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Jurisprudence

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Joint les pourvois n°s 00-19.639 et 00-19.742 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire (la CRCAM), agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de mandataire des sociétés Crédit lyonnais, Banque nationale de Paris, Société générale, Banque populaire du Val-de-Loire et Caisse d’épargne et de prévoyance, a, sur le fondement de l’article 102 de la loi du 25 janvier 1985, assigné le représentant des créanciers et le commissaire à l’exécution du plan de la société coopérative Agricher en validité d’un warrant inscrit le 12 octobre 1995 au greffe du tribunal d’instance ; que le représentant des créanciers et le commissaire à l’exécution du plan ont soulevé la nullité des assignations ;

Sur les premiers moyens, réunis :

Vu les articles 56, 114, premier alinéa, 117 et 648 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l’assignation doit contenir à peine de nullité les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice ; que si le requérant est une personne morale, l’acte doit indiquer la forme, la dénomination, le siège social et l’organe qui la représente légalement ;

Attendu que pour accueillir l’exception de nullité, l’arrêt retient que les règles applicables à l’assignation et à la déclaration d’appel sont identiques, qu’il n’est nulle part indiqué dans les assignations l’organe qui représente légalement les sociétés, que, telles qu’elles étaient libellées, elles ne permettaient pas de vérifier si les représentants légaux des membres du “ pool bancaire “ avaient qualité pour représenter en justice les différents établissements de crédit, et que ces défauts constituent un vice de fond qui entraîne la nullité des actes ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le défaut de désignation de l’organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu’un vice de forme, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur les seconds moyens, réunis :

Vu l’article 114, second alinéa, du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ;

Attendu que pour accueillir l’exception de nullité, l’arrêt retient que peu importe que l’instance ne soit que la poursuite de la procédure de contestation de créances dès lors qu’en portant l’affaire par les assignations litigieuses devant le tribunal d’instance, la CRCAM et les autres banques causaient un grief aux mandataires de justice de la procédure collective, puisqu’à défaut, la contestation élevée par ces derniers aurait été définitivement admise par le juge-commissaire ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui, tirés du préjudice causé par l’action en justice, sont impropres à caractériser le grief résultant du vice de forme, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt (RG 99/01127) rendu le 4 juillet 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

MOYENS ANNEXES

Moyens produits à l’appui du pourvoi n° 00-19.639 par la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre Loire, le Crédit lyonnais, la Société générale, la Banque populaire du Val-de-Loire et la Caisse d’épargne et de prévoyance.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré nulles les assignations délivrées par les exposantes ;

AUX MOTIFS QUE les assignations ne comportent aucune des mentions légalement exigées (forme sociale des sociétés et organe qui les représente), que cette omission constitue un vice de fond qui entraîne la nullité de l’acte d’appel ; que cette jurisprudence relative à la déclaration d’appel est transposable en l’espèce, les règles applicables à l’assignation et à la déclaration d’appel étant identiques, l’article 901 du nouveau Code de procédure civile reprenant les termes de l’article 648 du nouveau Code de procédure civile ; que selon l’article 117 du nouveau Code de procédure civile, constitue une nullité de fond le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale ; que les assignations ne permettaient pas de s’assurer si les représentants légaux des membres du pool bancaire avaient bien qualité pour représenter en justice les établissements de crédit, étant rappelé qu’il appartient à la personne qui figure au procès comme représentant d’une personne morale de justifier qu’elle a régulièrement été désignée à cette fonction ;

ALORS QUE l’indication de l’organe représentant la personne morale est une simple formalité dont l’omission ne peut entraîner la nullité de l’assignation qu’à la condition qu’elle ait causé un préjudice à l’adversaire qui s’en prévaut ; qu’en décidant que le défaut de cette mention était constitutif d’un vice de fond, la cour d’appel a violé les articles 56, 114, 117, 648 et 836 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE le défaut de justification du pouvoir du représentant d’une personne morale constitue un vice de forme qui peut être régularisé jusqu’à ce que le juge statue ; qu’en estimant que l’absence d’indication du représentant de la personne morale constituait un vice de fond pour défaut de pouvoir de ce représentant, la cour d’appel a violé l’article 117 du nouveau Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré nulles les assignations délivrées par les exposantes ;

AUX MOTIFS QUE même s’agissant d’un vice de forme, le directeur général de la CRCAM ne constitue pas selon la loi du 10 septembre 1947 un organe pouvant la représenter valablement, à l’inverse d’un directeur ; qu’en mentionnant la CRCAM représentée par ses “ représentants légaux “, il était causé un grief puisqu’on privait les adversaires d’un moyen dont la pertinence est apparue lors de la régularisation ; que peu importe que la présente instance ne soit que la poursuite de la procédure de contestation de créances puisqu’à défaut d’assignations la contestation aurait été admise ; que la CRCAM n’a formulé une tentative de régularisation qu’à l’occasion de l’audience du tribunal d’instance alors que la forclusion était intervenue ;

ALORS QU’il résulte de l’article 7 de la loi du 10 septembre 1947 que les statuts des coopératives déterminent notamment le siège de la société, son mode d’administration, en particulier les décisions réservées à l’assemblée générale, “ les pouvoirs des administrateurs ou gérants “ ; que les statuts de la CRCAM indiquent expressément que le président représente en justice la Caisse mais qu’il peut déléguer ses pouvoirs, ce qui a été fait par décision du 22 mai 1996 ; qu’en déclarant dès lors que le directeur général ne peut représenter la Caisse à l’inverse d’un directeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

ALORS QUE toute action en justice contre une partie porte nécessairement grief à cette dernière ; qu’en déclarant qu’en portant les assignations devant le tribunal d’instance, les exposantes auraient causé un grief à leurs adversaires car à défaut, les contestations de ces derniers auraient été admises par le juge-commissaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 114 du nouveau Code de procédure civile.

Moyens produits à l’appui du pourvoi n° 00-19.742 par la SCP Defrénois et Levis, avocat aux Conseils, pour la Banque nationale de Paris (BNP) Paribas.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit nulles les assignations délivrées à Mes Lebosse-Peluchonneau et Sohm, ès qualités, à la requête du Crédit agricole et des autres banques constituant avec lui le pool bancaire ;

AUX MOTIFS, D’UNE PART, QUE les assignations ne mentionnent pas la forme sociale des sociétés requérantes ; de même que n’est pas indiqué l’organe qui les représente légalement, le terme “ représentants légaux “, au pluriel, ajoutant une indétermination supplémentaire par rapport au singulier ; que le défaut d’indication de l’organe social constitue un vice de fond et entraîne la nullité de l’assignation ;

ALORS QUE l’irrégularité ou l’omission dans l’assignation de la mention relative à l’organe qui représente une personne morale constitue une irrégularité de forme qui ne peut entraîner la nullité qu’à la condition que celui qui s’en prévaut justifie d’un préjudice ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 56, 114, 648 et 836 du nouveau Code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS, D’AUTRE PART, QUE constitue une irrégularité de fond, au regard de l’article 117 du nouveau Code de procédure civile “ le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale (...) “ ; que la cause de nullité invoquée en l’espèce par les mandataires de justice entre bien dans cette catégorie, les assignations qu’ils ont reçues telles qu’elles étaient libellées ne leur permettant pas de vérifier si les représentants légaux des membres du pool bancaire avaient bien qualité pour représenter en justice les différents établissements de crédit, étant rappelé qu’en vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la personne qui figure au procès comme représentant d’une personne morale de justifier qu’elle a été régulièrement désignée à cette fonction ; que cette irrégularité de fond ne peut pas être couverte après l’expiration du délai de recours ou de forclusion ; que la CRCAM n’a formulé une tentative de régularisation qu’à l’occasion de l’audience du tribunal d’instance alors que la forclusion était déjà intervenue ;

ALORS QUE le défaut de justification, à l’appui d’un recours, du pouvoir d’une personne représentant une personne morale ne constitue pas une irrégularité de fond et peut être régularisé jusqu’à ce que le juge statue ; qu’en considérant que les assignations étaient entachées d’un vice de fond, pour défaut de pouvoir du représentant de chaque personne morale, par le seul fait que l’indication de l’organe représentatif n’y figurait pas avec précision, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 117 du nouveau Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit nulles les assignations délivrées à Mes Lebosse-Peluchonneau et Sohm, ès qualités, à la requête du Crédit agricole et des autres banques constituant avec lui le pool bancaire ;

AUX MOTIFS QUE même à suivre le raisonnement de la CRCAM tendant à voir dans les omissions litigieuses de simples vices de forme ne causant pas grief et susceptibles en outre d’être régularisés, il convient alors de constater que le directeur général de ladite Caisse, censé la représenter dans ses conclusions de première instance, ne constitue pas selon la loi du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, un organe pouvant valablement représenter une société coopérative (à l’inverse d’un directeur) ; qu’en mentionnant la CRCAM simplement représentée par “ ses représentants légaux “, il était bien causé grief puisqu’on privait les adversaires d’un moyen dont la pertinence est apparue à l’occasion d’une régularisation ; que peu importe également que la présente instance ne soit que la poursuite de la procédure de contestation de créances, dès lors qu’en portant l’affaire par les assignations litigieuses devant le tribunal d’instance, la CRCAM et les autres banques causaient bien un grief aux mandataires de justice de la procédure collective, puisqu’à défaut, la contestation élevée par ces derniers aurait été définitivement admise par le juge-commissaire ;

ALORS QUE l’exposante faisait valoir qu’il résultait du justificatif des pouvoirs du représentant de la CRCAM et des statuts de cette dernière que la CRCAM avait donné pouvoir d’ester en justice au directeur, également et indifféremment appelé directeur général ; qu’en affirmant que “ le directeur général de ladite Caisse, censé la représenter dans ses conclusions de première instance, ne constituait pas selon la loi du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération, un organe pouvant valablement représenter une société coopérative (à l’inverse de son directeur) “, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE le grief, à l’existence duquel le prononcé de la nullité d’une assignation est subordonné, s’entend d’une méconnaissance des droits de la défense, la partie qui se prévaut de la nullité n’ayant pu être en mesure de faire valoir ses droits ; qu’en considérant que le grief résultait de ce que les mandataires de justice n’avaient pu voir leur contestation admise par le juge-commissaire, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l’article 114 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE l’exposante faisait valoir que la procédure devant le tribunal d’instance n’était que le prolongement de l’acte introductif d’instance que constitue la déclaration de créance, par laquelle le Crédit agricole avait bien précisé agir par son directeur général ; de sorte que Mes Lebosse-Peluchonneau et Sohm connaissaient parfaitement leur adversaire et ne subissaient aucun préjudice ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 114 du nouveau Code de procédure civile ;

ET, ALORS, en toute hypothèse, qu’à supposer que les assignations pouvaient être annulées en tant qu’elles auraient été délivrées à la requête du directeur général de la CRCAM, prétendument dépourvu du pouvoir d’agir au nom de la CRCAM, ces mêmes assignations ne pouvaient être déclarées nulles en tant qu’elles avaient été délivrées à la requête de cinq autres banques, sans que soit relevé au préalable un défaut de pouvoir du représentant de chacune de ces autres personnes morales ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 117 du nouveau Code de procédure civile.

Publication :Bulletin 2002 MIXT. N° 1 p. 1 Procédures, n° 4, avril 2002, commentaire n° 69, p. 6-7, note Roger PERROT. Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 358-359, note Roger PERROT. Revue des sociétés, n° 2, avril-juin 2002, p. 293-297, note Yves CHARTIER. 
Décision attaquée :Cour d’appel de Bourges, 2000-07-04  
Titrages et résumés : PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Vice de forme - Définition - Personne morale - Organe la représentant légalement - Désignation - Défaut .

 Le défaut de désignation de l’organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu’un vice de forme.

 PROCEDURE CIVILE - Assignation - Mentions obligatoires - Personne morale - Organe la représentant légalement - Désignation - Défaut - Irrégularité de forme

APPEL CIVIL - Acte d’appel - Nullité - Irrégularité de fond - Défaut d’indication de l’organe représentant la personne morale (non)

Précédents jurisprudentiels : MEME ESPECE : 2002-02-22 Cassation. 00-20.398 Caisse régionalede Crédit agricole mutuel Centre Loire et autres c/ société Agricher et autres. 00-20.547 Banque nationale de Paris (Paribas) c/ société Agricher et autres. EN SENS CONTRAIRE : Chambre commerciale, 1998-06-03, Bulletin 1998, IV, n° 174, p. 143 (cassation partielle). A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1997-01-07, Bulletin 1997, IV, n° 9 (1), p. 8 (cassation) ; Chambre civile 2, 2001-07-12, Bulletin 2001, II, n° 139, p. 93 (rejet), et les arrêts cités. 

Codes cités : 1° :. Nouveau code de procédure civile 55, 114 al. 1, 117, 648. 

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