Pourquoi s’attarder sur le raisonnement juridique ?
Parce que le juriste n’est pas quelqu’un qui apprend par cœur son Code civil, mais quelqu’un qui sait reproduire le raisonnement juridique, c’est-à-dire qui sait analyser une situation de fait, et lui appliquer une règle de droit qui permettra de trouver une solution au conflit qui lui est présenté.
En fait, le raisonnement juridique, comme le raisonnement du médecin (symptôme / diagnostic / prescription), et comme beaucoup de raisonnements scientifiques, est de type syllogistique.
Rappel : le syllogisme repose sur deux branches :
- Une proposition générale : C’est la MAJEURE (M).
Ex.Tous les hommes sont mortels.
- Une proposition particulière : C’est la MINEURE (m).
Ex.Socrate est un homme.
Ex.Socrate est mortel.
Dans un raisonnement juridique, la mineure est constituée par les faits tels que le juriste les a qualifiés (dans le raisonnement médical, ce sera le symptôme tel qu'il est diagnostiqué).
La majeure est la règle de droit applicable (ou la prescription, en vocabulaire médical).
De la confrontation de la mineure à la majeure, naîtra la solution (ou la guérison, pour une affaire médicale).
Ex.Faits : M. et Mme X sont mariés. Mme X a eu une relation extra-conjugale avec M. Y. M. X est très contrarié.
Qualification : selon la loi, les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Mme X a donc violé l’une des obligations du mariage (autrement dit, elle a commis une faute) : c’est la mineure (m).
Règle de droit applicable : l’article 242 du Code civil énonce en substance que le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs de l’époux s’il a violé les devoirs ou obligations du mariage. C'est la règle de droit applicable, autrement dit c’est la mineure (M).
Solution : Le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs de Mme X.
Qualification : selon la loi, les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Mme X a donc violé l’une des obligations du mariage (autrement dit, elle a commis une faute) : c’est la mineure (m).
Règle de droit applicable : l’article 242 du Code civil énonce en substance que le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs de l’époux s’il a violé les devoirs ou obligations du mariage. C'est la règle de droit applicable, autrement dit c’est la mineure (M).
Solution : Le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs de Mme X.
C’est ce raisonnement, et cette forme d’analyse que l’on vous demande de reproduire dans un cas pratique. Cela a l’air simple à première vue : il suffirait d’appliquer le droit aux faits. Mais c’est évidemment plus compliqué qu’il n’y paraît, car la détermination de la mineure, comme celle de la mineure, peut poser de nombreuses difficultés.
Rq.NB : Pour les besoins de l'explication on étudiera les choses successivement, mais le travail préparatoire se fait en réalité par approches successives. Il faudra souvent faire des allers-et-retours entre le droit et les faits pour parvenir à un raisonnement juste.
C'est ce type de raisonnement que l'on vous demandera d'adopter pour résoudre un cas pratique.
Section 1 : La détermination de la MAJEURE : la recherche de la question de droit et de la règle de droit applicable
§1. Recherche de la question de droit
Pour pouvoir rechercher la règle de droit applicable pour résoudre le litige, il faut d’abord savoir quelle est la question posée.
C’est le problème de la question de droit, qui n’est pas forcément facile à résoudre. Il s’agit ici de ramasser en une seule question les points dont dépendra la solution du litige. Cela suppose un travail d’analyse et de réflexion.
Ex.Dans l'exemple précité, la question est de savoir si le fait pour Mme X d’avoir trompé son mari (si ce fait est avéré) est susceptible d'être sanctionné, et de quelle façon.
En fonction de cette question, on pourra chercher la règle de droit applicable.
§2. Recherche de la règle de droit applicable
Rq.NB : La règle de droit doit être entendue au sens large : La loi + son interprétation jurisprudentielle.
Cette règle sera identifiée par le juriste en faisant appel à ses connaissances personnelles, et éventuellement en procédant à une recherche dans l'index du Code civil (en cherchant sous les mots mariage / adultère).
En l'espèce : celui qui a étudié le droit de la famille sait que, aux termes de l'article 242 du Code civil :
Tx.« Le divorce peut être demandé par un des époux lorsque des faits imputables à l’autre constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, et qu’ils rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
En cherchant dans le Code civil (jurisprudence inscrite sous l'article 242) on voit que la Cour de cassation insiste pour que le caractère grave ou renouvelé soit considéré comme une condition alternative, mais qu’elle est également assez exigeante sur la caractérisation de toutes les conditions posées par la loi :
- une violation d'un des devoirs du mariage,
- une violation imputable à l'un des époux,
- une violation grave ou renouvelée...,
- rendant intolérable le maintien de la vie commune...
L’ensemble de ces règles, constituées par l’article 242 du Code civil et son interprétation jurisprudentielle, construisent la MAJEURE.
En fonction du résultat de cette recherche, on pourra procéder à l’opération de qualification.