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Jurisprudence

REPUBLIQUE FRANCAISE

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 1988), que dans une instance en divorce suivie devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, les avocats, après renvoi convenu des débats de l’audience du 28 octobre 1987 à celle du 20 janvier 1988, ont présenté, par lettre du 8 janvier 1988, une nouvelle demande de remise qu’ils ont fait réitérer par leurs collaborateurs à cette audience ; que le Tribunal leur a opposé un refus, a mis la cause en délibéré et a invité les avocats des parties à lui adresser leurs dossiers avant le 16 mars 1988 ; que, le 25 janvier 1988, le conseil de l’ordre des avocats au barreau d’Aix-en-Provence a pris une délibération élevant “ la protestation la plus solennelle à l’égard de la décision (du 20 janvier 1988) “, en énonçant d’abord que “ seuls les avocats en accord avec leurs clients disposent du droit de savoir s’ils peuvent se contenter d’un dépôt de dossier ou plaider “ et ensuite “ qu’il appartient aux parties seules de donner à leur affaire les développements qu’elles estiment conformes à leurs intérêts et qu’en l’espèce ces dernières, par l’intermédiaire de leur conseil respectif, avaient manifesté leur accord pour un déplacement de l’affaire “ ; que, sur le recours formé par le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’arrêt attaqué a annulé les dispositions précitées de la délibération déférée ;

Attendu que le conseil de l’ordre fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d’une part, que le juge, lorsqu’il rejette une demande conjointe de renvoi, doit, pour assurer le droit des parties à débattre oralement leur cause devant lui, faire sortir l’affaire du rôle ; que, comme l’indiquaient les conclusions du conseil de l’ordre, le Tribunal n’avait pu imposer aux parties un jugement sur dossier sans méconnaître leur droit à l’oralité des débats et à un procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ; que la cour d’appel, en censurant sur ce point les critiques justifiées de la délibération, a laissé lesdites conclusions sans réponse et a violé les articles 14 et 16 du nouveau Code de procédure civile et l’article 6 de la Convention ; et alors, d’autre part, qu’en matière privée et particulièrement en matière de divorce, les parties ne sauraient être jugées malgré elles ; que le Tribunal, en décidant de procéder au jugement contre leur volonté commune, alors qu’il ne pouvait que prononcer la radiation administrative de l’affaire, avait, comme le montraient les conclusions du conseil de l’ordre, méconnu les principes directeurs du procès civil et le droit des parties à un procès équitable ; qu’en annulant le motif de la délibération suivant lequel il appartient aux seules parties de donner à leur affaire les développements qu’elles estiment conformes à leurs intérêts, la cour d’appel a omis de répondre auxdites conclusions et a violé les articles 1 et 2 du nouveau Code de procédure civile et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu que si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que la faculté d’accepter ou de refuser le renvoi, à une audience ultérieure, d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral ; que si les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire ;

Et attendu qu’après avoir énoncé qu’au cas où les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre le cours de l’instance en formant une demande conjointe de radiation, laquelle s’impose alors au juge, l’arrêt retient à bon droit, répondant aux conclusions, que la délibération du conseil de l’ordre est contraire aux dispositions réglementaires en vigueur en ce qu’elle tend à faire admettre que les juridictions se trouveraient liées par les demandes de renvoi présentées par les représentants des parties ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé :

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

MOYEN UNIQUE DE CASSATION, il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir annulé, dans la délibération du 25 janvier 1988, les quatre premiers paragraphes expressément visés par le Ministère Public, et d’avoir ordonné en conséquence le retranchement de ladite délibération de la partie du texte commençant par “ Considérant que seul les avocats des parties en accord avec .. “ jusqu’à “ .. par l’intermédiaire de leur conseil respectif, avaient manifesté leur accord pour un déplacement de l’affaire “

AUX MOTIFS QUE la délibération du Conseil de l’Ordre, qui tendait à faire admettre que les juridictions seraient liées par les demandes de renvoi des parties, était assise sur des considérations erronées ou étrangères à cette prétention ; que les quatre premiers paragraphes ne faisaient que reprendre les règles relatives aux droits des parties sur l’instance ; que ces affirmations, détachées de leur contexte, seraient à l’abri de toute critique comme n’énonçant que des principes admis ; que rapprochées de la protestation contre un refus de renvoi, elles en apparaissaient comme le support ; qu’elles ne pouvaient cependant en être la justification ; qu’elles étaient sans influence sur une décision fondée sur un droit propre au Tribunal, procédant de son pouvoir d’administration et exercé sans aucune violation de la liberté reconnue aux parties de donner à leur affaire les développements qu’elles estimaient conformes à leurs intérêts, de plaider ou de ne pas plaider, de déposer ou de ne pas déposer leurs pièces, et sans aucune atteinte à l’indépendance de l’avocat et aux droits de la défense ; que l’inadaptation des dispositions critiquées à la protestation était susceptible de faire naître une confusion préjudiciable au bon fonctionnement des juridictions ; que leur maintien pourrait laisser s’accréditer auprès des parties et de leurs avocats un droit au renvoi qui n’existe pas ; que constituant, au soutien de la protestation dont s’agit, des motifs contraires aux dispositions législatives et règlementaires, elles devaient être annulées par application de l’article 19 de la loi du

31 décembre 1971 .

ALORS QUE, D’UNE PART, les parties ont le droit de débattre oralement leur cause devant le juge ; que si le juge peut refuser une demande conjointe de renvoi, il ne saurait contraindre les parties à être jugées sur dossier ; qu’il résulte des motifs mêmes de l’arrêt que le Tribunal avait, comme conséquence de sa décision de rejet de la demande conjointe de renvoi, refusé successivement d’autoriser les plaidoiries en continuation ou sur réouverture des débats, et de faire sortir l’affaire du rôle ; qu’ainsi, comme l’avait montré l’exposant dans ses écritures, le Tribunal, en obligeant les parties à être jugée sur dossier, avait méconnu le droit des parties à l’oralité des débats et à un procès équitable, au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui justifiait les paragraphes 4, 5 et 6 de la délibération du Conseil de l’Ordre, qui énonçaient que seuls les avocats en accord avec leurs clients disposaient du droit de savoir s’ils peuvent se contenter d’un dépôt de dossier ou plaider ; qu’en annulant les paragraphes en question, au motif qu’ils auraient pu laisser accréditer l’existance d’un “ droit au renvoi “ dont l’exposant ne s’était pas prévalu dans ses écritures, la cour d’appel :

- n’a pas répondu au moyen tiré d’une violation du droit à l’oralité des débats et à un procès équitable, violant l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

- a méconnu les dispositions des articles 14 et 16 du nouveau Code de procédure civile, et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

ET ALORS, D’AUTRE PART, QUE en matière privée et particulièrement en matière de divorce, les parties ne sauraient être jugées malgré elles ; qu’il résulte des motifs même de l’arrêt que le Tribunal, en conséquence de sa décision de refus de renvoi, avait refusé de faire sortir l’affaire du rôle, et donc décidé de statuer, malgré l’opposition conjointe des parties, au vu des pièces produites ; que comme l’avait montré l’exposant, le Tribunal en décidant de jugerles parties malgré elles, alors qu’il ne pouvait que procéder à la radiation administrative de l’affaire, avait méconnu les principes directeurs du procès civil, et le droit des parties à un procès équitable, ce qui justifiait le paragraphe 7 de la délibération du conseil de l’Ordre qui énonçait qu’il appatenait aux seules parties de donner à leur affaire les développements qu’elles estimaient conforme à leurs intérêts ; qu’en annulant le paragraphe en cause, la cour d’appel :

- n’a pas répondu au moyen tiré d’une violation des principes directeurs du procès civil et du droit à un procès équitable, violant l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- a méconnu les dispositions des articles 1 et 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

MOYEN ANNEXE Moyen produit par M. Choucroy, avocat auxconseils, pour l’Ordre des avocats au barreau d’Aix-en-Provence

Publication :Bulletin 1989 A.P. N° 3 p. 5 Droit social, juin 1990, n° 6, p. 558, note Y. DESDEVISES. Les Petites Affiches, 1990-07-02, n° 79, p. 31, note M. RICHEVAUX. Gazette du Palais, 1990-08-09, n° 221, p. 18, note S. GUINCHARD et T. MOUSSA. Dalloz, 1990-09-27, n° 31, p. 429, note P. JULIEN. Dalloz, 1990-01-18, n° 3, p. 25, conclusions J. CABANNES. Semaine juridique, 1990-02-07, n° 21.407, note L. CADIET. 
Décision attaquée :Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1988-06-24 
Titrages et résumés : PROCEDURE CIVILE - Rôle - Radiation - Parties convenant de ne pas déposer leur dossier - Effet.

 Si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable.

La faculté d’accepter ou de refuser le renvoi d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral.

Au cas où les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire.

Si les parties considèrent de leur intérêt d’éviter ou de différer une solution judiciaire, elles ont la possibilité de suspendre le cours de l’instance en formant une demande conjointe de radiation qui s’impose au juge.

PROCEDURE CIVILE - Rôle - Radiation - Radiation demandée conjointement par les parties - Effet

POUVOIRS DES JUGES - Pouvoir discrétionnaire - Remise - Demande conjointe des parties

PROCEDURE CIVILE - Remise - Pouvoirs des juges - Pouvoir discrétionnaire

POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Procédure civile - Rôle - Radiation