Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 3 février 2004
N° de pourvoi: 03-84825
Publié au bulletin
Président : M. Cotte, président
Rapporteur : Mme Menotti, conseiller rapporteur
Avocat général : M. Launay, avocat général
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel d'Angers, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 10 juin 2003, qui a renvoyé Bruno X... des fins de la poursuite du chef de diffusion de message violent, pornographique ou portant atteinte à la dignité humaine susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 227-24 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Bruno X... a envoyé les 5, 6 et 11 avril 2001 plusieurs messages électroniques destinés, selon lui, à Etienne Y..., ayant pour adresse Y... clubinternet.fr ; que ces courriels ont été reçus, en fait, par Edwin Y..., lequel, constatant que les deux premiers étaient accompagnés de dessins ou photographies présentant un caractère morbide ou sexuel, et que le troisième fournissait l'adresse d'un site sur lequel pouvaient être consultées des photographies représentant notamment un cadavre d'enfant autopsié et un foetus découpé en morceaux, a porté plainte auprès des services de gendarmerie, en indiquant avoir fait connaître à l'expéditeur, dès la réception du premier message, qu'il ne souhaitait pas en recevoir d'autres de même nature ; qu'à la suite de ces faits, Bruno X... est poursuivi sur le fondement de l'article 227-24 du Code pénal pour avoir diffusé un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, susceptible d'être vu par un mineur ;
Attendu que les premiers juges ont relaxé le prévenu en ce qui concerne les messages reçus les 5 et 6 avril, aux motifs que le premier ayant été effacé, son contenu ne pouvait être soumis à leur appréciation et que les photographies reproduites sur le deuxième ne pouvaient être qualifiées de violentes, pornographiques ou attentatoires à la dignité humaine ; qu'ils ont retenu Bruno X... dans les liens de la prévention à raison des images qu'Edwin Y... a pu découvrir sur le site correspondant au lien www/rotten.com figurant dans le message du 11 avril 2001 ;
Attendu que, devant la cour d'appel, le ministère public a requis la confirmation du jugement au motif que " l'envoi du lien qui permet d'accéder à un site comportant des messages violents ou pornographiques participe de leur diffusion en permettant la circulation des photographies litigieuses " ;
Attendu que, pour faire droit aux conclusions de Bruno X... excipant de son absence d'intention délictuelle et renvoyer le prévenu des fins de l'ensemble de la poursuite, la cour d'appel énonce que " le courrier électronique est assimilable à une correspondance privée, qu'il est protégé par un mot de passe personnel et confidentiel qui est composé par l'usager au moment de sa connexion à internet ou à sa boîte à lettres électronique " ; que les juges retiennent que " son titulaire est le seul à y avoir accès et qu'il est responsable de son utilisation " ; qu'ils ajoutent que " ce n'est que par sa volonté qu'un mineur peut la consulter " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'envoi à un tiers majeur d'un message ne contenant que l'adresse d'un site et le lien permettant d'y accéder ne suffit pas à caractériser le délit prévu par l'article 227-24 du Code pénal, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.