Date29/11/2005
JuridictionCA Douai, 6e ch. des appels correctionnels
TypeNationale

Rappel des faits :

Henri-Claude H. était animateur de deux sites Internet gens.monsite et gens.bethunois.site sur lesquels sont parus deux articles :

- le premier intitulé « 80-12 décembre 2003 - la grenouille et le boeuf » contenant les propos suivants : « pourquoi Madame T., épouse du maire, directrice de l'école, a fait déménager l'école en criant à d'hypothétiques fuites de gaz ? Maintenant qu'elle est dans d'autres locaux, sûrement à sa convenance, le maire a placé dans les anciens locaux la garderie périscolaire et les associations. Curieux non ? » ;

- le second intitulé « 94-29 décembre 2000 - A Verquin, T. met les cyclos à la rue » contenait l'allégation suivante : l'un de nos lecteurs (cf. notre info n° 80) mettait fermement en cause le système mis en place par Thierry T., le maire de Verquin. Autre exemple de sa « bonté », la mise à la porte sans gant ni préavis, de l'Amicale laïque cyclotouriste du local que cette association occupe depuis une vingtaine d'années. L'ami T. aurait-il l'intention de réaliser à cet endroit une juteuse opération immobilière, ou encore de le confier à la directrice de l'une des écoles de la commune ? Au sujet de cette dernière not'ami Marcel me dit que sa femme... »

Sur ce :

Sur l'action publique

Attendu que Henri-Claude H. n'a donné que des explications confuses pour essayer d'établir qu'il n'avait pas transféré l'article n° 80 sur un autre site et que ce faisant, malgré son audition par la police, il a persisté dans son intention de porter à la connaissance du public le contenu de celui-ci ;

Attendu qu'il a la qualité de directeur de publication et qu'il lui appartient de vérifier le contenu des articles qu'il diffuse et non comme il le prétend de laisser au lecteur le soin de vérifier la véracité des faits dénoncés ;

Que le caractère anonyme des articles ne le dispense pas de vérifier s'ils ne contreviennent pas à la législation sur la presse, obligation qu'il a d'ailleurs reconnu lui incomber ;

Qu'est tout aussi mal fondé le moyen par lequel il soutient qu'il utilisait l'interrogation et maniait l'ironie dès lors que le contenu des articles se présentait en réalité comme une révélation de faits imputés à Sylvie T. ;

Attendu qu'il n'est pas besoin de rechercher si la fuite de gaz était réelle ; qu'en effet, il importe peu que le fait allégué soit vrai ou faux, voire imaginaire ; que l'essentiel est que le fait soit susceptible de porter atteinte de façon illégitime à la considération de la personne ;

Attendu que Henri-Claude H. essaye vainement de justifier les propos publiés sous le couvert de la liberté d'expression dans le cadre d'un débat politique, dès lors que la participation de Sylvie T., à un conseil municipal où étaient évoquées les relations de la ville de Verquin avec un pays étranger, n'était motivée que par les relations qui intéressaient celle-ci en sa qualité de présidente du comité de jumelage ;

Attendu que l'atteinte à la considération d'une personne doit s'apprécier par rapport à l'opinion du lecteur moyen ;

Attendu que le terme « hypothétique » qui signifie que l'on parle d'une proposition soumise au contrôle de l'expérience ou d'une supposition destinée à expliquer des faits est, par un glissement sémantique, utilisé dans le langage courant avec le sens d'improbable ou de douteux ; qu'ainsi l'article tendait à faire croire que la fuite de gaz invoquée à l'appui du déménagement de l'école dont Sylvie T. était la directrice était un prétexte destiné à évacuer les locaux et à permettre ainsi une opération immobilière qui était en réalité voulue par son mari maire de la commune de Verquin ; qu'il était ainsi porté sur elle le soupçon d'avoir participé à un projet critiquable et susceptible d'être contraire sinon à la probité, du moins aux intérêts des habitants de la commune de Verquin ; qu'elle était visée par l'article en sa qualité de fonctionnaire ;

Attendu que l'infraction est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement entrepris doit être confirmé sur la déclaration de culpabilité ;

Que toutefois, il convient, la peine d'amende étant maintenue, d'ordonner à titre de peine complémentaire la publication du présent arrêt qui sera limité au rappel des faits et au dispositif dans les journaux « La Voix du Nord » et « Nord Eclair » ;(...)

Par ces motifs

La cour

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de H. Henri-Claude et contradictoirement à l'égard de Sylvie T. ;

Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions pénales que civiles ;

Rappelle qu'en application des dispositions des articles 707-2, 707-3, R. 55, R. 55-1, R. 55-2, R. 55-3 du Code de procédure pénale, s'il s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle la décision a été prononcée, ce montant sera diminué de 20 % sans que cette diminution ne puisse excéder 1 500 euros, et que le paiement de cette amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours,

Y ajoutant :

Ordonne la publication aux frais du condamné du rappel des faits et du dispositif du présent arrêt dans les journaux « La Voix du Nord » et « Nord Éclair » ;

Condamne Henri-Claude H. à payer à Sylvie T. la somme de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euros dont est redevable le condamné.

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