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L'organisation juridictionnelle


Df.Comme leur nom l'indique, les juridictions sont les institutions de l'Etat chargées de dire le droit (cf juris-dictio).

Elles peuvent être figurées sur un tableau qui, horizontalement, se divise en deux ordres (judiciaire et administratif) et, verticalement, en trois niveaux (1er degré, 2nd degré, juridictions suprêmes).

L’organisation juridictionnelle actuelle, qui reprend la division fondamentale droit public / droit privé, est le fruit d’une longue évolution, qui a été marquée par deux grandes décisions intervenues au XVIIIème siècle : la séparation des pouvoirs et la séparation des ordres juridictionnels.

Rq.Rappel : Avant 1789, les cours judiciaires supérieures (les Parlements) pouvaient non seulement trancher les litiges mais aussi légiférer dans leur ressort. Les Parlements avaient en effet le pouvoir de rendre des arrêts de règlement, qui avaient autorité sur les litiges futurs de même nature (les juges devaient respecter la solution déjà édictée si une situation similaire se présentait à nouveau). D'autre part, le plus haut représentant du pouvoir central dans la province était à la fois intendant de police, de justice et de finance.

Pour lutter contre cette confusion des pouvoirs (puisque les tribunaux devenaient aussi législateurs), les révolutionnaires ont instauré un schéma de séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Cette séparation fut consacrée par l'article 16 de la D.D.H.C. qui énonce : "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution".

Depuis lors, les cours et tribunaux ont eu l’interdiction de rendre des arrêts de règlement, c’est-à-dire des jugements dont la portée dépasse le seul litige qu’ils ont à trancher (V. art. 5 C. civ. infra).

Une fois décidée la séparation des pouvoirs, on aurait pu imaginer que les mêmes juges soient compétents pour juger toutes sortes de litiges, et pour appliquer aussi bien le droit public que le droit privé. Mais la méfiance des révolutionnaires à l’égard des juges était telle qu’ils ont adopté une loi leur interdisant de s’immiscer dans l’activité de l’Administration, et de connaître des litiges dans lesquels l’Administration est impliquée.
La loi des 16-24 août 1790 dispose en effet :
"les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs en raison de leurs fonctions".

Ainsi les juges se voyaient-ils non seulement interdire d’exercer un quelconque pouvoir législatif ou réglementaire, mais leur compétence juridictionnelle était limitée aux seuls litiges entre particuliers.

Dans un premier temps les litiges impliquant l’Administration furent réglés par l’Administration elle-même, et ce n’est qu’à partir de 1872 que fut véritablement créé un autre ordre juridictionnel, chargé d’appliquer le droit public aux litiges dans lesquels était impliqué l’Administration et les personnes publiques : ainsi naquit l'ordre juridictionnel administratif.

La séparation entre l’ordre juridictionnel administratif et l’ordre juridictionnel judiciaire reste aujourd’hui l'un des principes fondamentaux et caractéristiques du droit français.

Nous nous intéresserons d'abord à l'ordre juridictionnel judiciaire (Section 1) puis à l'ordre juridictionnel administratif (Section 2), enfin au Tribunal des conflits (Section 3).




Section 1. L’ordre juridictionnel judiciaire


Rq.Attention, dans ce contexte, "judiciaire" s'oppose à "administratif", alors que dans un autre contexte, "judiciaire" peut avoir un autre sens.

Par exemple, quand on parle du principe de la séparation des pouvoirs, le pouvoir judiciaire s'oppose au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif : le terme judiciaire renvoie ici à la fonction de juger en général.

En revanche, lorsque l’on parle d’ordre judiciaire, c’est pour désigner les tribunaux qui appliquent le droit privé, à des litiges qui n’impliquent pas l’Administration.
Vous devez en conséquence faire attention à la distinction: pouvoir judiciaire / ordre judiciaire.



Les juridictions de l'ordre judiciaire sont organisées en 3 niveaux :
  • la première instance,
  • l'appel,
  • la cassation.



Les juridictions de première instance connaissent des affaires pour la première fois. Elles les examinent en fait et en droit :

En fait : L'objectif est ici de savoir ce qui s’est réellement passé. Pour cela, les juges entendent les personnes qui s’opposent (les parties) ou, plus fréquemment, les avocats qui les représentent et qui donnent leur propre version des faits.

Ex.Mme X prétend que son mari la trompe avec une autre femme. Elle réclame le divorce. M. X nie ces faits, et soutient que Mme X a abandonné sans motif le domicile conjugal. Il souhaite que la demande de divorce soit rejetée.
Mme X est ici demandeur à l’instance en divorce.
M. X est défendeur.


Les juges vont examiner les différentes preuves produites par chacune des parties (témoignages, lettres, constat d’huissier, etc...) et vont arrêter la version des faits qui leur semble la mieux établie.

Ex.Au vu des différentes preuves, il apparaît que M. X a effectivement trompé sa femme en ayant des relations extra-conjugales avec Melle Y.


En droit :
  • Il va d’abord falloir que les juges attribuent aux faits qu’ils ont retenus une qualification, c’est-à-dire qu’ils vont faire entrer ces faits dans une catégorie juridique prédéterminée.

Ex.Ici, il apparaît que le comportement de M. X peut être qualifié de faute, car il a commis une violation de l’obligation de fidélité, qui est l’une des obligations du mariage prévues par l'article 212 du Code civil.


Art. 212 C. civ. : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».

  • Les juges vont ensuite devoir rechercher la règle de droit qui est applicable en cas de faute commise par un époux au cours du mariage.

Art. 242 C. civ. : « Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Si Mme X arrive à convaincre les juges que la faute de M. X constitue une faute grave ou renouvelée, et qu'elle rend intolérable le maintien de la vie commune, elle gagnera son procès, et obtiendra le divorce aux torts exclusifs de M. X

Si M. X n’est pas satisfait, il pourra contester cette décision devant une Cour d’appel.

On passe alors au deuxième niveau de l'ordre juridictionnel judiciaire : l'appel.


La Cour d’appel va entièrement rejuger l’affaire. Elle va à nouveau examiner l’affaire en fait et en droit, sans être liée par ce qui a été décidé en première instance.
La Cour d’appel va suivre les 3 étapes précédemment évoquées : examen des faits / qualification des faits / recherche de la règle de droit applicable. C’est donc une seconde chance qui est offerte au justiciable, et c’est pour cela qu’on dit que la Cour d’appel constitue un second degré de juridiction.

Rq.L'utilisation du terme "second" au lieu de "deuxième", signifie que, comme on le verra, il n'existe pas de troisième degré de juridiction.


Ex.M. X n'est pas satisfait du jugement de première instance. Il fait appel (on dit aussi qu'il interjette appel). Il est appelant, et Mme X se trouve alors dans la position de l'intimée.


Deux possibilités se présentent alors :

Soit la Cour d’appel confirme le jugement de 1ère instanceSoit la Cour d’appel infirme le jugement
Ex.La Cour d'appel estime que M. X a trompé sa femme, que ce fait peut être qualifié de faute, et que cette faute justifie que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs du mari.
C'est à dire qu'elle répare les erreurs intellectuelles commises en première instance, en retranchant du jugement les motifs et solutions erronées, et en y substituant les siens.
Ex.La Cour d’appel estime que M. X n’a pas trompé son épouse, mais que Mme X a violé l’obligation de cohabitation, en abandonnant sans motif le domicile conjugal. Elle qualifie le comportement de Mme X de faute, et prononce le divorce aux torts exclusifs de l’épouse.



Que peuvent faire les époux X ?

Une dernière possibilité s’ouvre à eux : porter leur litige devant la Cour de cassation, en formant ce qu'on appelle un pourvoi en cassation.




Hypothèse de travail: la Cour d'appel a infirmé le jugement rendu en première instance ; l'arrêt d'appel prononce le divorce aux torts exclusifs de Mme X ; celle-ci forme un pourvoi devant la Cour de cassation.

Le pourvoi en cassation est le recours extraordinaire formé devant la Cour de cassation contre une décision statuant en dernier ressort. Il est généralement composé de moyens, eux-mêmes divisés en branches.

Attention, la Cour de cassation n’est pas un troisième degré de juridiction :

La Cour de cassation n’a pas la même fonction que les juridictions inférieures. En effet, la Cour de cassation n’est pas juge du fait, mais seulement juge du droit.

Elle ne va pas rejuger l’affaire en fait, mais seulement en droit. Cela signifie qu'elle va considérer comme acquise la version des faits retenue par la Cour d’appel (= Mme X a abandonné le domicile conjugal) sans réexaminer les preuves (témoignages, lettres, constat d’huissier...).
Rq.Il n’est donc pas possible pour Mme X de faire un pourvoi en cassation en soutenant qu’elle n’a pas abandonné le domicile conjugal, qu'elle avait la migraine, qu'elle était juste partie se reposer chez sa mère, qu'elle était en formation professionnelle, etc.. Les faits ont déjà été examinés deux fois, en première instance et en appel, la Cour de cassation ne reviendra pas dessus.


Article 604 du Code de procédure civile : "Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu'il attaque aux règles de droit".

Mais la Cour de cassation va en revanche suivre la 2ème et la 3ème étape du travail du juriste, en vérifiant :
  1. Que les faits retenus ont reçu la bonne qualification. Il peut arriver dans certains cas que l’adultère ne soit pas considéré comme une faute.
  2. Que c’est la bonne règle de droit qui a été appliquée, et qu’elle a été correctement appliquée.

Deux possibilités se présentent alors :
  • Soit la Cour de cassation estime que la Cour d’appel a bien qualifié les faits et qu’elle a bien appliqué la bonne règle de droit. Alors elle rejette le pourvoi, et l’affaire est terminée.
  • Soit elle estime que la Cour d’appel a commis une erreur dans son raisonnement. Alors elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel, et renvoie l’affaire devant une autre Cour d’appel, ou devant la même Cour d’appel composée de magistrats différents, pour que l’affaire soit rejugée en fait et en droit.

Rappelons que la Cour de cassation n’est que juge du droit. Elle ne peut donc substituer sa décision à celle de l’arrêt qu’elle a annulé. Elle doit donc renvoyer l’affaire à une autre Cour d’appel, qui réexaminera l’affaire dans son entier.

Ex.Il résulte de l’article 245 du Code civil que les juges ne peuvent prononcer le divorce aux torts exclusifs de l’époux demandeur si l’époux défendeur s’est contenté de se défendre, sans demander lui-même le divorce. Dans une telle situation seul le divorce aux torts partagés peut éventuellement être demandé.
Tel était le cas en l’espèce => Si Mme X forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt infirmatif de la Cour d’appel, la Cour de cassation pourra censurer l’arrêt au motif que celui-ci a violé l’article 245 du Code civil. L’arrêt sera cassé et annulé, et l’affaire sera renvoyée devant une autre Cour d’appel.


Nous verrons ultérieurement ce qui se passe alors, en étudiant le mécanisme du renvoi.


A retenir :
  1. Les trois étapes du travail du juge (et de tous les juristes en général) : examen des faits / qualification / recherche et application de la règle de droit.
  2. La distinction entre le fait et le droit : elle recouvre globalement les différentes étapes du travail du juriste. La première étape correspond à la partie "fait" de cette distinction ; les deux dernières étapes correspondent à la partie "droit".

  3. Les correspondances entre cette distinction fait / droit et le travail accompli par le juge en fonction du degré de juridiction : tandis que les juridictions des 1er et 2nd degré (Tribunaux de 1ère instance et Cour d’appel) jugent en fait et en droit (accomplissant donc les 3 étapes du raisonnement juridique), la Cour de cassation se contente d’être juge du droit. Elle ne constitue pas un 3ème degré de juridiction, puisqu'elle ne rejuge pas l'affaire ; elle n'examine pas les faits et se contente de contrôler les deux dernières étapes du travail : qualification et application de la règle de droit.


Rq.L'ordre judiciaire se subdivise en deux juridictions : civile et répressive, qui sont l'une et l'autre construites sur le modèle qui vient d'être exposé : 1ère instance / appel / cassation.


Maintenant que l'on a observé l'articulation entre les niveaux d'instance, nous pouvons examiner de plus près les différentes types de juridictions.

Il est nécessaire, avant d’entrer dans le détail de l’organisation des juridictions civiles, de comprendre ce que sont les règles de compétence : au premier coup d’œil, sur le tableau de l'organisation judiciaire, on constate que les juridictions de première instance sont assez nombreuses, donnant au tableau une forme pyramidale. Pour savoir quelle est la juridiction que l'on doit saisir pour régler tel ou tel litige, on doit connaitre les règles de compétence, qui précisent les attributions respectives des différentes juridictions.




Il y a deux types de compétence :

Df.1. La compétence d’attribution, ou compétence en raison de la matière (appelée compétence ratione materiae), qui détermine dans quelle sorte de litige et jusqu’à quel montant la juridiction est apte à intervenir.


Ex.La plupart des litiges relatifs au droit de la famille (mariage, divorce, filiation, succession) sont de la compétence des Tribunaux de grande instance.


Df.2. La compétence territoriale, ou compétence en raison de la personne ou du lieu (compétence ratione personae ou ratione loci) qui détermine, parmi les tribunaux d’une même catégorie, quel est celui auquel on doit s’adresser.


En principe, la règle veut que la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur, car l'action en justice n'est pas forcément fondée et l'on veut minimiser le dérangement causé au défendeur.

Ex.Neuf mois après avoir flirté à Lille avec un homme parisien, une femme résidant à Aix-en-Provence accouche à Marseille d’un garçon qui n’est pas reconnu par son père. Devant quel tribunal la femme devra-t-elle assigner le défendeur parisien pour tenter de faire reconnaître la paternité de ce dernier ? Aix, Lille, Marseille ou Paris ?
  • Il s’agit d’un litige relatif au droit de la filiation, qui est une branche du droit de la famille -> les règles de compétence d’attribution nous indiquent que ce sont les T.G.I. qui sont compétents.
  • Les règles de compétence territoriale nous indiquent pour leur part que, parmi tous les T.G.I. français, le T.G.I. compétent est celui de PARIS, puisque c'est là que réside le défendeur. La femme devra donc assigner l’homme devant le T.G.I. de PARIS. Si elle se trompe, sa demande sera irrecevable, et automatiquement rejetée. Elle devra former une nouvelle assignation devant le tribunal compétent.





Autre précision terminologique : En principe, toutes les décisions rendues par une juridiction de première instance sont susceptibles d’appel. On dit alors que les tribunaux jugent en premier ressort et les Cours d'appel en dernier ressort.

Mais le problème est que les Cours d’appel sont très encombrées : trop d’affaires, pas assez de magistrats => dans certains cas, lorsque les sommes en jeu sont faibles, l’appel n’est pas permis. La seule voie de recours possible est alors le pourvoi en cassation.

On dit dans ces cas que les tribunaux jugent en premier et dernier ressort.

Ces explications doivent normalement éclairer les développements qui vont suivre. Après avoir examiné les différentes juridictions civiles, nous nous intéresserons aux juridictions répressives.


Df.Les juridictions civiles sont celles qui ont à trancher tous les litiges de droit privé.


Nous verrons successivement les juridictions spécialisées, et les juridictions à compétence générale.


Les juridictions spécialisées ne sont compétentes que pour les matières qu’on leur a précisément assignées.
Pour commencer par celles dont la compétence est la plus précisément délimitée, ces juridictions sont :



Ils sont compétents pour trancher :
  • Les litiges entre commerçants (personnes physiques ou morales) à condition que le litige ait trait à leur activité commerciale ;
  • Les litiges concernant les actes de commerce (principalement, les actes d'achat pour revendre)

Ex.Les tribunaux de commerce auront ainsi à traiter des procédures collectives, en cas de "faillite" d'une société commerciale.



Les tribunaux de commerce ont ceci de particulier qu’ils ne sont pas composés par des magistrats professionnels, mais par des commerçants, qui sont élus par les commerçants. On justifie cette particularité par l'idée que les professionnels sont plus aptes à comprendre les litiges spécifiques au commerce. Leurs fonctions sont bénévoles. Ils sont élus pour une période de 4 ans. Ils statuent en nombre impair (généralement à trois). Dans certains départements métropolitains (Alsace et Moselle) on pratique encore l’échevinage, c'est-à-dire qu'on fait siéger un magistrat professionnel au milieu des assesseurs élus .

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Les tribunaux de commerce font parfois l'objet d'ardentes critiques : on reproche aux juges élus de ne pas connaitre suffisamment le droit, et l'on redoute les conflits d'intérêts entre les fonctions de juge et de commerçant. Une réforme a été annoncée à la fin des années 1990, mais n'a pas abouti.



Les tribunaux de commerce statuent en premier et dernier ressort, c’est-à-dire sans possibilité d’appel, lorsque la demande ne dépasse pas 4.000 euros. Seul le pourvoi en cassation est alors possible. Au-delà de 4.000 euros, ils statuent en premier ressort uniquement, c'est-à-dire à charge d'appel (4.000 euros, c’est ce qu'on appelle le taux de ressort.)

Au 1er janvier 2009, on comptait en France 141 tribunaux de commerce.




Les conseils de prud'hommes sont compétents pour connaître des litiges individuels survenant entre employeurs et salariés à l'occasion d'un contrat de travail.
Ex.Litiges sur la validité d'un contrat de travail, sur le montant des primes, sur l'indemnité de licenciement, etc.

Leur compétence s'arrête dès que le litige prend une ampleur collective (ex : grève).

Les Conseils de prud'hommes sont constitués sur un mode paritaire, c’est-à-dire qu’ils sont composés pour moitié de représentants des salariés élus par des salariés, et pour l’autre moitié d’employeurs élus par des employeurs. Un magistrat professionnel intervient en cas de partage égal des voix.
Le mandat des conseillers prud'homme est bénévole, et dure cinq années.

Rq.Une réforme initiée par la Loi du 18 décembre 2014 prévoit la fin de l'élection des juges prud'hommaux par leurs pairs. Les Conseils de prud'hommes seraient désormais désignés, selon des règles qui restent encore à définir, parmi les membres des organisations syndicales. A suivre... 






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Les salariés élus au conseil de prud'hommes bénéficient de certaines protections : leurs employeurs doivent leur accorder le temps nécessaire pour exercer leurs fonctions électives, et pour recevoir la formation nécessaire, tout en les rémunérant normalement (sur demande de l'employeur les sommes correspondantes lui sont remboursées par l'Etat). A l'instar des délégués syndicaux, ils ne peuvent être licenciés sans l'autorisation de l'inspecteur du travail.



Les Conseils de Prud’hommes statuent en premier et dernier ressort pour les affaires n’excédant pas 4.000 euros, à charge d'appel au-delà de ce seuil.

Il existait 208 conseils de prud'hommes en 2010.
Comme leur nom l'indique, les tribunaux paritaires des baux ruraux sont compétents pour juger des litiges entre bailleurs et preneurs de baux ruraux.

Df.Un bail rural est un contrat par lequel un propriétaire terrien, le bailleur, loue sa terre à un fermier ou un métayer, que l'on appelle le preneur, moyennant le paiement d'un loyer en nature ou en espèces.

Ils sont composés en nombre égal de preneurs et de bailleurs (sur le mode paritaire) élus pour cinq ans. Un magistrat du Tribunal d'instance étant chargé de les départager (c'est donc une juridiction échevinale). Ils ne constituent pas une juridiction permanente, mais se réunissent par sessions, dont le nombre et la durée varie en fonction du nombre d'affaires à juger.

Leurs décisions ne sont susceptibles d’appel que si l’enjeu du litige dépasse 4.000 €.


Leur compétence porte sur toutes les contestations opposant les organismes de sécurité sociale aux usagers.
Les T.A.S.S. sont des juridictions échevinales et paritaires : ils sont présidés par un magistrat du T.G.I., lequel est assisté par deux assesseurs, représentants respectivement les salariés et les employeurs. Les assesseurs sont nommés pour trois ans par le Président de la Cour d'appel.

Le taux de ressort des T.A.S.S. est également de 4.000 €.



Les juridictions à compétence générale sont également appelées juridictions de droit commun. Cela signifie qu’elles ont à connaître de toutes les matières qui ne sont pas spécialement réservées aux autres tribunaux par une compétence spéciale (c’est-à-dire toutes les affaires qui ne sont pas des litiges entre commerçants, ni entre employeurs et salariés, qui ne concernent pas les baux ruraux ni la sécurité sociale). Leur compétence se répartit en fonction de la matière concernée et de l'enjeu financier du litige.




Les T.G.I. ont une compétence générale et une compétence exclusive :
  • Conformément à leur statut de juridiction de droit commun, les TGI sont d'abord compétents dans toutes les matières personnelles ou mobilières qui ne sont pas du ressort des tribunaux spéciaux, pour les litiges dont l’enjeu dépasse 10.000 euros.

  • En plus de cette compétence générale, les T.G.I. ont une compétence exclusive dans certaines matières (c'est-à-dire indépendamment du montant de l'affaire). Ainsi, tout ce qui concerne :
    • le droit de la famille,
    • le droit de la nationalité,
    • le droit immobilier,
    • la propriété littéraire et artistique... sont de la compétence exclusive du T.G.I.

  • Le T.G.I. comprend en outre des formations spécialisées, qui statuent à juge unique : ainsi, le Juge aux Affaires Familiales (J.A.F.), le Juge de l'expropriation, le Juge des enfants (pour toutes les demandes relatives à l'assistance éducative).

Les tribunaux de grande d'instance sont composés au minimum d'un président, d'un procureur de la République (représentant l'Etat), et de juges professionnels. Le T.G.I. statue en principe en formation collégiale (un président ou vice-président + deux juges), mais il peut arriver que l'affaire soit tranchée à juge unique.

Dans les matières où il a une compétence exclusive, le TGI statue en dernier ressort si l’enjeu est inférieur à 4.000 euros.

21 T.G.I. ont été supprimés depuis janvier 2011 à l'occasion de la réforme de la carte judiciaire, portant leur nombre à 160.




  • Les tribunaux d'instance ont d'abord une compétence générale : ils sont compétents pour toutes les affaires personnelles et mobilières dont l’enjeu est inférieur ou égal à 10.000 euros.

    Ce pourra être le cas pour les accidents de la circulation, les dettes impayées, les livraisons non conformes de biens mobiliers, etc.

  • Les tribunaux d'instance ont également une compétence spéciale exclusive (quel que soit l'enjeu financier) dans certains domaines précis :
    • par exemple les litiges entre propriétaire et locataire à propos d'un bail d'habitation (paiement du loyer, résiliation du bail),
    • les actions en bornage d'un terrain,
    • les litiges relatifs aux crédits à la consommation...

  • Le tribunal d'instance abrite enfin le juge des tutelles : celui-ci statue sur les affaires civiles relatives aux mineurs (demande d'émancipation, gestion des biens des mineurs), ou aux majeurs incapables (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice).



Les tribunaux d'instance statuent premier et en dernier ressort sur les litiges dont l'enjeu ne dépasse pas 4.000 euros.

Les tribunaux d’instance ont la particularité de statuer à juge unique. En 2007, il en existait un dans chaque chef-lieu de département (473). Il n'en reste plus que 297 après la réforme de la carte judiciaire.



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Les juges de proximité ont été créés en 2002, pour pallier les recrutements insuffisants de magistrats de carrière, et pour désengorger les tribunaux d'instance. Leur création correspond aussi à une volonté de rendre la justice plus accessible aux citoyens (il n'est pas obligatoire de se faire représenter devant eux par un avocat). Ils sont recrutés en fonction de leur expérience dans le domaine juridique, sans devoir passer par la formation diplômante de l'Ecole Nationale de Magistrature.

Les juges de proximité étaient compétents, en matière civile, pour les "petits litiges", c'est-à-dire les actions personnelles ou mobilières jusqu'à 4.000 euros.

Très contestée, la compétence civile des juridictions de proximité a été supprimée à compter du 1er janvier 2015.





Les juridictions répressives sont chargées de sanctionner les infractions commises contre le droit pénal. Le droit pénal réprime les atteintes à l’ordre public, à la santé publique et à la sécurité publique. Ces infractions sont classées en trois catégories, en fonction de leur gravité, et sont jugées par des juridictions distinctes :

  • Les contraventions sont jugées par le Tribunal de Police, qui est une chambre du Tribunal d'instance ;

  • Les délits sont jugés par le Tribunal correctionnel, qui est une chambre du Tribunal de grande instance ;

  • Les crimes sont les infractions les plus graves, et sont jugés par des Cours d’assises.





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Une des particularités de la procédure pénale est qu'elle donne lieu à une stricte séparation des fonctions et des organes. Aux fonctions de poursuite, confiées au Ministère public qui a la charge de mettre en mouvement et d'exercer l'action publique, s'opposent les fonctions d'instruction, confiées au juge d'instruction pour rassembler les preuves et décider de la poursuite de la procédure, et les fonctions de jugement, qui consistent à se prononcer sur la culpabilité et sur la sanction à appliquer. Les deux dernières fonctions sont confiées à des organes juridictionnels. Un juge qui aurait participé à l'instruction n'est pas admis à participer à la phase de jugement.


  • Le Tribunal de Police et le Tribunal correctionnel sont des juridictions composées uniquement de magistrats professionnels. Les jugements du Tribunal de Police et du Tribunal correctionnel sont susceptibles d’appel, devant une chambre de la Cour d'appel dans le ressort duquel ils sont localisés.

Rq.Une réforme de 2011 prévoyait la participation de deux citoyens assesseurs à certaines audiences correctionnelles. La mesure a été appliquée à titre expérimental dans le ressort des seules cours d'appel de Dijon et de Toulouse. Faute de bilan probant, la réforme a été abrogée en 2013. 

  • Les Cours d’assises sont composées de 3 magistrats professionnels, et de six jurés tirés au sort pour chaque affaire. Un avocat général représente l'Etat. La Cour d'assise n'est pas une juridiction permanente, elle se réunit par sessions, qui ont lieu généralement tous les trois mois, au chef-lieu du département. Elle est compétente pour juger les crimes de droit commun commis par les adultes. Jusqu’en 2001, les arrêts de Cour d’assises n’étaient pas susceptibles d’appel. On considérait en effet que la décision d'un "jury populaire" ne pouvait, par principe, être remise en question. Mais on est revenu sur cette vision un peu optimiste de la clairvoyance du juré, et une loi entrée en vigueur le 1er janvier 2001 prévoit la possibilité de faire appel devant des cours d’assises d’appel composées d’autres jurés (9 personnes désignées par la Chambre criminelle de la Cour de cassation).




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Les jurés d'assises sont tirés au sort parmi les citoyens français de plus de 23 ans inscrits sur les listes électorales. Sont exclues :

  • Les personnes ayant été condamnées pour un crime ou un délit à une peine de prison supérieure à 6 mois.
  • Certaines personnes en raison de leur fonction, profession ou situation personnelle. Ex : les membres du gouvernement, les députés et sénateurs, les magistrats, les fonctionnaires des services de police, les militaires et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ; les citoyens qui ont déjà été jurés dans le même département au cours des 5 dernières années.

On ne peut pas refuser d'être juré. Seuls quelques motifs dûment justifiés permettent d'obtenir une dispense de ce qu'on considère comme un devoir civique. Ainsi l'âge (+ 70 ans), la maladie (sur certificat médical), ou d'impérieuses raisons d'ordre professionnel ou familial, peuvent justifier la dispense. L'employeur d'un salarié désigné comme juré ne peut l'empêcher de se rendre aux sessions d'assises. La non-présentation d'un juré (hors motif grave) à une session est passible d'une amende de 3750 €.



  • Les juridictions répressives d'exception. Il en existe plusieurs. Parmi les principales :
    • Les juridictions de proximité établies en 2002 ont une compétence en matière pénale : le juge de proximité est en effet compétent pour juger les contraventions des quatre premières classes, qu'elles soient commises par des mineurs ou des majeurs. Il ne peut pas prononcer de peine privative de liberté. Ces juridictions seront supprimées à compter du 1er janvier 2015

    • Les juridictions pour mineurs : le Juge des enfants, le Tribunal pour enfants (présidé par le Juge des enfants + deux assesseurs non professionnels), le Tribunal correctionnel pour mineur (1 magistrat et 2 jurés) et la Cour d'assises des mineurs (3 magistrats et 9 jurés).





    • La Cour de justice de la République, composée de parlementaires et de trois magistrats de la Cour de cassation. Elle est compétente pour juger les ministres coupables de crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


  • JURIDICTIONS DE PREMIERE INSTANCE

JURIDICTIONS CIVILES DE DROIT COMMUNJURIDICTIONS CIVILES SPÉCIALISÉESJURIDICTIONS PENALES
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
  • Actions personnelles et mobilières de plus de 10.000 €
  • Litiges en droit de la famille (divorce, filiation, successions...) droit immobilier, droit des marques et brevets d'invention...
CONSEIL DES PRUD'HOMMES
Litiges individuels entre un salarié et un employeur survenus à l'occasion du contrat de travail.
COUR D'ASSISES
Crimes commis par des adultes, passibles de la réclusion criminelle à temps, jusqu'à la perpétuité.
TRIBUNAL d'INSTANCE
  • Actions personnelles et mobilières de moins de 10.000 €
  • Litiges relatifs à un bail d'habitation, à un crédit à la consommation...
TRIBUNAL DE COMMERCE
Litiges entre commerçants ou survenus à propos de l'exécution d'un acte de commerce
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
Délits, passibles d'emprisonnement jusqu'à 10 ans et d'autres peines (amendes, travail d'intérêt général, interdictions diverses).
 TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX
Litiges entre propriétaires et exploitants de terre ou de bâtiment agricole à propos d'un bail rural
TRIBUNAL DE POLICE
Contraventions de 5ème classe (classes 1 à 5, à compter du 1er janvier 2013), passibles d'amendes.
 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE
Litiges entre les organismes de sécurité sociale et les usagers.
JUGE DE PROXIMITE
Contraventions des quatre premières classes, passibles d'amendes (suppression au 1er janvier 2015).


Il est permis à ce stade de se demander pour quelle raison on ne parle pas d’ordre juridictionnel répressif, comme on parle d’ordre juridictionnel administratif et d’ordre juridictionnel judiciaire.
C’est que les liens entre les tribunaux civils et répressifs sont très étroits, ce qui empêche qu’on puisse les considérer comme véritablement autonomes l’un de l’autre.
Il existe ainsi un principe d’unité des juridictions civiles et répressives.

Ce principe trouve des illustrations à plusieurs niveaux :

  • Unité de personnel

Le principe d’unité des juridictions civiles et pénales apparaît en premier lieu lorsque l’on examine de près la composition des juridictions civiles et répressives des 1er et 2nd degrés : ainsi les magistrats sont-ils communs aux deux types de juridictions, et cela est vrai aussi bien pour ceux qui jugent (magistrats du siège) que pour ceux qui font valoir des observations au nom de la société et de l’intérêt général (Ministère public, ou magistrats du parquet : procureurs, substituts et avocats généraux).

Ce sont donc en principe les mêmes personnes qui jugent et conseillent, quelle que soit la matière civile ou répressive.

Rq.La seule différence notable est que le Ministère public intervient toujours dans un procès pénal (car il s’agit avant tout de sanctionner une atteinte aux intérêts de la société). Il n’intervient pas systématiquement en matière civile (où il est davantage question d’arbitrer entre des intérêts privés).


  • Unité de lieu

En regardant encore de plus près l'organisation judiciaire, on se rend compte que les juridictions répressives ne constituent qu’une chambre particulière des juridictions civiles.
Ainsi, le Tribunal de police, qui juge les contraventions, n’est rien d’autre que le tribunal d’instance statuant au pénal.
De même, le Tribunal correctionnel, qui sanctionne les délits, est en fait une chambre du Tribunal de grande instance.
De plus, il existe dans toutes les Cours d’appel une chambre correctionnelle qui connaît des appels formés en matière pénale.
Enfin, les juridictions civiles et répressives sont toutes deux soumises à l’autorité de la Cour de cassation, qui, bien qu’elle soit composée de différentes chambres spécialisées, n’en reste pas moins unique.

  • Unité de règles ?


La question est posée sur le mode interrogatif, et l'on connait déjà les premiers éléments de réponse :

1 - Ainsi on sait que les juridictions répressives sont principalement chargées d’appliquer le droit pénal, qui sanctionne les atteintes à l’ordre public, et qu'en principe les juridictions civiles appliquent le droit civil (au sens large), qui gouvernent les litiges entre particuliers. Les règles de droit appliquées par les deux juridictions sont donc a priori fondamentalement différentes.

2 - Les sanctions sont également différentes : alors que les tribunaux répressifs sont habilités à condamner l’accusé à une amende et/ou à une peine de prison, les tribunaux civils peuvent uniquement condamner une des parties à payer à l’autre des dommages et intérêts.

Rq.L’amende fixée par le tribunal répressif a uniquement une fonction de sanction, et ne viendra pas indemniser la victime, contrairement aux dommages et intérêts, qui doivent réparer le dommage subi. Tandis que l’amende est versée à l’Etat, les dommages et intérêts sont attribués à la victime.


3 - Les règles de procédure sont également différentes :

Df.La procédure est l'ensemble des règles à respecter pour la conduite d’un procès. Elles comprennent les règles relatives à l'organisation judiciaire, à la compétence, à l'instruction des procès, et à l'exécution des décisions. Ce sont en quelque sorte les règles du jeu du procès.


  • La procédure civile est plutôt de type accusatoire, c’est-à-dire que le juge a globalement une attitude passive, et que c’est aux parties de conduire le procès, de solliciter les mesures d’instruction, de rechercher et d’apporter les preuves nécessaires au succès de leurs prétentions respectives. Le juge arbitre entre deux parties privées (généralement représentées par leurs avocats).

  • Au contraire, la procédure pénale est principalement de type inquisitoire, au moins dans la phase d'instruction : le prévenu ou l'accusé est par principe présumé innocent, et le jugement est précédé d’une phase d’instruction au cours de laquelle le juge d’instruction doit rechercher les preuves de la culpabilité ou de l'innocence du suspect. La phase de jugement est quant à elle plutôt de type accusatoire : Le juge pénal arbitre entre l’intérêt général - défendu par le ministère public - et le prévenu ou l'accusé - représenté par l’avocat de la défense.

4 - Les tribunaux civils ne peuvent jamais faire application du droit pénal. Si, à l’occasion d’une affaire, un problème de droit pénal est soulevé, il se pose alors ce que l’on appelle une question préjudicielle, et le tribunal civil doit surseoir à statuer (i.e. suspendre sa décision) en attendant que le tribunal répressif se prononce sur ce point.
MAIS l’inverse n’est pas vrai : il a toujours été admis en droit français que les juridictions répressives sont en principe compétentes pour statuer sur les intérêts civils à l’occasion d’une infraction qui leur est soumise.

Ex.Une altercation entre voisins. L’un frappe l’autre et le blesse. Il pourra être condamné à par le juge répressif à une sanction pénale pour coups et blessures. Si la victime se constitue partie civile, le tribunal correctionnel pourra également lui octroyer des dommages et intérêts. Les juridictions répressives peuvent donc statuer à la fois sur l’action pénale et sur l’action civile.


Sy.En conclusion, si les règles de droit applicables ne sont pas les mêmes selon la juridiction que l’on considère, les liens entre les juridictions civiles et répressives sont suffisamment forts pour justifier que l’on parle d’unité des juridictions.





Df.L’appel est une voie de recours qui permet de déférer la décision rendue par un tribunal de première instance à une juridiction supérieure, appelée Cour d’appel, qui réexamine l’affaire en fait et en droit, puis confirme ou infirme (réforme) le jugement.


Rq.Rappel : un tribunal (d'instance, de commerce) rend un jugement, une Cour (d'appel, de cassation) rend un arrêt. Si vous hésitez, utilisez le terme décision, qui n’est pas très précis mais reste adapté à toutes les situations.


Les Cours d'appel existent en application du principe du double degré de juridiction. Ce principe fondamental implique que tout plaideur a le droit de faire rejuger son affaire par une juridiction d'un degré supérieur habilitée à réformer la décision de première instance.
Ce principe n'existe cependant qu'à partir d'un certain taux de ressort.

Ex.Le Tribunal de commerce statue en premier et dernier ressort lorsque la demande n'excède pas 4.000 €.


Il découle de cette exigence du double degré de juridiction :
  • que la Cour d'appel est susceptible de rejuger l'affaire en son entier (c'est l'effet dévolutif de l'appel). Elle n'est cependant saisie que des points du jugement qui sont critiqués par l'appelant.
  • que les parties ne peuvent pas former de demande nouvelle devant la Cour d'appel.

Il existe 35 Cours d’appel (30 en métropole, 5 dans les départements et collectivités d'outre-mer) et deux Tribunaux supérieurs d'appel (à Mayotte et St Pierre et Miquelon). La compétence territoriale de chaque Cour d'appel s'étend sur plusieurs départements (de 2 à 4). La réforme de la carte judiciaire, qui ne souhaitait conserver qu'une Cour d'appel par région administrative (26), a suscité de fortes oppositions et a finalement été abandonnée.

Les Cours d'appel sont composées de différentes chambres (civile, sociale, commerciale, pénale) spécialisées, qui peuvent donc statuer sur les appels formés contre les décisions de toutes les juridictions civiles et pénales de première instance de leur ressort.

Exception : les appels des décisions de cours d'assises sont examinés par une autre cour d'assises, autrement composée.

En général, les arrêts d’appel sont rendus par 3 magistrats professionnels (un Président de chambre assisté de deux conseillers). Le Ministère public est représenté par un procureur général ou l'un de ses avocats généraux ou substituts généraux. Les affaires dites "en audience solennelle" sont rendues par cinq magistrats.

Ex.Décision rendue par la Cour d'appel sur renvoi de la Cour de cassation, v. infra Le mécanisme du renvoi.




En principe, pendant l'écoulement du délai d'appel, l'exécution de la décision de première instance est suspendue.
Il en est de même si l'une des parties exerce son droit de faire appel dans les délais : la décision sera suspendue jusqu'à ce que la Cour d'appel ait rendu son arrêt.

C'est ce que l'on appelle l'effet suspensif de l'appel. La partie qui a été condamnée en première instance n'a donc pas à s'exécuter tant que le délai d'appel n'est pas écoulé, ou, si l'appel est interjeté, tant que la Cour d'appel n'a pas rendu sa décision.

Il existe de nombreuses exceptions à ce principe.

Ex.Si le juge de première instance a ordonné l'exécution provisoire de sa décision

Ex.Dans certaines matières, pour des raisons pratiques, l'effet suspensif est modifié : en droit de la famille ou en droit des procédures collectives

L’existence d'un second degré de juridiction (appel) permet de multiplier les chances que la justice soit bien rendue. Mais encore faut-il que la justice soit rendue de la même façon quelle que soit la juridiction. La promulgation d’un Code civil unique aurait manqué son objectif si chaque tribunal en faisait une interprétation personnelle. Pour éviter qu’un même litige soit traité différemment par la Cour d'appel de Paris et celle de Marseille (ou Lille, ou Toulouse...), la Cour de cassation a été instituée pour assurer une unité dans l’application des règles de droit.


L’article L. 411-1 du Code de l’organisation judiciaire (C.O.J.) énonce : « Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation ».

La Cour de cassation, qui siège dans l'enceinte du Palais de justice à Paris, connaît donc de toutes les décisions rendues en dernier ressort par toutes les juridictions civiles ou répressives du territoire national.

Elle est composée de 6 chambres :
  • 3 chambres civiles, qui sont chacune spécialisées (en droit de la famille, en responsabilité civile et sécurité sociale, et droit immobilier) et qui ensemble connaissent de toutes les décisions rendues initialement par les T.I. et T.G.I. ainsi que celles des T.A.S.S.
  • Une chambre sociale, qui statue sur les décisions rendues en matière de droit du travail (Conseil des Prud'hommes)
  • Une chambre commerciale compétente pour le droit commercial (Tribunal de commerce) ;
  • Une chambre criminelle, qui connaît des décisions rendues par les juridictions répressives.

Chaque chambre comprend un président et plusieurs conseillers. Le parquet est représenté par un procureur général, assisté d'avocats généraux.

  • Si en principe les arrêts ne peuvent être rendus que lorsque 5 membres au moins sont présents, il peut arriver que les chambres statuent en formation restreinte, composée seulement de 3 magistrats ("lorsque la solution s'impose" nous dit l'article L. 431-1 du C.O.J.). Ces formations restreintes ont été instituées pour remédier à l'encombrement de la Cour.

  • Lorsqu’une affaire pose une question relevant des attributions de différentes chambres, ou si la même question a reçu des réponses différentes dans les différentes chambres, la Cour de cassation se réunit en Chambre mixte, qui comprend les présidents et deux conseillers de chaque chambre concernée.

  • Lorsque la Cour de cassation se réunit en Assemblée plénière, elle comprend tous les présidents, et un conseiller de chaque chambre.

Rq.L'Assemblée plénière est réunie dans deux hypothèses :
  • Lorsque l'affaire soulève une importante question juridique (i.e. une question de principe).
  • Lorsque, après cassation d'un premier arrêt, la décision de renvoi est attaquée par les mêmes moyens (v. infra, le mécanisme du renvoi).

La Cour de cassation assure essentiellement le contrôle de l'application des loi par les juges du fond. Elle peut également être consultée a priori pour donner son avis aux juridictions du fond sur une question de droit particulière.


La principale mission de la Cour de cassation est de contrôler la bonne application des lois par les juridictions des 1er et 2nd degrés. De ce fait, elle assure non seulement le respect des lois, mais aussi l’unité d’interprétation de la loi dans tout le territoire français.

La Cour de cassation contrôle ainsi le choix de la loi applicable, l'interprétation de cette loi par les juridictions du fond, et la motivation des décisions.

  • Le contrôle du choix de la loi applicable
Il peut arriver que le juge du fond se trompe sur la loi applicable au litige.
Ex.Un vélo renverse un piéton. Si la Cour d’appel fait application de la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation (qui n'est applicable que lorsqu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur), son arrêt risque d’être cassé pour violation de la loi.


  • Le contrôle de l’interprétation de la loi
Les lois ne peuvent pas prévoir toutes les situations humaines, et elles utilisent parfois un vocabulaire qui demande à être précisé, et interprété pour pouvoir être appliqué au cas d'espèce :

Ex.L’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 précitée dispose que les victimes d’un accident de circulation, à l’exception des conducteurs, doivent être indemnisées même si elles ont commis une faute (sauf si cette faute est une faute inexcusable). Les victimes d’accident de la circulation sont donc très favorisées, puisqu’elles sont systématiquement indemnisées. Mais ce régime favorable ne s’applique pas au conducteur du véhicule impliqué dans l’accident.

  • La question s’est rapidement posée devant les tribunaux de savoir ce qu’on entendait par "conducteur". Par exemple, est-ce que celui qui a coupé le contact et est heurté par un autre véhicule alors qu'il est en train de descendre de son véhicule, doit toujours être regardé comme un conducteur ?
La réponse donnée par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, est négative : la victime ne doit pas être considéré comme un conducteur, et doit donc bénéficier du régime protecteur de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ().

  • La Cour de cassation indique ici comment il faut interpréter la loi, et cassera les arrêts ne respectant pas cette interprétation.
Le même travail d’interprétation a été accompli à propos de la notion de faute inexcusable (selon la jurisprudence c'est une "faute d’une exceptionnelle gravité exposant son auteur sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience":, 10 arrêts, G.A.J.Civ. 12ème éd. n° 233)


  • Le contrôle de la motivation des décisions.
Il est nécessaire que les juges du fond (= 1ère instance et Cour d'appel) donnent les motifs de leur décision, d'abord pour que les justiciables puissent la comprendre, ensuite pour que la Cour de cassation puisse effectuer son contrôle.

  • Les juges sont ainsi tenus de répondre aux conclusions des parties.

Df.Les conclusions sont l'ensemble des prétentions et arguments présentées à l'oral ou à l'écrit par les parties à un procès. Devant la Cour de cassation, la procédure est entièrement écrite (pas de plaidoiries). Les conclusions sont rédigées par des avocats spécialisés, que l'on appelle avocats aux Conseils.

Les juges doivent répondre à tous ces arguments, dès lors qu'ils sont suffisamment construits. A défaut, la décision sera cassée pour "défaut de réponse à conclusions."

  • Les juges du fond doivent en outre vérifier que toutes les conditions d’application requises par la loi sont remplies en l’espèce.
Ex.L'article 1382 du Code civil, qui est l'un des articles les plus célèbres du Code civil, dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Pour qu’un individu A soit condamné à payer des dommages et intérêts à un individu B, il faut la réunion de trois conditions : une faute, un dommage, et un lien de causalité entre les deux.

La Cour d’appel qui se borne à constater que B a subi un dommage et que A a commis une faute, sera exposée à la censure de la Cour de cassation (même si au final sa décision est juste) car elle n’aura pas vérifié que c’est la faute de A qui est à l’origine du dommage subi par B (lien de causalité). La cassation sera ici encourue au motif d’un "défaut de base légale" (i.e. la Cour n’a pas donné de base légale à sa décision puisqu'elle n'a pas vérifié que toutes les conditions requises par la loi ont été remplies en l’espèce).


Voilà pour l’essentiel la mission de la Cour de cassation : contrôler l’application des lois par les tribunaux et assurer dans le même temps l’unité d’interprétation des lois.
Ce rôle principal s’exerce a posteriori, c’est-à-dire après que les juridictions des 1er et 2nd degré ont rendu leur décision.
Mais il arrive que la Cour de cassation intervienne avant même que la Cour d’appel ne se prononce, en lui donnant a priori un avis sur la façon dont la Cour d’appel doit juger. C'est la procédure de la saisine pour avis.



Un des problèmes majeurs du système juridictionnel français est celui de l’encombrement des tribunaux : un nombre toujours croissant d’affaires est porté devant les tribunaux, alors que le nombre de magistrats et les moyens de la justice en général sont insuffisants et n'augmentent pas en proportion. La Cour de cassation n’échappe pas à ce problème, et il fallait en moyenne 20 mois pour qu’un pourvoi en cassation aboutisse à un arrêt de rejet ou de cassation (chiffres 2001). On a vu des affaires qui, de pourvoi en renvoi, duraient plus de 10 ans.

Pour limiter le nombre de pourvois on a institué (outre le système de la formation restreinte) un mécanisme de consultation préalable de la Cour de cassation par les juridictions du fond (1er et second degré). La loi du 15 mai 1991 a ainsi permis à ces juridictions de saisir la Cour de cassation dès qu’elles sont confrontées à une question de droit nouvelle ou présentant des difficultés sérieuses. Pour éviter que sa décision ne soit frappée d’un pourvoi, la juridiction pose la question d’interprétation à la Cour de cassation, et sursoit à statuer (i.e. il suspend sa décision) jusqu’à réception de l’avis, ou expiration d’un délai de trois mois.

L’avis rendu par la Cour de cassation ne lie pas le juge du fond. Mais si il respecte cet avis, il est clair que les plaideurs seront moins tentés de faire un pourvoi en cassation contre une décision qui est par hypothèse conforme à la politique de la Cour de cassation. Le pourvoi est a priori voué à l’échec.

Reprenons l'exemple développé au début de la leçon n° 2 : Mme X veut divorcer. M. X ne le veut pas. La Cour d’appel estime que c’est Mme X qui a trompé son mari, qu’elle est donc fautive, et prononce le divorce aux torts exclusifs de l’épouse.
M. X forme un pourvoi en cassation, et la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au motif que celle-ci a violé l’article 245 du Code civil. La Cour de cassation, qui n’est pas un 3ème degré de juridiction, renvoie l’affaire devant une autre Cour d’appel, appelée Cour de renvoi, pour que l’affaire soit à nouveau jugée en fait et en droit.

A ce stade, la Cour d’appel de renvoi n’est pas liée par la décision de la Cour de cassation. Elle va donc réexaminer l’affaire en fait et en droit, et rendre sa décision, en toute indépendance.
  • Si la Cour d’appel de renvoi (appelons-la la Cour d’appel B) suit la solution préconisée par la Cour de cassation, et prononce le divorce aux torts partagés, l’affaire est terminée.

  • Si au contraire la Cour d’appel B reprend la même solution que la Cour d’appel A, alors un nouveau pourvoi en cassation est possible.

La Cour de cassation se réunit alors en Assemblée plénière, qui comprend les présidents et deux conseillers de toutes les chambres.

  • Si la Cour de cassation casse une nouvelle fois l’arrêt B, elle renvoie devant une troisième Cour d’appel, qui elle sera tenue de suivre la solution préconisée par la Cour de cassation. L’affaire est terminée.

  • Si au contraire la Cour de cassation rejette le pourvoi, il n’y a pas de renvoi. L’affaire est terminée, mais il s’est passé quelque chose de notable : entre le premier pourvoi et le second, la Cour de cassation s’est contredite. Elle a en effet d’abord réfuté la solution préconisée par A, et ensuite approuvé cette même solution.

Rq.Il s’est passé ici ce qu’on appelle un revirement de jurisprudence : la Cour de cassation a modifié sa façon de raisonner, ou sa façon d’interpréter telle ou telle loi (en l’occurrence l’article 245 du Code civil). Ce phénomène est important, nous y reviendrons lorsque nous étudierons les sources du droit.


Voilà pour l’essentiel en ce qui concerne l’ordre juridictionnel judiciaire. Vous ne pourrez pas comprendre le mode de formation du droit, et vous ne saurez pas lire un arrêt d’appel ou de Cour de cassation si vous n’avez pas assimilé ces règles élémentaires de l’organisation juridictionnelle.

Le mécanisme du renvoi (procédure ordinaire)



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Toutes les décisions judiciaires ne sont pas construites de la même façon. Leur structure commande la façon dont devra être élaborée la fiche d’arrêt (ou fiche de jurisprudence) :

I- Toutes les décisions des juges du fond (= 1ère instance et Cour d’appel) sont construites selon un schéma unique, retraçant à la fois les faits et le droit :
1- les faits
2- la procédure (= ce qu’a décidé la juridiction précédente)
3- l’exposé des demandes des parties (demandeur et défendeur)
4- les moyens (= arguments) proposés au soutien des demandes
5- les motifs de la décision de la juridiction
6- le dispositif (= la solution)

II- La décision de la Cour de cassation se présente de façon différente : la Cour tient pour acquis les faits retenus par les juges du fond, et veille seulement à l’application de la loi.

A - L’arrêt de cassation doit justifier la censure de l’arrêt d’appel qui lui est soumis. Il se présente généralement ainsi :
1- Visa (= texte qui sert de référence à la décision)
2- Chapeau (= règle de droit applicable à l’espèce)
3- Enoncé des faits retenus par la Cour d’appel
4- Examen de l’argumentation et de la solution retenue par la Cour d’appel
5- Motifs de la cassation
6- Dispositif (« Par ces motifs, casse et annule, et renvoie devant la Cour d’appel de … »)


L'arrêt de cassation se présente donc comme un "dialogue" entre la Cour d'appel et la Cour de cassation, celle-ci justifiant la censure du premier arrêt. Le moyen de cassation n'apparait pas de façon explicite.



LA COUR : Sur le moyen unique (1) Vu l’art. 1382 C. civ. (2) Attendu que ce texte ordonnant que l’auteur de tout fait ayant causé un dommage à autrui sera tenu de le réparer, n’exige pas, en cas de décès, l’existence d’un lien de droit entre le défunt et le demandeur en indemnisation (3) Attendu que l’arrêt attaqué, statuant sur la demande de la dame Gaudras en réparation du préjudice résultant pour elle de la mort de son concubin Paillette, tué dans un accident de la circulation, dont Dangereux a été jugé responsable, (4) a infirmé le jugement de 1ère instance qui avait fait droit à cette demande en retenant que ce concubinage offrait des garanties de stabilité et ne présentait pas de caractère délictueux, et a débouté ladite dame Gaudras de son action, au seul motif que le concubinage ne crée pas de droit entre les concubins, ni à leur profit ni vis-a-vis des tiers (5) Qu’en subordonnant ainsi l’application de l’article 1382 à une condition qu’il ne contient pas, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ;
(6) Par ces motifs, casse l’arrêt de la Cour d’appel de …. et renvoie devant la Cour d’appel de Reims.

B- L’arrêt de rejet doit justifier le rejet du pourvoi. Il doit donc examiner chacun des moyens :
1- Pas de visa
2- Rappel des faits retenus par la Cour d’appel, et solution de l’arrêt critiqué
3- Moyens invoqués par le pourvoi, et contenant une critique de l’arrêt d’appel (commence par ces termes : « alors que, d’une part… alors que d’autre part… » etc.)
4- Réfutation du ou des moyens par la Cour de cassation (commence par ces termes : « mais attendu que »)
(5) Motifs du rejet
(6)- Dispositif (« Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l’arrêt… »)

L'arrêt de cassation se présente donc comme un "dialogue" entre le pourvoi et la Cour de cassation, celle-ci justifiant le rejet de celui-là.



Sur le moyen unique : (2) Attendu, selon l’arrêt infirmatif attaqué, que dame Cargolès fut mordue par le chien de Mougnibas, dans la propriété de dame Dejean, à laquelle celui-ci avait été confié ; qu’elle a demandé réparation de son préjudice à Mougnibas et à son assureur, la Compagnie l’Equité ;
Attendu que dame Cargolès fait grief à la Cour d’appel de l’avoir déboutée (3) alors que les constatations de l’arrêt ne permettaient pas d’établir la faute irrésistible et imprévisible de la victime, de nature à exonérer le propriétaire de l’animal – la Cour d’appel n’ayant pas relevé que l’accès de la villa eût été interdite, ni que la victime n’eût pas pu se croire autorisée à pénétrer dans ladite villa ;
(4) Mais attendu que l’arrêt relève que dame Cargolès, qui faisait du colportage, et à qui dame Dejean n’avait pas ouvert le portail, profita de ce que celle-ci avait le dos tourné, pour s’introduire dans le jardin cloturé de la villa, bien qu’un écriteau « Chien méchant » s’y trouvât apposé et que le chien-loup de Mougnibas fût en liberté et aboyât ; (5) Que de ces constations et énonciations, la Cour d’appel a pu déclarer que dame Cargolès avait commis une imprudence que le gardien du chien ne pouvait ni prévoir ni empêcher, exonérant entièrement Mougnibas de la responsabilité par lui encourue par application de l’article 1385 du Code civil ;
(6) PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 28 mai 1976 par la Cour d’appel de Toulouse.




Section 2. L’ordre juridictionnel administratif


Df.Les juridictions administratives jugent les litiges opposant une personne privée à l’État, à une collectivité territoriale, à un établissement public ou à un organisme privé chargé d’une mission de service public, ainsi que les litiges opposant entre elles deux personnes publiques.

Depuis que la loi des 16-24 aout 1790 a posé le principe de séparation des pouvoirs, et que ce principe a été étendu aux juridictions, un ordre spécifique s'est peu à peu constitué pour juger l'action administrative. Entre 1790 et 1872, c'est l'administration elle-même qui s'est chargée de cette tâche, en vertu de l'adage qui voulait que "juger l'administration, c'est encore administrer". En cas de litige avec l'administration, l'administré n'avait donc que la possibilité d'exercer un recours hiérarchique auprès du supérieur de l'auteur de l'acte incriminé.
Le Conseil d'Etat, institué par la Constitution du 22 frimaire An VIII (1799), n'a au départ qu'un rôle de conseiller du Chef de l'Etat, mais acquiert peu à peu son autonomie et se voit investi en 1872 de la tâche de juger "au nom du Peuple Français".
D'un système de "justice retenue", on est passé à un système de "justice déléguée". La même année a été créé le Tribunal des conflits, chargé de répartir le contentieux entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif.

Lorsqu'après avoir étudié l'ordre judiciaire on s'intéresse aux juridictions administratives, on constate rapidement que ce ne sont plus du tout les mêmes affaires, ni les mêmes juges, ni les mêmes procédures, ni les mêmes règles applicables :l'ordre judiciaire et l'ordre administratif sont deux ordres structurellement et fonctionnellement distincts.

La principale similitude réside dans la hiérarchie des cours et tribunaux. Ainsi trouve-t-on au premier degré des tribunaux administratifs, des Cours administratives d'appel au 2nd degré, et un Conseil d'Etat qui chapeaute le tout, et fait office de Cour Suprême. Mais la comparaison s'arrête là, car, d'une part, le Conseil d'Etat ne se contente pas d'être une autorité juridictionnelle, et exerce aussi d'importantes attributions administratives ; d'autre part, il apparait que le Conseil d'Etat n'est pas seulement juge de cassation : il peut également être juge d'appel, et même, dans certains cas, juge de première instance.

Rq.
A noter qu'il existe de nombreuses juridictions administratives spécialisées : la Cour des Comptes, la Cour de discipline financière et budgétaire, la Commission centrale d'aide sociale, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, etc.

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On oppose traditionnellement le contentieux de l'annulation, qui permet, par un recours en excès de pouvoir, de demander l'annulation des décisions de la puissance publique, et le plein contentieux (ou contentieux de pleine juridiction) qui permet au juge de prononcer non seulement des annulations, mais aussi des condamnations pécuniaires contre l'administration (par exemple pour réparer un préjudice.)









Ils ont été institués officiellement en 1953. Ils sont les héritiers des Conseils de préfecture, créés en 1799 par Napoléon en même temps que le Conseil d'Etat.

Les tribunaux administratifs sont juges de droit commun du contentieux administratif en premier ressort, c'est-à-dire qu'ils sont compétents pour toutes les contestations dirigées contre les actes et décisions de l'administration, à l'exception des affaires spécialement attribuées à d'autres juridictions administratives (par ex. le Conseil d'Etat).

Ex.Le tribunal administratif va examiner les recours contre les actes d'un département ou d'une commune (ex : refus d'un permis de construire), ainsi que les actions en responsabilité dirigées contre les services publics administratifs, et les contestations portant sur un contrat administratif (ex : marché de travaux publics).

Le tribunal administratif est également juge du contentieux :
  • des élections cantonales et municipales,
  • de la police des étrangers (ex : refus d'un titre de séjour)
  • de la fonction publique
  • des impôts directs.

Il existe 43 tribunaux administratifs, répartis sur la métropole et les collectivités d'outremer.

S'agissant de la compétence territoriale, le conflit est en principe porté devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l'autorité qui a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux. Cela explique qu'il y ait 5 T.A. en Ile-de-France, et qu'ils soient particulièrement encombrés.

Les jugements rendus par les tribunaux administratifs sont susceptibles d'appel.




Les Cours administratives d'appel (C.A.A.) ont été créées en 1989, pour alléger la tâche du Conseil d'Etat qui était initialement investi des recours contre les décisions des tribunaux administratifs.

Les C.A.A. sont les juridictions d'appel de droit commun pour les jugements des tribunaux administratifs situés dans leur ressort géographique. Cette compétence est toutefois partagée avec le Conseil d'Etat (v. infra § 3).

Il existe en France huit Cours administratives d'appel. Elles sont présidées par un Conseiller d'Etat (i.e. membre du Conseil d'Etat) et elles statuent en formation collégiale (trois conseillers minimum).

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Contrairement aux magistrats judiciaires, les magistrats de l'ordre administratifs sont divisés, répartis en plusieurs corps plus ou moins cloisonnés.
Ainsi les magistrats des Cours administratives d'appel appartiennent au même corps que les magistrats des tribunaux administratifs : recrutés à l'Ecole nationale d'administration (E.N.A.) ou sur concours externe. Ils sont fonctionnaires de l'Etat, et bénéficient du principe d'indépendance des magistrats : ils sont "inamovibles", c'est-à-dire qu'ils ne peuvent recevoir de nouvelle affectation sans leur consentement.

Les arrêts rendus par les Cours administratives d'appel peuvent être frappés d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat.




A l'instar de la Cour de cassation dans l'ordre judiciaire, le Conseil d'Etat est la juridiction suprême dans l'ordre administratif. Mais le Conseil d'Etat n'est pas seulement un juge : depuis sa création en 1799, il est aussi (et même : surtout) un conseiller de l'exécutif. Ainsi le Conseil d'Etat est-il obligatoirement consulté par le gouvernement sur les projets de lois et d'ordonnances, ainsi que sur certains projets de décrets, et il émet des rapports et avis sur toutes questions juridiques de son ressort.

Si l'on s'intéresse uniquement à sa fonction juridictionnelle, on voit que le Conseil d'Etat peut intervenir à différents niveaux :
  • il est principalement juge de cassation, et assure ainsi l'harmonie des décisions de l'ordre administratif ,
  • il est également juge d'appel, pour le contentieux de la légalité et celui des élections cantonales et municipales.
  • le Conseil d'Etat peut même intervenir en tant que juge de première instance, en premier et dernier ressort pour les affaires les plus importantes, ou dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un tribunal (par ex. recours contre un décret pris par le Président de la République ou le Premier ministre).

Rq.Dans ces cas, les justiciables sont privés du bénéfice du double degré de juridiction.


Cette curieuse répartition des compétences s'explique par le fait que le rôle juridictionnel du Conseil d'Etat a continuellement évolué depuis 1872 : alors qu'il était initialement compétent à tous les niveaux de procédure, la création en 1953 des tribunaux administratifs et celle des cours administratives d'appel en 1989 lui a permis de déléguer progressivement une grande partie de ses compétence originelles, sans pour autant s'en départir complètement.

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Il existe un particularisme de la cassation administrative par rapport à la cassation judiciaire :

1- Ainsi, un mécanisme de filtrage des recours devant le Conseil d'Etat a été mis en place en 1987, qui permet d'écarter 60 % des recours, dès lors qu'ils sont irrecevables ou qu'ils ne sont fondés sur aucun moyen sérieux. Ce système est plus efficace que le mécanisme de la "formation restreinte" adoptée par la Cour de cassation, qui ne fait qu'autoriser un mécanisme allégé de jugement, et non une sélection des pourvois.

2- Après une cassation, la loi permet au Conseil d'Etat de « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » (art. L.821-2 Code de la justice administrative). Ainsi, plutôt que de renvoyer l'affaire devant une Cour d'appel administrative, le Conseil d'Etat peut donc rejuger l'affaire au fond.

3- L'étendue du contrôle exercé par le Conseil d'Etat est plus grande que celui de la Cour de cassation. Ainsi le Conseil d'Etat se reconnait-il le droit de contrôler l'exactitude matérielle des faits, tandis que la Cour de cassation se cantonne au strict contrôle du droit.

4- En cas de renvoi, la juridiction saisie est tenue de respecter le point tranché par le Conseil d'Etat (alors que la première Cour d'appel de renvoi peut résister à la doctrine de la Cour de cassation, v. supra le Mécanisme du renvoi).




Section 3. Le tribunal des conflits



Créé en 1848, le Tribunal des conflits, est chargé de trancher les conflits de compétence entre les deux ordres juridictionnels judiciaire et administratif.

Nous avons vu que la frontière entre les deux principales matières du droit n’est pas parfaitement définie, et il peut exister un conflit négatif (aucun des ordres juridictionnels ne s’estime compétent) ou positif (le juge judiciaire s'estime compétent, mais le Préfet de département estime le contraire). Dans ces cas, le Tribunal des conflits, saisi par une des juridictions en concurrence, va déterminer l'ordre juridictionnel compétent.
Le Tribunal des conflits peut même statuer au fond, lorsque les deux ordres se sont prononcés par des décisions inconciliables, ce qui aboutit à un déni de justice. Dans ce cas, le Tribunal des conflits va trancher lui-même le litige.

Ex.Affaire Rosay, T. confl. 8 mai 1933, Rec. CE p. 1236 : M. Rosay avait été gravement blessé dans une collision entre le véhicule privé dans lequel il se trouvait et un véhicule militaire. Il avait d'abord intenté une action en dommages et intérêts devant le juge judiciaire. Estimant que l'accident avait été causé par le véhicule militaire, le juge judiciaire déclara que le litige relevait du juge administratif. Saisi à son tour, le juge administratif a estimé que la faute provenait du véhicule privé. Le Tribunal des conflits, saisi par le particulier, a lui-même tranché le conflit.

Le Tribunal des conflits est composé à parité de magistrats du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, élus tous les trois ans et rééligibles deux fois (v.Decret n° 2015-233 du 27 février 2015). Il rend une cinquantaine de décisions par an.

Sy.Conclusion : cette longue introduction générale avait pour but de vous donner les premiers éléments nécessaires à la compréhension des chapitres qui vont suivre, et de l’ensemble de la matière juridique.
Il est nécessaire, avant de continuer le cours, de bien retenir les points fondamentaux de l’organisation judiciaire, d’apprendre les tableaux et de comprendre à quoi ils correspondent.
Sachez que nous nous intéresserons surtout au droit privé, et particulièrement au droit civil, avec quelques incursions, quand cela sera nécessaire, en droit commercial et en droit du travail (qui sont d'autres branches du droit privé), ainsi qu’en droit public.
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