Texte intégral :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET des pourvois formés par :
- X... Christian,
- Y... Marc,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 16 octobre 1995, qui, sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre eux pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté leurs requêtes aux fins d'annulation d'actes et de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 1er décembre 1995 joignant les pourvois en raison de la connexité, et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Christian X... :
(sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Christian X... : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Christian X..., pris de la violation des articles 11, 56, 59, 95, 591 et 593 du Code de procédure pénale, l'article 6, § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, manque de base légale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas prononcé la nullité d'actes d'instruction auxquels avait assisté un journaliste ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier que M. Z..., journaliste, a été autorisé par le ministère de l'Intérieur, le 2 septembre 1993, à réaliser un reportage sur l'activité des fonctionnaires de l'OCTRIS ; qu'il a filmé les opérations de police concernant Marc Y... et Christian X... au vu et au sus des intéressés qui n'ont pas manifesté leur opposition ; qu'en effet, durant le cours de leur garde à vue, chacun a pu s'entretenir librement avec son avocat respectif le 9 décembre 1993, conformément aux dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale ; qu'aucun des défenseurs n'a émis d'observations quelconques de la part de leurs clients ; que, par ailleurs, lorsque Marc Y... a signalé au magistrat instructeur que son interpellation avait été filmée, ce n'était nullement pour s'en plaindre, mais pour conforter ses déclarations à l'aide du visionnage du film ; qu'en conséquence, la violation du secret de l'instruction pouvant résulter de la présence du journaliste durant l'accomplissement d'actes de procédure, et qui pourrait donner lieu à des poursuites pénales pour infraction à l'article 11 du Code de procédure pénale, n'entraîne pas la nullité de la procédure dans la mesure où il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense, ni aux intérêts de Marc Y... et Christian X... ;
" alors que, premièrement, une atteinte au secret de l'instruction ne peut être justifiée qu'à la seule condition d'être utile à la manifestation de la vérité ; que la présence d'un journaliste, même s'il y a été autorisé par le ministère de l'Intérieur, n'apporte aucun concours à la manifestation de la vérité ; que dès lors les actes d'instruction auxquels M. Z... a participé sont nécessairement nuls ;
" alors que, deuxièmement, la seule présence d'un journaliste aux opérations d'instruction, par le risque de divulgation qui ne peut faire l'objet d'aucun contrôle, porte nécessairement atteinte à la présomption d'innocence ; que M. Z... a filmé l'arrestation de Christian X..., de même que la perquisition et la saisie effectuées à son domicile et souhaitait diffuser ce film ; qu'en décidant qu'une telle violation du secret de l'instruction n'aurait pas porté atteinte aux droits de la défense, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Marc Y..., pris de la violation des articles 11, 174 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué tout en constatant la violation du secret de l'instruction susceptible de poursuite pénale pour infraction à l'article 11 du Code de procédure pénale, a refusé de prononcer la nullité de la procédure ;
" aux motifs que durant les opérations de police filmées par le journaliste autorisé par le ministère de l'Intérieur le 2 septembre 1993, aucun des deux mis en examen n'a manifesté son opposition ; que durant la garde à vue chacun d'entre eux a pu s'entretenir librement avec un avocat, le conseil n'ayant émis aucune observation quelconque à ce sujet ; que, si Marc Y... a informé le magistrat instructeur de l'existence d'un film vidéo réalisé lors de son interpellation, ce n'était pas pour s'en plaindre mais pour conforter ses propres déclarations ; qu'ainsi il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense, ni aux intérêts de Marc Y... et Christian X... ;
" alors, d'une part, que constitue une violation du secret de l'instruction concomitante à l'accomplissement d'actes de la procédure, la présence d'un journaliste qui filme avec une caméra l'interpellation puis les perquisitions des personnes ultérieurement mises en examen sans que celles-ci y aient expressément consenti ; qu'il s'agit là d'une règle d'ordre public dont la violation doit entraîner la nullité des procès-verbaux d'interpellation et de perquisition et de la procédure subséquente ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que violent les droits de la défense et portent atteinte aux intérêts du demandeur la présence d'un journaliste lors de l'interpellation d'une personne mise en examen et des perquisitions consécutives et la fixation sur un vidéogramme d'opérations protégées par le secret de l'instruction dès lors que l'assentiment de la personne concernée n'a pas été requis ; que devaient être annulés les procès-verbaux d'interpellation et de perquisitions réalisés le 8 décembre 1993 et les actes subséquents " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'un journaliste, ayant recueilli l'accord des seuls policiers, a filmé, afin de constituer un reportage destiné à être commercialisé, diverses opérations diligentées sur commission rogatoire, concernant Marc Y... et Christian X..., lesquels ont soutenu que la violation du secret de l'instruction, non pas postérieure, mais concomitante aux actes de la procédure, devait conduire à leur annulation ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir relevé que la présence d'un journaliste n'avait pas été dissimulée à X... et à Y... lors de leur interpellation, énonce que tous deux se sont entretenus, pendant leur garde à vue, avec leurs avocats, lesquels n'ont alors présenté aucune observation ; que les juges retiennent que Y... a demandé que le film soit visionné, non pour soulever une violation de ses intérêts, mais pour étayer ses déclarations ; que la chambre d'accusation en déduit que l'irrégularité résultant de la présence d'un journaliste n'a pas en l'espèce porté atteinte aux droits des demandeurs, même si elle est par ailleurs passible de poursuites pénales ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
Qu'en effet la violation du secret de l'instruction, non pas postérieure mais concomitante à l'accomplissement d'un acte de la procédure, ne peut conduire à son annulation que s'il en est résulté une atteinte aux intérêts d'une partie ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.