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Jurisprudence

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Bazin, artisan, a demandé à M. Grimmer, son ami et ancien employé, de l’aider à installer des rideaux sur un chantier ; que, lors de ce travail, M. Grimmer est tombé d’une échelle et s’est mortellement blessé ; que sa veuve, Mme Grimmer, a demandé à M. Bazin et à son assureur, les AGF, réparation de son préjudice ; que la CPAM d’Arras (la Caisse), qui avait versé des prestations, en a demandé le remboursement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré la demande de Mme Grimmer recevable, alors, selon le moyen, que, d’une part, le désistement d’action comme le désistement d’instance, qui s’analysent en une renonciation à un droit, peuvent être établis par tout moyen de preuve ; qu’en décidant que le “ désistement d’instance et d’action “ invoqué par l’exposant ne pouvait résulter des déclarations faites par la veuve au cours de l’enquête de police, aux termes desquelles elle indiquait ne vouloir intenter aucune action en justice à l’encontre de l’artisan, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1134 du Code civil ; que, d’autre part, le désistement d’action peut intervenir avant l’introduction d’une instance en justice ; qu’en relevant que la fin de non-recevoir soulevée par l’exposant ne pouvait procéder d’une déclaration faite devant les services de police par la veuve avant l’engagement de toute instance, la cour d’appel a violé l’article 384 du nouveau Code de procédure civile ; qu’enfin, il ressortait du procès-verbal d’audition du 17 juin 1990 que la veuve avait déclaré de façon non équivoque que son mari travaillait bénévolement pour l’exposant par pure amitié parce qu’ils étaient de bons copains, ajoutant textuellement “ je ne veux intenter aucune action en justice contre Claude Bazin, commerçant “ ; qu’une telle déclaration, qui n’était assortie d’aucune condition, ne présentait aucune équivoque ou ambiguïté quant à la renonciation de la veuve à toute action en justice dirigée contre l’ami de son défunt mari ; qu’en affirmant qu’elle était ambiguë, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l’arrêt retient que la déclaration de Mme Grimmer a pu être provoquée par l’engagement d’indemnisation pris par M. Bazin lors de la même enquête, dans lequel il avait affirmé être disposé à supporter toutes les charges financières médicales ou autres entraînées par ce malheureux accident ;

Que, de ces seules constatations et énonciations, la cour d’appel, sans dénaturation ni inversion de la charge de la preuve, a pu déduire que la déclaration de Mme Grimmer étant ambiguë, il n’y avait pas eu renonciation de sa part à agir en justice, et a déclaré à bon droit sa demande recevable ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, réunis :

Vu l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que l’arrêt retient la responsabilité de M. Bazin comme commettant occasionnel de M. Grimmer et lui dénie la garantie des AGF sur la demande de Mme Grimmer, au motif que la police d’assurance ne couvrait pas les accidents atteignant les salariés et préposés à n’importe quel titre de l’assuré, alors que Mme Grimmer avait fondé son action sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et sur la gestion d’affaires, et que la Caisse invoquait un contrat d’assistance bénévole ;

Qu’en statuant ainsi, sans inviter au préalable les parties à s’expliquer sur le fondement qu’elle relevait d’office et sur ses conséquences quant à la garantie des AGF, la cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les trois dernières branches du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf sur la recevabilité, l’arrêt rendu le 14 novembre 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée.

Publication :Bulletin 1998 II N° 278 p. 167  
Décision attaquée :Cour d’appel de Douai, 1996-11-14  
Titrages et résumés : PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Moyen - Moyen soulevé d’office - Observations préalables des parties - Applications diverses - Fondement juridique de la demande - Substitution par le juge .

 Un artisan ayant demandé à un ami et ancien employé de l’aider à installer des rideaux sur un chantier et ce dernier étant tombé et s’étant mortellement blessé, viole le principe de la contradiction l’arrêt qui, accueillant la demande en réparation de la veuve de la victime à l’encontre de l’artisan, retient la responsabilité de ce dernier comme commettant occasionnel et lui dénie la garantie de son assureur au motif que la police d’assurance ne couvrait pas les accidents atteignant les salariés et préposés à n’importe quel titre de l’assuré alors que la demanderesse avait fondé son action sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et sur la gestion d’affaires et que la caisse de sécurité sociale invoquait, pour demander le remboursement de ses prestations, un contrat d’assistance bénévole.

 RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l’action - Article 1382 - Décision fondée sur l’article 1384, alinéa 5 - Moyen soulevé d’office

Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 1998-06-24, Bulletin 1998, II, n° 219, p. 129 (cassation). 

Codes cités : Code civil 1382, 1383. Nouveau Code de procédure civile 16.