Cour de Cassation
Assemblée plénière
Audience publique du 1 avril 1994
Cassation sans renvoi.
N° de pourvoi : 91-20250
Publié au bulletin
Premier président :M. Drai.
Rapporteur : Mme Vigroux.
Premier avocat général :M. Jéol.
Avocats : la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, M. Choucroy.
Sur le moyen unique :
Vu l’article 462 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que, par arrêt du 10 janvier 1986, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné MM. Boireau et Houplain, sur le fondement de l’article 99 de la loi du 13 juillet 1967, à payer une partie des dettes de la Société commerciale automobile, en liquidation des biens, étant précisé que le syndic ne pourrait exécuter cette décision à l’encontre de M. Houplain que si la liquidation préalable de l’actif social et des biens des époux Boireau ne suffisait pas à régler l’intégralité du passif ; que M. Boireau a présenté une requête afin d’obtenir la rectification d’une erreur matérielle affectant, selon lui, l’arrêt du 10 janvier 1986 ;
Attendu que la cour d’appel a accueilli la requête et substitué, dans le dispositif de l’arrêt précité, les termes “ des biens de M. Boireau “ aux termes “ des biens des époux Boireau “, au motif que la volonté de la cour d’appel d’Aix-en-Provence de condamner Mme Boireau, qui n’avait pas été appelée à la cause, ne résulte d’aucune disposition de l’arrêt, en dehors de la mention “ époux Boireau “ contenue dans le dispositif ;
Qu’en retranchant ainsi de ce dispositif la discussion préalable des biens de Mme Boireau, alors qu’il ne résultait manifestement, ni des énonciations de son arrêt ni du dossier de la procédure, que la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait entendu limiter cette discussion préalable aux seuls biens de M. Boireau, l’arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 juillet 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi.MOYEN ANNEXE
Moyen produit par la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils, pour M. Houplain.
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué rendu sur renvoi de cassation d’avoir, rectifiant l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 10 janvier 1986, dit que l’avant-dernier alinéa du dispositif de cette décision doit être ainsi rédigé :
” Le syndic ne pourra exécuter le présent arrêt à l’encontre de M. Houplain que si la liquidation préalable de l’actif social de la Société commerciale automobile et des biens de M. Boireau ne suffit pas à régler l’intégralité du passif y compris les frais de procédure. “
AUX MOTIFS QUE la procédure de première instance initiée par le syndic à la liquidation des biens de la Société commerciale automobile a été dirigée contre M. Houplain, M. Boireau et M. Iserable, que les jugements soumis à la cour d’appel d’Aix-en-Provence portaient condamnation contre M. Houplain et contre M. Boireau, que l’instance d’appel a opposé M. Boireau, M. Houplain et le syndic, que Mme Boireau n’a jamais été partie et n’a jamais été assignée en première instance, ni en cause d’appel ; que dans les motifs de l’arrêt dont la rectification est demandée la cour d’appel d’Aix-en-Provence ne fait aucune allusion à Mme Boireau, ni aux biens dont celle-ci aurait été propriétaire ; que la cour d’appel ne donne aucune explication sur les conditions dans lesquelles elle aurait pu décider de prononcer condamnation contre Mme Boireau en son absence contrairement aux dispositions de l’article 14 du nouveau Code de procédure civile ; que la volonté de la cour d’appel de condamner Mme Boireau ne résulte d’aucune disposition de l’arrêt en dehors de la mention “ époux Boireau “ contenue dans le dispositif ; que dans ces conditions il apparaît à l’évidence que c’est à la suite d’une erreur matérielle que le terme “ époux Boireau “ a été mentionné dans le dispositif de l’arrêt au lieu et place du terme “ M. Boireau “ ; qu’il y a donc lieu de faire droit à la requête en rectification d’erreur matérielle présentée par M. Boireau en application des dispositions de l’article 462 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS QUE le juge ne peut, sous couvert de rectification d’erreur matérielle, censurer d’éventuelles irrégularités de procédure ou insuffisances de motivation entachant une précédente décision ; que l’arrêt de la cour d’Aix-en-Provence du 10 janvier 1986 ayant décidé à la demande expresse de M. Houplain que les condamnations qu’il prononçait ne pourraient être exécutées à son encontre qu’après qu’aient été discutés les biens des époux Boireau, la cour de Nîmes, en retranchant du dispositif de cet arrêt la discussion des biens de Mme Boireau au motif que celle-ci a été condamnée sans être appelée en cause et sans que l’arrêt contienne des motifs justifiant cette condamnation, a violé l’article 462 du nouveau Code de procédure civile.
Publication :Bulletin 1994 A. P. N° 3 p. 5 Gazette du Palais, 1995, n° 138, p. 11, note St. Carre
Décision attaquée :Cour d’appel de Nîmes, 1991-07-02
Titrages et résumés : JUGEMENTS ET ARRETS - Rectification - Erreur matérielle - Définition - Erreur résultant manifestement des énonciations de la décision ou du dossier de la procédure .
Si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.
Encourt par suite la cassation l’arrêt qui, pour accueillir la requête présentée par un mari afin d’obtenir la rectification d’une erreur matérielle affectant, selon lui, un précédent arrêt l’ayant condamné, avec son épouse, sur le fondement de l’article 99 de la loi du 13 juillet 1967, à payer une partie des dettes d’une société en liquidation de biens, retient que la volonté de la cour d’appel de condamner l’épouse, qui n’avait pas été appelée en la cause, ne résulte d’aucune disposition de l’arrêt, en dehors de la mention “ époux X... “ contenue dans le dispositif, alors qu’il ne résultait manifestement, ni des énonciations de son arrêt ni du dossier de la procédure, que la cour d’appel avait entendu limiter la discussion préalable des biens des époux aux seuls biens du mari.
JUGEMENTS ET ARRETS - Rectification - Limites - Modification des droits et obligations reconnus aux parties
JUGEMENTS ET ARRETS - Rectification - Erreur matérielle - Définition - Condamnation d’une personne non appelée à l’instance (non)
Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 1992-11-04, Bulletin 1992, II, n° 257, p. 128 (cassation).
Codes cités : nouveau Code de procédure civile 462.