, ceux avancés par la Caisse d'assurance maladie des travailleurs salariés des Ardennes, liquidés à la somme de trois francs soixante cinq centimes, en ce non compris le coût des significations du présent arrêt ;



Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 2 N. 111

Décision attaquée : Cour d'appel Reims du 15 janvier 1981