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Jurisprudence

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le principe du respect des droits de la défense ;

Attendu que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel ; que son exercice effectif exige que soit assuré l’accès de chacun, avec l’assistance d’un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ;

Attendu que, pour dire n’y avoir lieu à la commission d’office d’un avocat pour la présentation, par M. X..., d’une requête en rabat d’arrêts, le conseil de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation a énoncé, par une décision du 23 juillet 1992, que la demande, tendant à engager une procédure hors des cas où elle est limitativement admise, alors que, de surcroît, l’irrégularité invoquée n’existait pas, se trouvait dépourvue d’objet ;

En quoi il a méconnu le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

ANNULE la décision du conseil de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation du 23 juillet 1992.MOYEN ANNEXE

MOYEN DE CASSATION :

La décision prise par le conseil de l’Ordre est contraire aux principes qui régissent, en droit interne, la profession d’avocat aux Conseils ;

Elle est également contraire aux principes posés par la Convention européenne des droits de l’homme ;

Dans les matières non dispensées, le ministère d’un avocat à la Cour de Cassation est indispensable, et ce dès le dépôt du pourvoi ou de la requête qui saisit cette juridiction ;

Il s’ensuit que l’avocat aux Conseils, lorsqu’il est requis d’y procéder et qu’il a reçu une provision suffisante, ne peut refuser son concours (Boré, “ La Cassation en matière civile “, n° 2761) ;

Le principe ne peut toutefois être absolu. Il n’est pas possible, par exemple, d’exiger d’un avocat aux Conseils qu’il prête son concours lors d’une procédure dont les fins heurtent sa conscience ;

Et en tout état de cause, l’avocat aux Conseils n’est pas tenu de soutenir le pourvoi (cf. Boré, op. et loc. cités ; Faye, n° 200 ; Civ. 6 juillet 1813, Jur. Gén, V. Avocat, n° 529) ;

Mais la partie qui ne trouve pas d’avocat acceptant de soutenir son pourvoi doit pouvoir demander au président de l’Ordre d’en commettre un d’office, afin de ne pas être empêchée de faire valoir ce qu’elle croit être son droit (cf. Boré, ibid ; Req. 22 novembre 1904, D.P. 1905.1.44) ;

Le président de l’Ordre a nécessairement compétence liée en ce qui concerne le principe même de la désignation d’office, et il en va de même pour le conseil de l’Ordre ;

Toute autre solution conduirait à nier le droit de tout justiciable à l’accès à la justice ;

A ce titre, déjà, la décision du conseil de l’Ordre doit être condamnée ;

En outre, la décision attaquée est contraire aux principes posés par la Convention européenne des droits de l’homme ;

L’article 6, paragraphe 1, de ladite Convention dispose que “ toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) “ ;

Il existe donc un véritable droit d’accès aux tribunaux.

Certes, ce droit n’est pas absolu et peut être réglementé, mais ces limitations ne peuvent aboutir à priver concrètement l’individu de la possibilité de saisir le juge compétent (cf. CEDH, 27 août 1991, Philès c/Grèce, Revue trim. de dt. h. 1992.483) ;

En outre, tout individu doit pouvoir obtenir un avocat pour défendre ses intérêts et l’assister en justice, sans qu’il y ait lieu de supputer les chances de succès du recours qu’il envisage (CEDH, 28 mars 1990, Granger c/Royaume-Uni) ;

Enfin, en application des dispositions de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne estimant que son droit à un procès équitable a été méconnu, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation alléguée aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ;

En l’espèce, le président du conseil de l’Ordre des avocats aux Conseils était l’autorité habilitée à désigner d’office l’un de ses confrères pour représenter M. X... ;

La décision attaquée a pour effet concret de priver l’exposant de l’accès à la juridiction compétente pour connaître de la contestation qu’il entend porter ;

L’annulation s’impose de plus fort.

Publication :Bulletin 1995 A. P. N° 4 p. 7 Semaine juridique, 1995-09-06, n° 36, p. 319, note M. Jéol et A. Perdriau. 
Titrages et résumés : OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avocat aux Conseils - Commission d’office - Demande - Demande en vue de présenter une requête en rabat d’arrêt - Refus par le conseil de l’Ordre - Droits de la défense - Violation .

 La défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel et son exercice effectif exige que soit assuré l’accès de chacun, avec l’assistance d’un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention.

Méconnaît ce principe le conseil de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation qui, pour dire n’y avoir lieu à la commission d’office d’un avocat pour la présentation d’une requête en rabat d’arrêts, énonce que la demande, tendant à engager une procédure hors des cas où elle est limitativement admise, alors que, de surcroît, l’irrégularité invoquée n’existe pas, se trouve dépourvue d’objet.

 CASSATION - Arrêt - Rabat - Présentation d’une requête en rabat d’arrêt - Commission d’office d’un avocat aux Conseils - Demande - Refus par le conseil de l’Ordre - Droits de la défense - Violation

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Violation - Commission d’office - Commission d’office d’un avocat aux Conseils - Demande - Demande en vue de présenter une requête en rabat d’arrêt - Refus par le conseil de l’Ordre

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Droit fondamental à caractère constitutionnel