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Théorie générale de l'instance : Le lien d'instance


Introduction


Df.L'instance est la période pendant laquelle les personnes concernées par le procès accomplissent les actes de procédure qu'il implique : cette période s'étend en principe de l'acte introductif jusqu'au jugement, sauf extinction anticipée résultant par exemple d'un désistement.

Nous envisagerons la théorie générale de l'instance, puis le déroulement de l'instance sans incident.

L'étude de la théorie générale de l'instance conduit à s'intéresser au lien d'instance (leçon 9), aux principes directeurs (leçon10) et au formalisme de l'instance (leçon 11).

Df.L'instance est un rapport de droit, de nature processuelle, qui s'ajoute au rapport juridique fondamental unissant les parties (créancier/débiteur, propriétaire/locataire, mari/femme...).

Il n'y a pas d'effet novatoire. Le rapport de droit substantiel n'est en principe pas affecté si le lien processuel vient à s'éteindre avant le jugement (art 385 CPC).

La nature juridique du lien d'instance a été discutée ; il ne fait aujourd'hui nul doute qu'il s'agit d'un lien d'origine légale.

La thèse de sa nature contractuelle ou quasi contractuelle doit être rejetée pour diverses raisons : tout d'abord l'initiative de la procédure est le plus souvent unilatérale, même si un désistement unilatéral ultérieur n'est pas toujours possible. Ensuite, le défendeur n'est pas obligé de comparaître (en pratique il n'a guère le choix s'il souhaite faire valoir des moyens de défense). La nature légale du lien d'instance peut aussi être rattachée à l'impossibilité de se faire justice à soi-même.

Du lien d'instance découlent :
  • des obligations procédurales pour les parties, telles que comparaître, conclure, agir dans les délais....
  • des obligations fonctionnelles pour le juge, dont l'obligation de statuer sur la demande, sous peine de commettre un déni de justice.

L'instance possède enfin un caractère formel, processuel et évolutif, du fait qu'elle se prolonge dans le temps.

Le rapport juridique d'instance sera examiné à la fois sous l'angle de ses sujets, les parties à celui-ci, et de son objet, la matière du procès.

Section 1. Les parties à l'instance

Après avoir cerné la notion de partie, des développements seront consacrés aux conditions de capacité qu'elles doivent remplir afin d'être en mesure d'agir en justice. Lorsqu'une représentation est nécessaire, ou est mise en oeuvre, s'y ajoutent parfois des questions de pouvoir.

Pour être complète, l'identification des parties doit aussi se faire en opposant la notion de partie à la qualité de tiers.


Df.Sont qualifiées de parties les personnes qui ont pris l'initiative d'exercer l'action en justice ou contre lesquelles un acte introductif d'instance a été dirigé.
Selon F. Buchy, la qualité de partie se caractérise par la réunion d'un critère formel et d'un critère matériel : sont parties les personnes tenues par le lien juridique d'instance (critère formel) et liées par des prétentions (critère matériel) (F. Bussy, La notion de partie à l'instance, D. 03 chr. 1376).
Pour J. Théron, la notion de partie à l'instance découle en principe de la qualité de partie à la contestation (substantielle). En cas de contentieux objectif, s'y ajoute parfois la notion de partie à un déséquilibre (J. Theron, Ordre et désordre dans la notion de partie, RTDCiv. 2014 231).

Il existe au moins deux parties : le demandeur et le défendeur. Leur qualité processuelle n'est pas liée aux droits substantiels en cause, l'initiative de l'instance pouvant être prise aussi bien par le créancier que par le débiteur.

En cas de pluralité de parties, leurs situations respectives sont régies par les principes d'indépendance et de divisibilité de l'instance : chacune agit uniquement en son nom et pour son propre compte (art 323 et 324 CPC) (Pour une illustration en matière de recevabilité des conclusions d'appel : Civ. II, 19/2/09, D. 09 2073).
La règle connaît toutefois des exceptions, notamment s'agissant des voies de recours, s'il y a indivisibilité de l'objet du litige ou solidarité.

Rq.D. Lanzara, Les règles de procédure civile à l'épreuve de la pluralité de parties, D. 2015 2520


La qualité de partie détermine certaines conséquences, telles la charge de l'allégation et de la preuve, la portée de la chose jugée, les voies de recours ouvertes...
Il ne peut en cours d'instance y avoir changement des parties ou de leur qualité.
Les tiers sont des personnes en principe non parties à l'instance, même si certains sont susceptibles d'y être associés à des degrés divers :
  • quelques uns peuvent voir la chose jugée leur être déclarée opposable car ils sont considérés comme ayant été représentés à l'instance (ex : héritiers, créanciers chirographaires...) ;
  • d'autres interviennent dans le cadre de l'instruction (ex : témoins liés par l'art. 10 C.Civ., tiers concernés par des productions de pièces) ;
  • d'autres enfin acquièrent la qualité de partie, du fait d'une intervention, volontaire ou forcée, qui réalise un élargissement du cadre de l'instance.

En principe étrangers à l'instance, les tiers sont protégés par le principe de relativité de la chose jugée (Voir leçon 6). Ils se voient cependant reconnaître le droit de former tierce opposition, dans le cas où certains effets du jugement leur seraient préjudiciables.

La capacité d'ester est requise pour agir en justice. Si la capacité de jouissance apparaît comme une condition indispensable, le défaut de capacité d'exercice impose de recourir à une technique d'assistance ou de représentation.

La personnalité juridique confère ipso facto la qualité de sujet de droit et les sujets de droit bénéficient d'un libre accès aux tribunaux : ce principe a valeur de liberté publique. L'existence des personnes physiques, qui conditionne leur personnalité juridique, s'apprécie au moment de la demande. Ainsi, le décès survenu en cours de procès ne donne en général lieu qu'à une interruption de l'instance. L'accès au prétoire des groupements est lui aussi lié à leur personnalité juridique.

Tx.Jurisprudence
Impossibilité de régulariser l'irrégularité liée à l'inexistence d'une personne morale après fusion : Com 7 déc. 93, JCP 94 II 22285, note Putman.

La jurisprudence, dans le but de protéger les demandeurs qui seraient victimes de l'action de groupements de fait, distingue parfois pour les groupements dénués de personnalité entre :
  • la capacité active : le droit d'introduire une action en justice ne leur est pas reconnu et une tentative éventuelle se heurterait à une irrecevabilité ;
  • la capacité passive : elle les autorise à se défendre face à une action intentée à leur encontre.
Le défaut de capacité d'exercice implique l'impossibilité, pour la personne concernée, de mettre elle-même en oeuvre les droits dont elle est titulaire.
L'incapacité nécessite donc la mise en place d'un mécanisme de représentation ou d'assistance : on parle de représentation dans l'exercice de l'action ou de représentation ad agendum. Sont principalement concernés les mineurs non émancipés et les incapables majeurs :
  • les majeurs sous tutelle font l'objet d'un régime de représentation ;
  • les majeurs sous curatelle doivent être assistés pour les actes les plus graves.

Il existe parfois d'autres situations d'incapacités, en liaison avec le droit substantiel, par exemple dans le cadre des régimes matrimoniaux ou des procédures collectives. D'un point de vue procédural, l'incapacité d'exercice est sanctionnée par une nullité pour irrégularité de fond.



La notion de pouvoir implique l'existence d'un mécanisme d'assistance ou de représentation en justice. Les causes de mise en place d'un tel mécanisme sont diverses. Il peut s'agir pour la partie visée :
  • de remédier à une incapacité d'exercice ou à un empêchement personnel d'ester en justice,
  • du recours, parfois obligatoire selon les textes, à une représentation dans l'exercice des actes de procédure.

La représentation en justice nécessite de respecter certaines conditions.

  • La représentation dans l'action (représentation ad agendum) doit s'appuyer sur un pouvoir, dont les sources varient et qui peut être d'origine :
    • légale : administrateur légaux (ex. : parents représentant leur enfant mineur) ;
    • judiciaire : procédures collectives (ex.: mandataire ou liquidateur judiciaire) ;
    • conventionnelle : par exemple, statuts d'une association (Civ I, 19 nov. 02, D. 03 21, conclusions Saint-Rose). Dans ce dernier cas, un mandat écrit spécial est nécessaire. S'agissant des personnes morales, cette exigence n'est toutefois pas requise à l'égard des sociétés commerciales pour lesquelles la loi désigne les organes dotés du pouvoir de représentation.

Tx.Jurisprudence
Le directeur général d'une SA dispose du pouvoir légal d'agir en justice au nom de la société, tout comme le président du Conseil d'administration, et n'a donc pas besoin d'un mandat spécial :, D 95 101, concl. Jéol, note Cohen.

Lorsque le débiteur en liquidation judiciaire est une société, sa dissolution par l'effet du jugement de liquidation judiciaire prive ses dirigeants de leurs pouvoirs. La société ne peut exercer ses droits propres que par l'intermédiaire de son liquidateur amiable, nommé conformément aux statuts ou dans leur silence, par les associés, ou si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur amiable nommé par une assemblée générale représente valablement la société, et l'acte d'appel est régulier, peu important que cette nomination n'ait pas encore été publiée : Cass. com., 7 sept. 2010, Proc 2010, F. 12 n° 409 obs. B. Rolland.

Le défaut de pouvoir est sanctionné par une nullité de procédure pour irrégularité de fond.

  • L'existence d'un pouvoir a pour corollaire l'obligation de désigner le représenté dans les actes de procédure. Cette exigence constitue la traduction actuelle de la règle " Nul ne plaide en France par procureur ". Cette règle signifiait autrefois l'obligation de comparaître en personne, donc l'interdiction corrélative de la représentation. Puis, le droit de se faire représenter a été autorisé, à condition de ne pas recourir à un prête-nom et de bien apparaître dans la procédure. Cette exigence n'est toutefois pas imposée pour les actions ès qualités exercées par un tuteur ou un parent, administrateur légal de ses enfants mineurs.

    Il convient par ailleurs de distinguer la représentation dans l'exercice de l'action (représentation ad agendum) de la représentation dans l'accomplissement des actes de procédure (représentation ad litem) (Soc, 5 déc. 07, Proc. 08 n° 33).
Devant certaines juridictions la représentation pour les actes de procédure, dont le dépôt de conclusions, est parfois obligatoire : il s'agit d'un mandat ad litem pour lequel n'est admis en outre qu'un seul représentant. Devant d'autres juridictions la représentation est facultative, voire exclue.

Juridictions avec représentation obligatoire :
Trois juridictions sont concernées :
  • Le TGI : la représentation par avocat est en principe obligatoire : on parle de postulation. Elle est en outre soumise à territorialité puisque la représentation ne peut être le fait que d'un avocat inscrit au Barreau rattaché au TGI concerné. La territorialité sera sans doute étendue prochainement à tous les TGI du ressort de la Cour d'appel de rattachement des Barreaux.

  • La Cour d'appel : la représentation était auparavant le monopole des avoués. Il était interdit aux parties ou à leur avocat d’agir en appel sans le concours d’un avoué constitué (Civ II, 23/3/94, JCP 95 II 22373, note Du Rusquec). En revanche, l’avoué ne plaidant pas, l’avocat était donc toujours susceptible d’assister son client en appel.
    Depuis le 1er janvier 2012, du fait de la suppression des avoués, la représentation en appel est aussi devenue le monopole des avocats, avec une exigence de territorialité la limitant aux seuls avocats du ressort d’une Cour d’appel. Sous cette réserve, un même avocat peut donc désormais assumer les missions de représentation et d’assistance de son client en appel.

  • La Cour de cassation : les avocats aux Conseils ont le monopole de la représentation et de l'assistance devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat.



Juridictions sans représentation obligatoire :
  • Représentation en principe exclue : devant le Conseil de Prud'hommes (art R 1453-1 C.Trav.) la comparution personnelle est en principe obligatoire, sauf à justifier d'un motif légitime (Ass. Plén., 31 oct. 96, rev. Proc. 97 n°2).

  • Représentation autorisée : quand la représentation est possible, il y a parfois énumération limitative des représentants admis. Tel est le cas devant :
    • le tribunal d'instance (art 828 CPC) ;
    • le juge de proximité : les parties peuvent se faire assister et représenter dans les mêmes conditions que devant le tribunal d'instance ;
    • le JEX (art R 121-7 CPCE) ;
    • depuis le 1er décembre 2010, devant le TPBR, (art 883 et 884 CPC). Toutefois, lors de la tentative préalable de conciliation, qui peut être déléguée à un conciliateur de justice, les parties sont tenues de comparaître en personne, sauf à se faire représenter en cas de motif légitime.
    • le TASS (art R 142-20 C.Séc. Soc.) ;
    • sur justification d'un motif légitime, devant le Conseil de prud'hommes (art R1453-2 C.Trav.).
      Rq. Actualité : la loi n° 2015-990 a introduit dans le code du travail le statut de défenseur syndical, chargé de fonctions d'assistance et de représentation devant les Conseils de prud'hommes et les Cours d'appel. Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 1er août 2016. Le défenseur syndical sera inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret.



La liberté totale n'existe que devant le Tribunal de commerce (art 853 CPC), étant toutefois précisé que seuls les avocats peuvent assumer à titre habituel les missions d'assistance et de représentation (exclusion des sociétés de recouvrement: Civ I, 21/1/03, JCP 03 I 128 n° 16, Proc. 03 n° 88, D. 03 som. com. 1400).

Les personnes ayant qualité pour assister les parties devant les différentes juridictions, sont celles habilitées à les représenter devant ces mêmes juridictions : il convient donc de se reporter aux développements relatifs à la représentation.

Même lorsque la représentation est exclue, il est toujours possible de recourir à l'assistance (conseil et plaidoirie). Celle-ci peut même être le fait de plusieurs personnes, alors qu'il n'est admis qu'un seul représentant.
Quant à ses effets, à la différence de la représentation qui engage le représenté art. 411 CPC, l'assistance ne l'oblige pas (art. 412 CPC). Selon l'article 413 CPC, le mandat de représentation emporte en principe mission d'assistance, sauf dispense ou convention contraire (Ex. : cas des avoués auparavant, devant la Cour d'appel).

Rq.La loi du 20 décembre 2007, relative à la simplification du droit, a permis aux parties d'être désormais représentées ou assistées devant le tribunal d'instance, la juridiction de proximité, le JEX, le Conseil de prud'hommes, le TPBR et les juridictions de la sécurité sociale par leur concubin ou partenaire de PACS (H. Croze, Conséquences de la possibilité d'être assisté ou représenté par son concubin ou son partenaire dans le cadre d'un PACS, Proc 08 p. 37).
  • Le mandat de représentation en justice est marqué d'intuitus personae. La conséquence en est que le représentant doit normalement justifier d'un pouvoir écrit spécial : son défaut est sanctionné par une nullité pour irrégularité de fond pouvant conduire à l'irrecevabilité d'un recours (Rev. Proc. 1998 n° 38). Cependant, de par leur fonction, les avocats sont investis d'un mandat ad litem dont il sont dispensés de rapporter la preuve (art. 416 et 417 CPC).

Tx.Jurisprudence
  • La secrétaire d'un avocat bénéficiant d'une délégation de signature n'est pas habilitée.
  • Si devant le Conseil des prud'hommes, l'avocat n'a pas à justifier de son mandat, il devrait en revanche justifier du motif légitime à l'origine de la représentation : ce motif a été considéré comme présumé par la Cour de Cassation, dès lors que le juge du fond n'a pas interdit à l'avocat de représenter son client : Soc 22/1/98, RTDCiv. 1998 474, obs. crit.

La présomption de mandat ne constitue toutefois qu'une présomption simple, susceptible de preuve contraire (Com 19 oct. 93, Bull. civ. IV n° 339, RT 94 160 n°4).

  • Le mandat ad litem permet de faire tous les actes de la procédure. S'il n'autorise pas la représentation devant une autorité administrative, il donne la possibilité, de faire ou d'accepter un désistement, un acquiescement, un aveu (art. 417 CPC).

Tx.Jurisprudence
Effet d'un aveu judiciaire fait oralement par un représentant dans une procédure orale :, D 93 IR 50, obs. Cadiet, JCP 93 I 3678 n° 13, RT 93 642, obs. Perrot.
L'art. 417 CPC est inapplicable à la représentation ad agendum en matière d'incapacités : Civ I, 17/3/00, Bull. civ. I n° 78, RT 00 397.


La règle n'est pas susceptible de preuve contraire mais elle ne joue que dans les rapports avec le juge et l'adversaire, non avec le mandant. En d'autres termes, un dépassement de pouvoir ne remet pas l'acte en cause (un aveu n'engage toutefois le mandant qu'à condition que cette qualification soit retenue : Civ II, 8 oct. 97, Rev. Proc. 97 n° 288) mais peut engager la responsabilité contractuelle de l'avocat envers son client.

D'autres actes, nécessitent en revanche un mandat spécial, dont l'absence est sanctionnée par une nullité pour irrégularité de fond.

Ex.Tel est le cas de l'inscription de faux contre les actes authentiques (Civ II 13/7/99, Rev. Proc. 99 n° 245 : mandat à joindre à la déclaration), de la récusation d'un juge, du serment décisoire...


Le représentant ad litem doit remplir ses obligations jusqu'à l'exécution du jugement, dans la limite du délai d'un an après que celui-ci soit passé en force de chose jugée (art. 420 CPC).

En savoir plus

Lire les articles 418 et 419 CPC, qui traitent de l'incidence du changement, de la démission ou de la révocation du représentant.

Sources de la notion de pouvoir en droit judiciaire privé :

Représentation dans l'exercice de l'action (représentation ad agendum)Représentation dans l'accomplissement des actes de procédure (représentation ad litem)
Pouvoir (=) remède à une incapacité d'exercice/empêchement
Sources :
  • légale (ex : parents)
  • judiciaire (ex : procédures collectives)
  • conventionnelle

Sanction : nullité pour irrégularité de fond
Pouvoir (=) représentation et assistance en justice (voir tableau ci-dessous)




Conditions de représentation et d'assistance devant les juridictions civiles :

TGIReprésentation : obligatoire = monopole avocats (territorialité / unicité)
Assistance = avocats (sans territorialité, ni unicité)
Cour d'appelReprésentation : obligatoire = monopole avocats depuis le 1er janvier 2012 (territorialité /unicité)
Assistance = avocats
Cour de cassationReprésentation et assistance : obligatoires = monopole avocats aux Conseils
Conseil de Prud'hommesReprésentation : exclue sauf motif légitime

Assistance : possible

Personnes autorisées : art R1453-2 C.Trav.
TPBRReprésentation : possible depuis le 1er déc. 201O

Assistance : possible

Personnes autorisées : art 884 CPC
Tribunal d'instance - Juge de proximitéReprésentation et assistance : possibles
Personnes autorisées : art 828 CPC
JEXReprésentation et assistance : possibles
Personnes autorisées : art R 121-7 CPCE
Tribunal de commerceReprésentation /assistance : libres


Section 2. La matière de l'instance

La matière de l'instance concerne les éléments objectifs du procès, objet et cause de la demande qui, en application de la thèse de Motulsky, ne devaient concerner que les faits, le droit relevant du juge (V. notamment, Motulsky, Le rôle respectif du juge et des parties dans l'allégation des faits, Ecrits t. 1 p. 38). Cette conception semblait, a priori, mise en Ĺ“uvre par la rédaction des dispositions liminaires du CPC.
L'évolution ultérieure, tant des textes que de la jurisprudence, ne permet plus vraiment de retenir cette acception, dans la mesure où les obligations pesant sur les parties, au regard du droit, se sont beaucoup accrues.


Df.L'objet de la demande est la prétention émise, le résultat visé, en l'occurrence la reconnaissance du droit subjectif substantiel. L'objet est réclamé en vertu d'une certaine cause, qui lui sert de fondement juridique. Ces deux éléments, objet et cause, déterminent le cadre du procès.

L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, résultant de l'acte introductif d'instance, des conclusions en défense (art. 4 CPC), et des éventuelles demandes incidentes recevables (art. 70 CPC).
L'objet du litige a une incidence d'une part sur les pouvoirs du juge, qui doit se prononcer sur tout ce qui est demandé (art. 5 CPC), d'autre part sur les limites de l'autorité de chose jugée.

Nous avons vu dans la leçon 6 que, depuis l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 juillet 2006 (Ass. Plén. 7/7/06, D. 06 2135 note Weiller, JCP 06 actu n° 351 et I 183 n° 15 obs. S. Amrani-Mekki, Proc 06 n° 201, RT 06 825), il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. A défaut, un simple changement ultérieur de fondement juridique ne suffit pas à écarter l'autorité de la chose jugée sur la demande originaire. L'arrêt se focalise essentiellement sur ce qui est demandé, quel que soit le fondement de la demande. L'objet devient l'élément clé de la notion de chose jugée, et il absorbe désormais la cause.

Enfin, le principe d'immutabilité de l'objet du litige implique l'irrecevabilité des demandes nouvelles.
Ce principe connaît toutefois des limites :
  • en première instance, les demandes incidentes sont recevables dans les conditions de l'article 70 CPC ;
  • au niveau de l'appel, plusieurs exceptions résultent des articles 564s. CPC.
La cause est une notion complexe, non définie dans le code de procédure civile, où elle apparaît à travers la qualification de " fondement juridique de la prétention ".
  • Certains auteurs, principalement les publicistes, voyaient exclusivement dans la cause la règle de droit invoquée, ce qui justifiait selon eux, par exemple, la possibilité de passer d'une demande fondée sur l'art 1382 C.Civ. à une demande au titre de l'art. 1384 C.Civ. (R. Savatier, note D. 1928 1 153 - V. aussi art. 565 CPC).
  • D'autres, inspirés par Motulsky, ont considéré qu'il s'agissait de l'ensemble des faits sur lesquels est fondée la demande (Motulsky, La cause de la demande dans la délimitation de l'office du juge, D. 64 chr 235; Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile, D 72 chr 91). Après l'entrée en vigueur du Nouveau code de procédure civile, on a considéré que cette analyse se retrouvait dans la rédaction des articles 6 et 9 du code.
  • Une autre partie de la doctrine y a enfin vu un ensemble de faits juridiquement qualifiés. Telle était la position de J. Vincent, et celle de S. Guinchard, s'appuyant sur l'art. 12 al. 2 CPC donnant au juge le pouvoir de requalifier sauf si les parties l'ont lié sur ce point (Guinchard, Procédure civile, Précis Dalloz, 2006, n° 637). Selon Loïc Cadiet, la cause serait plutôt le présupposé ou l'hypothèse de la règle de droit (L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec).

D'un point de vue pratique, la cause intervient dans le cadre de l'immutabilité du litige, de l'autorité de la chose jugée, et plus largement dans le cadre de la discussion sur les pouvoirs respectifs du juge et des parties.

Un changement de cause ou de motifs en appel ne constitue pas une demande nouvelle irrecevable. Cette règle entraîne, de fait, une certaine perte d'intérêt de la notion, dont on peut se demander si elle n'est pas accentuée par l'évolution récente de la jurisprudence sur la notion d'autorité de la chose jugée.

En effet, jusqu'à l'arrêt de l'Assemblée plénière du 7 juillet 2006 (voir leçon 6 section 1, §2 A1b), la jurisprudence considérait que la cause résidait dans ce qui avait été effectivement débattu et jugé, en englobant à la fois les faits et les qualifications juridiques discutées (obs. Fricero sous Civ. II, 4/3/04, D. 04 som. com. 1204).

Désormais, la Cour de cassation estime qu'un changement de fondement juridique ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause et par suite à écarter l'autorité de la chose jugée sur une précédente demande (Ass. Plén. 7/7/06, D 06 2135 note Weiller, JCP 06 actu n° 351 et I 183 n° 15 obs. S. Amrani-Mekki, Proc 06 n° 201, RT 06 825). Cet arrêt a consacré une acception large de la cause, en considérant que la notion englobe toutes les demandes ayant le même but, même si leur fondement juridique est différent. Comme cela a déjà été indiqué, l'objet semble a priori devenu l'élément clé de la chose jugée et paraît avoir absorbé la cause. Des décisions postérieures ont tiré les conséquences du fait que la limite de l'arrêt du 7 juillet 2006 repose sur le critère de l'identité ou non de l'objet (Civ III, 18 oct. 06, Bull n° 202 et Civ. II, 14/9/06, Bull n° 221, obs. Sérinet, JCP 07 I 139 n° 17).

Cette solution pourrait être critiquée au regard du principe du contradictoire mais la Cour de cassation contourne l'obstacle en faisant peser sur les parties une obligation nouvelle : elle leur impose, dès l'instance relative à la première demande, une concentration des moyens juridiques susceptibles d'être invoqués pour la fonder. Dès lors, seules les demandes fondées sur une cause différente, dont les parties ne pouvaient avoir connaissance lors du premier procès, sont désormais susceptibles d'échapper à la sanction du non-respect de l'obligation, en l'occurrence la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée.

En savoir plus

D'autres notions s'induisant de la cause, l'argument et le moyen, sont aussi parfois empreintes d'une certaine confusion. L'argument étaye le moyen, lequel donne à la cause son fondement. Le moyen, à distinguer de la notion de moyen devant la Cour de cassation (qui renvoie à la structuration du pourvoi en cas d'ouverture à cassation), est un modèle de raisonnement proposé au juge pour obtenir un résultat car il suggère l'établissement d'une relation entre deux éléments des débats, notamment entre la règle de droit et un fait. Selon R. Martin (voir réf. en bibliographie), le moyen consistait en l'indication au juge du modèle juridique et il constituait un instrument de description du raisonnement judiciaire.

Le moyen démontrerait tandis que l'argument aurait pour vocation de persuader. Selon R. Martin, l'argument était une affirmation de fait, véhicule de l'irrationnel, qui devait se limiter à la plaidoirie... un élément sociologique, relevant du domaine du sentiment, de l'émotion, avec un objectif d'idéalisation ou de diabolisation du résultat. Le moyen, qui visait selon l'auteur l'allégation des faits pertinents, pouvait être de fait ou de droit.

Un moyen de droit peut être présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, à condition de ne pas être mélangé de fait et de droit car il supposerait en ce cas l'allégation d'un nouvel élément de fait.

Df.Terminologie et définitions :
  • moyen de droit relevé d'office : la mention traduit l'application par le juge d'une règle dont les parties n'ont pas envisagé l'application dans leurs conclusions. Soulever d'office un moyen de droit est facultatif pour le juge, mais la faculté se mue en obligation s'il s'agit d'un moyen de droit d'ordre public, en lien avec un principe essentiel du droit (Dorsner-Dolivet, L'ordre public et les moyens d'ordre public en procédure, D 86 chr. 59).
  • moyen de pur droit : c'est un moyen de droit qui, au regard de l'exposé des prétentions, est considéré comme ayant été implicitement invoqué par les parties. Par suite, ce moyen n'implique l'appréciation d'aucun fait qui n'aurait pas déjà été examiné par les juges du fond.
  • moyen dans la cause : cette indication est utilisée quand le juge restitue aux faits leur véritable qualification, avec application ou rejet de la règle invoquée par une partie, mais pour un motif qu'elle n'alléguait pas : ce qui est en cause est l’application ou non de la règle concernée.
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