Les personnes qui contribuent au fonctionnement du service public de la Justice sont classées en deux catégories : d'une part les magistrats (section 1), d'autre part les auxiliaires de justice (section 2).
Voir, sur le site du Ministère de la Justice, des portraits et témoignages de professionnels sur l’exercice quotidien de leur fonctions (rubrique "Métiers" et vidéos associées).
Section 1. Les magistrats
Il convient enfin de rappeler l'incidence de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, et de la loi organique du 22 juillet 2010, réformant le Conseil supérieur de la magistrature (voir Leçon 2).
Nous envisagerons la carrière et le statut des magistrats, avant de consacrer des développements particuliers aux magistrats du Parquet.
§ 1. La carrière des magistrats
A. Recrutement
1. Recrutement par l'ENM
Conditions d'accès : | Modalités d'entrée à l'ENM |
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Il faut :
| Le recrutement est possible sur concours ou directement sur titres. |
Elle concernait :
- le recrutement : création de classes préparatoires, modification des épreuves du concours et de la composition du jury ;
- la formation : évolution de son organisation, de sa durée et restructuration de l'encadrement pédagogique au sein de l'Ecole.
Recrutement sur concours | Recrutement direct sur titres en qualité d'auditeurs |
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Trois concours, pour lesquels 205 postes au total ont été ouverts en 2014, permettent le recrutement d'auditeurs (réforme D 25/9/95: art 16s ord. 22 déc 1958) :
| Sont concernées les personnes âgées de 31 à 40 ans justifiant des diplômes et de l'exercice des activités énumérés par l'article 18-1 de l'ordonnance de 1958. Ces auditeurs sont nommés par le Ministre de la Justice sur avis conforme de la commission d'avancement. La loi organique du 5 mars 2007 a porté la limitation de leur nombre à un tiers des auditeurs issus des concours, contre un cinquième auparavant (une trentaine de postes a été proposée chaque année depuis l’an 2000). |
En savoir plus
L’insuffisance du nombre de magistrats a parfois conduit à opérer depuis 1998 des recrutements exceptionnels (loi organique du 24/2/98 et D 2/4/98) et deux concours complémentaires ont été ouverts par la loi organique du 25 juin 2001 créant l’art 21-1 ord 1958, avec une limitation quantitative :
- L’un pour le recrutement de magistrats du second grade (52 places au concours 2013). Pour y prétendre, il faut posséder un niveau Bac + 4 ou IEP, avoir au moins 35 ans, et justifier de 10 ans d’activité professionnelle.
- L’autre pour recruter des magistrats du premier grade (23 places au concours 2013) : les conditions sont identiques, si ce n’est qu’il faut être âgé d’au moins 50 ans et justifier de 15 ans d’activité professionnelle.
-
La formation : elle est passée de 31 mois à 36 mois, alternant périodes d'études et stages individuels : stage avocat (21 semaines), stage juridictionnel (39 semaines), stage extérieur (6 semaines), stage à l'étranger (5 semaines), préparation aux premières fonctions (27 semaines). La durée totale de la phase de spécialisation est désormais de 8 mois au lieu de 5.
Ensuite, la formation a été réorganisée : elle a évolué d'une logique verticale d'apprentissage des techniques des métiers (instance, instruction, jap, etc.) à une logique transversale d'acquisition des compétences fondamentales communes à toutes les fonctions de magistrats (éthique et déontologie, culture institutionnelle, entretien judiciaire et communication, prise de décision...). La réforme a aussi porté sur les conditions d'évaluation en distinguant évaluation des progrès, de l'aptitude et du classement de l'auditeur.
2. Intégration directe
- Intégration à titre définitif : cette possibilité concerne des personnes ayant occupé, pendant une certaine durée, des fonctions judiciaires, juridiques, administratives ou universitaires répondant aux exigences des articles 22, 23 et 40 de l'ordonnance du 22 déc. 1958.
-
Intégration à titre temporaire (art 41 ord 22 déc 1958 et 2 décrets du 7/1/97) :
L'article 41 de l'ordonnance de 1958 envisage le détachement judiciaire de professeurs, de maîtres de conférences, et de fonctionnaires issus de l'ENA. Ceux-ci sont nommés sur avis conforme de la commission d'avancement et soumis à un stage préalable de 6 mois. La durée d'exercice des fonctions est limitée à 5 ans. - L'article 41-10 permet la nomination en 1ère instance de magistrats exerçant à titre temporaire, soit en qualité de juge d'instance, soit comme assesseur dans la formation collégiale d'un TGI. Pour prétendre à cette voie d'intégration, il faut justifier de l'exercice pendant 7 ans d'une profession libérale juridique ou judiciaire. La durée des fonctions est limitée à 7 ans et n'est pas incompatible avec la poursuite de l'activité antérieure si celle-ci est exercée en dehors du ressort du TGI.
- L'article 40-1 de l'ord du 22 déc. 1958 prévoit la possibilité de nommer en cassation des magistrats en service extraordinaire. La durée de leurs fonctions est limitée à 8 ans non renouvelables -5 ans avant la L. org du 24/2/98-. Il leur faut justifier de 25 ans de pratique professionnelle. L'exercice simultané des fonctions antérieures est interdit.
- L'intégration à titre temporaire concerne enfin les juges de proximité.
En savoir plus
Conditions d'accès : le recrutement de ces magistrats non professionnels apparaît assez large puisque cinq catégories de personnes peuvent être nommées juges de proximité (art. 41-17 de l'ordonnance du 22 déc. 58) :
- Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif.
- Les personnes âgées de 35 ans au moins titulaires d'une maîtrise ou membres (ou anciens membres) d'une profession libérale juridique et judiciaire, et justifiant d'au moins 4 ans d'exercice professionnel dans le domaine juridique.
- Les personnes justifiant de 25 ans d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique. Le Conseil Constitutionnel avait censuré la référence faite par la loi organique du 26 février 2003 au domaine administratif, économique ou social.
- Les anciens fonctionnaires des services judiciaires des catégories A et B.
- Les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins 5 ans.
Les candidats doivent par ailleurs remplir les conditions prévues à l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de 65 ans.
Modalités de candidature : les conditions précises de dépôt et d'instruction des candidatures ont été définies par le D. n° 2003-438 du 15 mai 2003, de même que les éléments relatifs à la formation dispensée. Les demandes, adressées au Garde des Sceaux, doivent être déposées auprès des chefs des Cours d'appels dans le ressort de laquelle les candidats résident. Ces derniers instruisent les candidatures puis transmettent les dossiers avec un avis motivé au Ministre de la Justice qui peut, le cas échéant, procéder à une instruction complémentaire. Celui-ci saisit des projets de nomination la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du siège.
Leur recrutement est en principe subordonné à une formation probatoire. En toute hypothèse, ils doivent au moins suivre une formation, récemment renforcée, comprenant une période de 12 jours consécutifs organisée par l'Ecole Nationale de la Magistrature et un stage en juridiction de 25 jours sur une période de six mois (D. n° 2007-17 du 4/1/07).
Statut des juges de proximité : nommés pour une durée de 7 ans non renouvelable, ils ne peuvent recevoir aucun avancement de grade et ne peuvent être mutés sans leur consentement. Ils peuvent, sous certaines conditions et limites, exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, à condition que celle-ci ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité et à l'indépendance de la fonction. Cela étant, les restrictions prévues ne paraissent pas tout à fait suffisantes pour garantir une totale impartialité (art 41-22 de l'ord. du 22 déc. 58).
Ils exercent leurs fonctions à temps partiel (au maximum 200 vacations par an) et perçoivent une indemnité de vacation dont les modalités ont été modifiées par le D. n° 2003-438 du 15 mai 2003 (211,68 € brut).
Voir aussi le site du Ministère de la Justice (rubrique Métiers et concours).
B. Nomination
La nomination des magistrats résulte d'un décret du Président de la République, sur proposition du Ministre de la Justice.
Pour les auditeurs, le jury assortit la déclaration d'aptitude d'une recommandation et, le cas échéant, de réserves sur les fonctions qu'ils peuvent exercer pour leur premier poste. Ensuite, l'auditeur formule un choix et le Ministre saisit pour avis la formation compétente du CSM. Il s'agit d'une procédure d'avis conforme pour les magistrats du siège et d'avis simple pour le Parquet. La prise de fonctions est précédée d'une prestation de serment devant la Cour d'appel ou la Cour de cassation. Il est ensuite procédé à l'installation des nouveaux magistrats en juridiction au cours d'une audience solennelle.
C. Avancement
L'avancement est fonction de grades et d'échelons, correspondant à différentes fonctions
Il existe un tableau d'avancement et des listes d'aptitudes dressés par une commission d'avancement commune aux magistrats du siège et du parquet. Elle se compose du Premier Président de la Cour de cassation, du Procureur Général près la Cour de cassation, de l'Inspecteur général des services judiciaires, du Directeur des services judiciaires et de 16 magistrats. Le tableau d'avancement est communiqué à la formation compétente du CSM.
La nomination à des fonctions et promotions de grades se fait par décret du Président de la République sur consultation du CSM et proposition du Ministre de la Justice : le CSM fait des propositions pour les nominations des magistrats de la Cour de Cassation, pour celles des Premiers Présidents de Cours d'appel et présidents de TGI. La nomination des autres magistrats du siège est soumise à son avis conforme et celle des magistrats du Parquet à un avis simple.
Le décret du 31 décembre 2008 a par ailleurs réformé la formation continue des magistrats, rendant notamment obligatoire une formation de 5 semaines préalablement aux changements de fonctions, afin de les rendre plus vite opérationnels.
§ 2. Le statut des magistrats
La spécificité de la fonction des magistrats justifie qu'ils soient assujettis à de nombreuses obligations et qu'un manquement puisse donner lieu à des poursuites disciplinaires.
A. Devoirs
- la Recommandation CM/Rec (2010)12, du Comité des ministres aux Etats membres sur les juges, dont l’objectif est de « délivrer des décisions de qualité dans un délai raisonnable et sur la base d'une considération équitable des éléments ».
- la « Magna Carta des juges » (principes fondamentaux), adoptée par le Conseil consultatif des juges européens.
Les magistrats sont tout d'abord astreints à des obligations liées à la qualité de fonctionnaire mais nous avons vu que leur indépendance est protégée.
Un décret du 26 déc. 2003 a suscité néanmoins des interrogations en instituant un système de primes pour les magistrats (rejet du recours en annulation : CE 4/2/05, D 05 2717, note crit. Pauliat).
Sur la protection fonctionnelle due par l'Etat aux magistrats (art 11 ord. 22 déc. 1958) : CE 28 mai 03, D 04 245 note Petit, JCP 04 II 10056, note Brun.
B. Matthieu, Tiers impartial – L'engagement politique est-il compatible avec la fonction de magistrat, JCP 2015 Fasc. 39 n° 1005
Ils doivent faire preuve de dignité et de loyauté en toutes circonstances, éviter les manifestations et démonstrations de nature politique, les fréquentations douteuses. Ils font l'objet d'incompatibilités professionnelles et politiques.
Il ne peuvent exercer aucune autre activité, à l'exception d'activités accessoires d'enseignement et de travaux scientifiques, littéraires ou artistiques. Les fonctions d'arbitre leur sont interdites.
Ils ne peuvent exercer de mandat politique national ou européen et ne peuvent avoir de mandat local sur leur circonscription d'activité. Ces incompatibilités sont maintenues durant 5 ans après la cessation des fonctions sauf en cas de demande de détachement ou de mise en disponibilité.
Dans leur activité, ils doivent faire preuve d'impartialité. A cet égard existent diverses interdictions de juger : ils ne peuvent juger les personnes avec lesquelles ils possèdent des liens de parenté, ni siéger lorsqu'ils ont des liens avec l'une des parties ou son représentant.... Sur le plan procédural, le constat d'une telle incompatibilité se traduira par une décision d'abstention ou, s'ils n'en prennent pas l'initiative, une demande de récusation ou de renvoi pour suspicion légitime (art 341 CPC) .
Ils doivent enfin respecter le secret des délibérations.
En savoir plus
- La Commission d'éthique de la magistrature avait dégagé sept principes qu’elle souhaitait voir figurer dans le serment prêté par les magistrats : impartialité, devoir de réserve, loyauté, intégrité, dignité, diligence et secret professionnel.
- Le 10 juin 2010, le CSM a rendu public le « Recueil des obligations déontologiques des magistrats » que le Parlement lui avait demandé de rédiger ( L. org. n° 2007-287 du 5 mars 2007 - Charvet, Les magistrats français et la déontologie : une problématique à clarifier, D. 2008 1634). Y sont identifiées sept valeurs essentielles, sur lesquelles doit reposer l'action de la justice : l'indépendance, l'impartialité, l'intégrité, la légalité, l'attention à autrui, la discrétion et la réserve.
B. Régime disciplinaire
Les fautes peuvent même être recherchées dans la vie privée mais n'intègrent pas l'erreur dans la décision (art. 43 ord. 22 déc. 1958).
La procédure disciplinaire est une procédure contradictoire menée devant deux formations différentes du CSM (voir leçon 2) :
- la formation compétente pour les magistrats du siège dispose d'un pouvoir juridictionnel réel et rend des décisions motivées s'imposant pour exécution au Ministre de la Justice. Mais un pourvoi est possible devant le Conseil d'Etat.
- la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet dispose seulement d'un pouvoir d'instruction débouchant sur un avis. Si le Ministre veut sanctionner alors que l'avis ne retient pas de faute, il doit saisir une commission spéciale, présidée par le Premier président de la Cour de Cassation, dont la décision s'impose à lui. Sinon, il ne peut prononcer de sanction plus grave que celle proposée sans requérir de nouvel avis. S'agissant d'un acte administratif, un recours pour excès de pouvoir est ouvert devant le Conseil d'Etat.
En ce qui concerne la responsabilité des juges, à raison de leur faute personnelle, celle-ci ne peut être engagée directement mais doit donner lieu à une action contre l'Etat, à charge pour celui-ci d'engager ensuite une action récursoire contre les magistrats (articles L 141-1 et L 141-2 COJ).
En savoir plus
- La procédure a été jugée conforme à la Convention EDH (Rev. Proc. 01 chr. 8). Cette responsabilité doit se fonder sur un déni de justice ou une faute lourde. La faute lourde s'analyse comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service à remplir la mission dont il est investi (Ass. Plén., 23 fév. 01, Affaire Grégory, D 01 1752 et fasc. 30 actualité, JCP 01 II 1058 : cet arrêt traduit une évolution vers une conception extensive de la faute lourde). L'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué (Cass. 1re civ., 4 nov. 2010, Rev. Proc 2011 Fasc. 2 n° obs. R. Perrot). La procédure ne concerne par ailleurs que les seuls usagers victimes d’un préjudice direct ou par ricochet (Civ. I, 12 oct. 2011, D. 2011 3040, note S. Petit).
- En matière administrative, le Conseil d'Etat considère depuis 2002 que la méconnaissance du délai raisonnable s'analyse en un fonctionnement défectueux du service public de la Justice (CE ass. 28/6/02, Magiera, JCP 03 II 10151, D 03 23 : cet arrêt a abandonné l'exigence, auparavant exclusive, de faute lourde en matière de responsabilité des juridictions administratives ; V. aussi, CE 18 juin 2008, Gestas, JCP 08 II 10141 - En tirant les conséquences, le décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 a donné compétence directe au Conseil d'Etat pour connaître en premier et dernier ressort des actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative).
- La Cour EDH exige désormais qu'avant sa saisine éventuelle soit exercé un recours interne préalable en responsabilité de l'Etat, conformément à l'art 13 de la Convention EDH.
Cour EDH, 30 oct. 2014, Palmero c/ France, Proc 2014 Fasc. 12 n° 321, note N. Fricero : une procédure d'indemnisation fondée sur l'article L. 141-1 du Code de procédure civile qui dure six ans, cinq mois et trois jours pour trois degrés de juridictions, dont trois ans et cinq mois au niveau de la seule Cour d'appel, puis un an et neuf mois au niveau de la Cour de cassation, méconnaît les exigences de l'article 6 § 1 CEDH en raison de sa durée excessive.
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Les dysfonctionnements de la justice constatés à l'occasion de cette affaire avaient donné lieu, en 2006, à un rapport d'enquête parlementaire et à un rapport de l'Inspection générale des services judiciaires, puis au dépôt devant l'Assemblée nationale de trois projets de loi :
- équilibre de la procédure pénale
- formation et responsabilité des magistrats
- possibilité pour toute personne s'estimant lésée par un dysfonctionnement de la justice de saisir le médiateur de la République.
La procédure a abouti à une loi organique du 5 mars 2007 sur la formation et la responsabilité des magistrats. La formation des magistrats a été renforcée : une formation probatoire a été instituée en cas d’intégration directe et pour les magistrats exerçant à titre temporaire. Les quotas de ces recrutements ont par ailleurs été augmentés. La loi de 2007 a cependant été amputée par le Conseil Constitutionnel de ses dispositions sur la faute disciplinaire des magistrats et la possibilité pour les justiciables de saisir le médiateur de la République (DCC, 1er mars 2007, JCP 07 II 10044, note Schoettl). En tirant les conséquences, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a institué la possibilité pour les particuliers de saisir directement le Conseil Supérieur de la Magistrature, possibilité devenue opérationnelle en janvier 2011 (loi organique du 22 juillet 2010 - Voir leçon 2 section 1 §1B2a).
§ 3. Les magistrats du Parquet
A. L'organisation du Ministère Public
C'est par ailleurs un corps hiérarchisé, soumis au principe de subordination. Toutefois "si la plume est serve, la parole est libre". Cela signifie que si le représentant du Parquet est tenu dans ses réquisitions écrites de respecter les instructions données par sa hiérarchie, il n'y est pas assujetti lorsqu'il prend la parole. Ce faisant, il a les moyens de manifester son désaccord éventuel...
-
Au premier degré, le Ministère public est présent devant toutes les juridictions répressives, où il a la qualité de partie principale. En matière civile, il est représenté en première instance devant le TGI par le Procureur de la République, éventuellement assisté de procureurs adjoints, de vice-procureurs et de substituts.
Bien que rattaché au seul TGI, il peut intervenir devant toutes les autres juridictions situées sur le ressort territorial de cette juridiction. - Devant les Cours d'appel, les membres du Parquet sont le Procureur général, des avocats généraux et des substituts généraux. Le Procureur général est le supérieur de tous les procureurs de son ressort et dépend lui-même directement du Ministre de la Justice.
- Le Parquet de la Cour de cassation se compose du Procureur Général, d'un premier Avocat Général, d'avocats généraux et d'avocats généraux référendaires. Il est placé sous l'autorité du Ministre et n'a pas d'autorité sur les autres parquets.
En savoir plus
Une première tentative avortée de réforme
Une proposition de réforme du Parquet avait été envisagée à la fin des années quatre-vingt-dix : réforme de la nomination des magistrats du Parquet, du CSM, plus d'instructions dans les affaires individuelles mais mise en œuvre des politiques pénales, droit d'action directe du Ministre de la Justice, développement de la responsabilité. Mais devant l'opposition parlementaire, le Président de la République avait annulé la réunion du Congrès qui devait voter la révision de la Constitution. Des retouches plus modestes ont été apportées, notamment par la loi organique du 25 juin 2001 et le D. n° 2002-442 du 2 avril 2002 modifiant le mode de scrutin aux élections du CSM.
Une évolution annoncée au regard de la Convention EDH
Depuis un arrêt du 10 juillet 2008, la Cour EDH met en cause le statut du Ministère public et, en raison de son manque d'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif, lui dénie la qualité d'autorité judiciaire au sens de l'article 5§1 de la Convention EDH, qui dispose que la privation de liberté doit être placée sous le contrôle d'une « autorité judiciaire » (Cour EDH 10/7/08, Medvedev/France, JCP 09 I 104 n°4 obs. F. Sudre, qui rappelle que cette décision s'inscrit dans une jurisprudence classique de la Cour EDH selon laquelle le juge ou tout autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires doit être indépendant de l'exécutif et des parties, ne pas être susceptible d'intervenir dans la procédure ultérieure à titre de représentant de l'autorité de poursuite ; D. 09 600 note JF Renucci - V. aussi M-L. Rassat, CCP 09 actu n° 200, Libres propos : Encore et toujours la Cour européenne des droits de l'homme – V. aussi Cour EDH, 29 mars 2010, Medvedyev et a. c/ France, arrêt dans lequel, contre toute attente, la grande chambre de la Cour EDH ne statue pas explicitement sur les qualités du ministère public français chargé du contrôle des gardes à vue : D. 2010 1386, note JR Renucci ; F. Sudre, La Cour européenne joue à cache-cache avec le parquet ?, JCP 2010 Fasc. 14, n° 398 et JCP 2010 Fasc. 16 n° 398, Patricia Hennion-Jacquet, L'arrêt Medvedev : un turbulent silence sur les qualités du parquet français, D. 2010 1390). ]Dans un arrêt du 23 novembre 2010, la Cour européenne a de nouveau condamné la France pour violation de l'article 5, § 3, de la Convention, ne considérant pas le Ministère public comme un « juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » (Cour EDH, 23 nov. 2010, D. 2010 2776 et F. Rome, Magistrature debout, L’Europe aboie, la Chancellerie passe… D. 2010 2761, JCP 2010 F. 49 n° 1206 obs. F. Sudre ; JF Renucci, La Cour européenne persiste et signe : le procureur français n'est pas un magistrat au sens de l'article 5 de la Convention, D. 2011 338).
La position européenne a été reprise par la Cour de cassation dans un arrêt du 15 décembre 2010 (Cass. crim, 15 déc. 2010, J. Pradel, Quel(s) magistrat(s) pour contrôler et prolonger la garde à vue ? Vers une convergence entre la Cour de Strasbourg et la chambre criminelle de la Cour de cassation, D. 2011 338).
Dans une décision ultérieure, sur le terrain non de la conventionnalité mais de la constitutionnalité dans le cadre d’une QPC, elle a estimé qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel que l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet (Crim, 7 juin 2011).
Actualité: dans ce contexte, une évolution semble d'ores et déjà annoncée (cf. projets de réforme initiés et réflexion en cours sur la justice du XXIème siècle, en particulier Rapport Nadal, « Refonder le ministère public » : P. Lyon-Caen, vers un parquet indépendant ?, D. 2013 1359).
Tableau récapitulatif : L'organisation du Ministère public
Niveau d'instance | Composition du Parquet |
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Cour de Cassation | Procureur Général près la Cour de Cassation+ 1er Avocat général+ Avocats généraux et avocats généraux référendaires |
Cour d'appel | Procureur général près la Cour d'appel+ Avocats généraux + Substituts généraux |
TGI - 1ère instance | Procureur de la République + Procureur adjoint + Vice-procureur + Substituts |
B. Les attributions du Ministère public en matière civile
1. Attributions extrajudiciaires
Il contrôle les établissements pénitentiaires, les greffes et assure la direction de la police judiciaire.
Il fait en outre partie de diverses commissions.
Depuis le décret n° 2009-452, du 22 avril 2009, il n'exerce plus de contrôle sur les auxiliaires de justice du ressort, cette prérogative relevant désormais du Procureur Général près la Cour d'appel.
2. Attributions judiciaires
- Partie principale (on dit qu'il agit par voie d'action)
Il est alors dans la situation d'une véritable partie à l'instance, comme demandeur ou défendeur, et doit assumer les obligations corrélatives.
Il peut agir ainsi :
- dans les cas spécifiés par la loi (ex : nullité de mariage, nationalité, contestation de reconnaissance),
- et pour la défense de l'ordre public (art 423 CPC).
En savoir plus
]F. Arbellot, L'action d'office du ministère public prévue à l'art. 423 CPC, JCP 2014 Fasc. 24 n° 698 : l'auteur distingue entre actions fondées sur l'ordre public sociétal (protection des personnes et de la famille) et actions relevant de l'ordre public économique et social.
A l’audience, il prend la parole à son tour comme un plaideur ordinaire : il n'est pas tenu dans ce cas de déposer des conclusions écrites, à condition d'assister aux débats ( Cass 3 mars 93, D 93 IR 110, RT 93 641 Perrot, obs. Cadiet, JCP 93 I 3723 n° 4).
Rappel : la qualité de partie principale lui est aussi conférée en matière pénale, où il a le pouvoir de déclencher l'action publique en vertu du principe de l'opportunité des poursuites. Si la victime peut aussi agir en se constituant partie civile, le Ministère public jouit ensuite du monopole d'exercice de l'action publique.
- Partie jointe (on dit aussi qu'il agit par voie de réquisition)
Dans ce cas, le Ministère public fait connaître, quand il le souhaite, son point de vue sur l'application de la loi dans les affaires dont il a eu au préalable communication (art 424 CPC).
La communication a plusieurs sources possibles :
- Elle est parfois obligatoire (on parle alors de communication légale : art. 425 CPC) : une obligation de communication est ainsi imposée à tous les degrés, pour les affaires gracieuses, les procédures "d'ordre" (distribution entre créanciers), les procédures d'inscription de faux contre les actes authentiques, en matière de filiation, de tutelle des mineurs, de procédures collectives, pour les actions engagées sur le fondement des dispositions internationales et européennes relatives au déplacement illicite international d'enfants, en matière de question prioritaire de constitutionnalité (Soc., 10 juin 2015, Proc. 2015 fasc. 8 n° 268 obs. A. Bugada)...
La règle est d'ordre public à peine de nullité du jugement. La communication est faite à la diligence du juge, en temps utile : le texte ne contient pas plus de précision (art 428 CPC). La preuve du respect de la formalité peut être rapportée au moyen des mentions du jugement ou par des procédés extrinsèques (Mixte 21/7/78, Gaz. Pal. 1978 2 578).
- La communication peut aussi résulter d'une initiative du tribunal. Il s'agit ici d'une communication judiciaire (art 427 CPC). Dans ce cas, l'intervention du Ministère public devient obligatoire.
- Enfin il peut enfin y avoir « communication spontanée », dans la mesure où le Ministère public a la faculté d'obtenir communication de toutes les affaires et de déposer des conclusions (art 426 CPC).
Quand le Ministère public intervient en qualité de partie jointe, il n'est pas astreint à des obligations procédurales particulières ; il prend la parole à l'audience le dernier, sous forme de conclusions orales ou écrites sauf précision textuelle imposant une forme spécifique.
Ce fait pourrait être source d'atteinte au contradictoire et à l'exigence de procès équitable de la Convention EDH, notamment s'il développe des moyens nouveaux. Pour y pallier, les parties se sont vues reconnaître le droit de lui répondre au moyen de notes en délibéré (art 445 CPC) (voir leçon 12, section 2 §4C).
En savoir plus
S'est posée plus largement la question de savoir si les modalités de mise en oeuvre de la fonction de partie jointe n'attentaient pas au contradictoire et à l'exigence de procès équitable imposée par la Convention EDH (R. Martin, Faut-il supprimer le Ministère public ?, RT 98 873).
La Cour européenne avait en effet sanctionné la participation au délibéré du commissaire du gouvernement devant le Conseil d'Etat (CEDH 7/6/01, Kress /Fr, D 01 2619, JCP 01 II 10578, et Guinchard, JCP 03 I 152 ; Cour EDH 5/7/05 ; Loyen/France, JCP 06 II 10016). Pour faire suite à l'arrêt Kress, le Bureau de la Cour de Cassation avait adopté, fin 2001, des dispositions rigoureuses puisque le Ministère public ne peut plus assister au délibéré, n'a plus communication de la note du rapporteur et ne peut plus participer à la " conférence " préparatoire (JCP 02 I 156 n° 13 ; Guinchard, Dialogue imaginaire, D 03 chr. 152 ; Point de vue crit. Sainte-Rose D 03 Fasc. 22 ; Burgelin, D 04 chr. 1249). La Cour EDH a approuvé cette pratique nouvelle selon laquelle seule la première partie du rapport (étude de l'affaire) est communiquée à l'avocat général et aux parties, pas la seconde (avis et projet d'arrêt) (Cour EDH 2/11/04, Fabre/FR, JCP 05 I 103 n° 5).
Bibliographie : Nadal, La jurisprudence de la Cour de Strasbourg : une chance pour le Parquet général de la Cour de cassation, D 05 chr. 800.
Tableau récapitulatif : Les attributions judiciaires du Ministère public en matière civile
Partie principale : action par voie d'action :
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