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Difficulté à déterminer le point de départ
La cour d'appel de Paris insiste sur la difficulté qu'il y a à déterminer le point de départ de la prescription, autrement dit, la date exacte de la première mise à disposition (CA Paris, 2 mars 2005).
Sommaire : Les nouvelles modalités de commercialisation d'un même support (passage de la location à la vente) ne constituent pas une nouvelle mise à disposition du public et ne peuvent donc faire courir à nouveau la prescription de l'action publique (1re esp.). En matière de poursuites pour l'une des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, engagées à raison de la diffusion, sur le réseau Internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi précitée, est fixé à la date du premier acte de publication, c'est-à-dire celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (2e esp.).
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CA Paris, 11e ch. A, 24 nov. 2004, G. de Maistre c/ Assoc. Front national, Jean-Marie Le Pen
Au fond,
Considérant que le tribunal de grande instance a exactement et complètement rapporté la procédure, la prévention et les faits de la cause dans un exposé auquel la cour se réfère expressément ;
Qu'il suffit de rappeler que Jean-Marie Le Pen et le Front national ont, par citation directe du 9 avril 2003, assigné Gilles de Maistre pour diffamation publique envers un particulier à la suite de la mise en vente, sous forme de vidéos cassettes et de vidéodisques, du film « Féroce » le 12 février 2003 et que les premiers juges ont déclaré l'action publique prescrite, en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, du fait que ces vidéos cassettes et vidéodisques étaient disponibles depuis le 18 décembre 2002 sous la forme de la location ; que les parties civiles n'avaient pas agi en diffamation lors de la sortie du film au printemps 2002 ni lorsqu'il a été diffusé sur la chaîne Canal + ;
Considérant que les parties civiles soutiennent, à l'appui de leur appel tendant à voir rejeter l'exception de prescription, que la volonté de toucher un nouveau public et d'élargir le cercle de la diffusion est avérée dans la mesure où la vente de ces vidéos cassettes et vidéodisques a pour objectif de toucher un public autre que celui qui est allé voir le film lors de sa diffusion en salles ou l'a vu au moyen de la location ; il s'est donc agi d'un nouveau moyen de diffusion et d'un nouveau vecteur de mise à disposition du public, assimilable à la réimpression ou à la réédition, faisant courir à nouveau le délai de prescription abrégée à compter du 12 février 2003 ;
Mais considérant que les premiers juges ont, à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour adopte, décidé que le nouveau délai de prescription devait courir à compter du 18 décembre 2002, c'est-à-dire à compter de la mise en location des vidéos cassettes et vidéodisques ;
Qu'ainsi, il suffit pour la cour d'observer que :
Il n'est pas invoqué, a fortiori pas démontré, que les vidéos cassettes et vidéodisques mis à la vente résulteraient d'une nouvelle production ou d'une nouvelle fabrication ; il ne s'agit donc pas ni d'un nouveau tirage, ni d'une nouvelle production de ces supports qui pourraient, le cas échéant, être assimilés à une réédition ou à une réimpression ;
Les nouvelles modalités de commercialisation d'un même support ne constituent pas une nouvelle mise à disposition du public et ne peuvent donc faire courir à nouveau le point de départ de la prescription (sic) ;
Il importe peu que le public ait été élargi, à supposer que tel ait été le cas, ce qui n'est pas démontré ;
Considérant, dès lors, que la décision des premiers juges sera confirmée ;
(...)
Par ces motifs
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Reçoit l'appel des parties civiles,
Confirme la décision déférée,
Rejette toutes autres demandes
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CA Paris, 11e ch. A, 2 mars 2005, Yann D.-N.
Décision
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Le 7 mai 2003, un courrier anonyme signalant la présence d'un site Internet à l'adresse http://www.lasecte.fr.st ou http.//www.la-secte.org ou http://sitedelasecte.free.fr contenant « des propos odieusement antisémites » a été adressé au parquet de Paris. Sur réquisitions prises par le procureur, qualifiant les propos de diffamation publique à caractère raciste et injures publiques à caractère raciste, une enquête a été menée qui a conduit à déterminer le mode d'accès aux pages litigieuses et à identifier l'animateur du site en la personne de Yann D.-N., mais, en revanche, n'a pas permis de déterminer avec certitude la date de mise en ligne des propos dénoncés.
Entendu, Y. D.-N. a reconnu être l'auteur du site consistant, selon ses dires, à mettre en ligne des extraits de messages postés par un certain <gaby>, internaute raciste et antisémite intervenant sur divers forums de discussion, suivis d'un commentaire tendant à les ridiculiser ; il a précisé avoir mis ces extraits, trouvés sur Internet, sur son site « obelix » en 2001 et avoir ouvert le site de « la secte » fin février 2003, sans être sûr de la date.
Devant la Cour,
-- Yann D.-N., appelant à titre principal, conclut à la prescription de l'action faisant valoir, d'une part que le procès-verbal n° 2003/00372/001 du 16 juin 2003 est nul faute de mentionner les articles de la loi du 29 juillet 1881 applicables en l'espèce, d'autre part que la date de mise en ligne se situe entre janvier et février 2003 soit plus de trois mois avant le 16 juin 2003, date du premier acte de procédure ; subsidiairement, il conclut à sa relaxe en l'absence d'élément moral des infractions.
-- M. l'avocat général requiert le rejet de l'exception de prescription soulevée, Yann D.-N. ne rapportant pas la preuve de la date à laquelle les messages poursuivis ont été mis en ligne, peu important la date d'ouverture du site et, au fond, la confirmation du jugement.
Sur ce
L'appel formé par Yann D.-N. est régulier et recevable en la forme.
En matière de poursuites pour l'une des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, engagées à raison de la diffusion, sur le réseau Internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi précitée, est fixé à la date du premier acte de publication, c'est-à-dire celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau.
En l'espèce, l'enquête n'a pas permis de déterminer avec certitude la date de mise en ligne des messages poursuivis, le fournisseur d'accès n'ayant pu répondre à la réquisition des services de police sauf à dire que Yann D.-N. est inscrit aux services de Free depuis le 13 avril 2001 ; elle a néanmoins établi que la mise en ligne est antérieure au 25 mars 2003 et qu'aucune modification n'est intervenue postérieurement à cette date. Dans son audition à la police Yann D.-N. a admis avoir réalisé la mise en ligne fin février 2003 et des attestations versées aux débats ainsi que des témoignages recueillis à l'audience tendant à démontrer que le site litigieux a été mis à disposition des internautes dès le mois de janvier 2003.
Ces témoignages et déclarations de Yann D.-N. n'étant combattus par aucune preuve contraire, il doit être considéré que les messages poursuivis ont été mis en ligne au plus tard fin février 2003 sans modification ultérieure. Or, le premier acte de poursuite, consistant non pas dans le premier procès-verbal de police daté du 16 juin 2003 comme l'indique à tort la défense mais dans les réquisitions du parquet de Paris, au demeurant régulières en la forme au regard de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, est daté du 2 juin 2003 et non du 7 avril 2003 comme retenu par le tribunal suite à une erreur de lecture de date des deuxièmes réquisitions du parquet (7 août 2003).
Plus de trois mois s'étant écoulés entre la mise en ligne et le premier acte interruptif de prescription, celle-ci est acquise et, par voie de conséquence, l'extinction de l'action publique sera constatée.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Reçoit l'appel de Yann D.-N.,
Infirme le jugement,
Constate l'extinction de l'action publique par l'effet de la prescription.
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