CA Paris, 11e ch. A, 17 mars 2004
T. K., Yahoo ! INC c/ Assoc. amicale des déportés d'Auschwitz et des Camps de Haute Silésie, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples)
Considérant qu'il est constant que l'Internet connaît une dimension internationale et qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de règles de droit international élaborées ni même d'harmonisation entre les règles nationales, régissant la compétence du tribunal et la législation applicable aux délits de presse commis à partir ou grâce au réseau Internet ;
Qu'en l'état, les règles nationales trouvent donc à s'appliquer, quelles que soient les difficultés qui pourraient être invoquées par les exploitants de sites ou par les fournisseurs de contenus ;
Qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la défense, la seule loi applicable ne saurait être celle du pays sur lequel le site est physiquement localisé, pas plus d'ailleurs que celle du pays où est implanté le fournisseur d'hébergement ou celle dont la société qui l'exploite a la nationalité ; que lier la compétence judiciaire aux critères ci-dessus énoncés serait de nature à faciliter toutes délocalisations dans des pays à la législation moins contraignante ou restrictive ; qu'en outre, la société émettrice dispose de la capacité technique de limiter la diffusion des messages en tenant compte de la nationalité de l'internaute ; que tel a bien été le cas en l'espèce puisque la société Yahoo - ainsi qu'elle le fait valoir - a, compte tenu des prescriptions du juge des référés, finalement mis au point début janvier 2001 une technologie lui permettant d'identifier, sur la base de mots clés, les objets que les internautes veulent proposer à la vente et d'empêcher leur diffusion sur Internet ;
Considérant que l'élément constitutif essentiel de l'infraction, en droit de la presse, est la publicité, qui peut revêtir différentes formes en fonction du vecteur de communication ;
Qu'il est avéré que, si la société exerce son activité dans son pays à destination de ses résidents, elle développe et amplifie son activité auprès des internautes du monde entier, dont ceux de la France ;
Qu'en l'espèce, il est établi que la société Yahoo a continué de diffuser, malgré les décisions du juge des référés mentionnées supra, permettant ainsi aux internautes installés en France, et en particulier dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, de visualiser sur l'écran de leur ordinateur les services et sites incriminés ; que l'élément intentionnel de la société Yahoo est donc caractérisé ;
Qu'il a été démontré, par ailleurs, que lorsqu'une connexion à son site d'enchères litigieux était faite à partir d'un poste situé en France, la société répondait par l'envoi de bandeaux rédigés en langue française, ce qui confirme que l'information n'est pas délivrée sur son site mais sur le poste de l'internaute ;
Que les moyens tirés de la nationalité française de la victime ou du fait que le site litigieux est situé aux États-Unis et émis à partir de ce pays sont inopérants comme le tribunal de première instance l'a décidé ;
Considérant en conséquence, que les premiers juges ont, à bon droit, déclaré les tribunaux français compétents et la loi pénale française applicable ; que leur décision, rejetant l'exception d'incompétence, sera donc confirmée ;
(...)
Par ces motifs
Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
La cour,
Statuant sur la seule exception d'incompétence,
Reçoit les appels de T. K. et de la société Yahoo,