La compétence peut se définir comme l'aptitude d'une juridiction à connaître d'un procès.
Le droit français connaît en la matière un certain nombre de principes de compétence, qui font parfois l'objet d'aménagements. Après les avoir examinés, nous envisagerons les modalités de règlement des incidents de compétence.
Il existe en droit interne deux catégories de règles de compétence :
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La compétence d'attribution : elle est liée à l'objet du litige ; il s'agit des règles qui déterminent l'ordre de la juridiction, son degré, sa nature de juridiction de droit commun ou spécialisée.
-
La compétence territoriale : elle met en cause la répartition géographique des juridictions.
Par ailleurs, le développement des échanges internationaux conduit, lorsqu'un litige présente un élément d'extranéité, à s'interroger sur la compétence de l'ordre juridictionnel français. Il s'agit de déterminer les critères de
compétence internationale. Ceux-ci sont en général déterminés à partir des règles internes de compétence territoriale.
Sont en cause la nature et le degré des juridictions compétentes, en relation avec la matière du procès ou le montant de la demande.
Nous envisagerons tout d'abord la compétence des juridictions de droit commun puis celle des juridictions spécialisées.
Rq.Rappel : Des évolutions sont intervenues récemment, en lien avec la promulgation de :
- la loi n° du 18 novembre 2016, relative à la justice du XXIème siècle ;
- la loi n° du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice (voir leçon 1).
Cette catégorie fait désormais référence d'une part aux Tribunaux judiciaires (1), d'autre part aux cours d'appel (2).
Rq.Rappel :
évolution en 2020.
Il y avait 164 TGI en France après la réforme de la carte judiciaire. En application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, depuis le 1
er janvier 2020, afin d'améliorer la lisibilité de la répartition des contentieux en première instance et pour répondre aux besoins de spécialisation des magistrats dans les domaines complexes, le contentieux civil des tribunaux d'instance relève de la compétence des ex-TGI devenus juridictions de droit commun en première instance, sous la nouvelle dénomination de "Tribunal judiciaire". Il y a eu regroupement si les deux existaient dans une même ville.
Toutes les implantations judiciaires ont été maintenues pour répondre au besoin de proximité et d'accessibilité de la justice. Dès lors, pour garantir un maillage territorial répondant à ces besoins, dans les villes où il n'y avait que des TI, ceux-ci sont devenus des chambres du tribunal judiciaire sous la dénomination de "tribunaux de proximité" (art.
L. 212-8 du COJ).
Les sièges, ressorts et compétences matérielles de ces tribunaux de proximité ont été fixés par décret pour répondre au mieux au besoin de justice dans chacun des territoires concernés (voir leçon 2 et section 2 §2 A1b,
infra).
Au-delà d'un socle de compétence commun, les chefs de cours, après avis conjoint des chefs de juridictions, présidents et procureurs de la République, peuvent aussi attribuer à ces tribunaux de proximité un ou plusieurs contentieux supplémentaires afin de prendre en compte la réalité des bassins économique et sociologique de leur ressort (cf. section 2 §2 A1b,
infra).
H. Croze, « L'unité du tribunal judiciaire »,
Proc. 2020 Fasc. 11 alerte 22
Nous développerons tout d'abord les compétences communes à tous les tribunaux judiciaires (a), avant d'évoquer les fonctions particulières exercées en matière civile par le Président du tribunal (b) et par des juges uniques (c). Pour terminer, seront abordées les compétences spéciales et la spécialisation départementale de certains tribunaux judiciaires (d).
Juridiction de droit commun, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction (art. L. 211-3 du COJ).
Il possède en outre des compétences générales propres, ainsi que des compétences spéciales, pour lesquelles il bénéficie d'une exclusivité de compétence, dans des matières déterminées par les lois et règlements (art. L. 211-4 du COJ).
Possibilité d'appel : aux termes des art. R. 211-3 et R. 211-3-24 du COJ, le tribunal judiciaire statue à charge d'appel dans les matières pour lesquelles compétence n'est pas attribuée expressément à une autre juridiction en raison de la nature de la demande. Il y est fait exception pour les actions civiles personnelles ou mobilières portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à 5 000 euros : dans ce cas il statue en dernier ressort. Le taux de ressort du TGI était fixé à 4 000 euros depuis un décret du 13 mai 2005. Une évolution est donc intervenue au 1er janvier 2020 en application du décret du 11 décembre 2019.
a) Comme indiqué précédemment, cette expression fait tout d'abord référence au fait que le tribunal judiciaire, juridiction de droit commun, est compétent pour les procès non réservés à une juridiction spécialisée en raison de la nature de l'affaire.
Rq.Rappel : dans le cadre de cette compétence générale, existait auparavant un partage entre le TGI et le tribunal d'instance en matière personnelle ou mobilière. Le TGI était compétent en premier ressort pour les affaires d'une valeur supérieure à 10 000 euros et le TI pour celles dont la valeur était inférieure ou égale à ce montant.
Le TJ possède une compétence virtuelle pour connaître de tout le contentieux privé sauf dans les cas où un texte spécial attribue formellement compétence à une autre juridiction.C'est ainsi qu'il peut connaître des affaires commerciales en l'absence de tribunal de commerce, ou même s'il y en a un, du fait de sa plénitude de juridiction (art. L. 722-4 du C. Com.).
Rq.Les tribunaux judiciaires ont en revanche compétence exclusive pour connaître des procédures collectives des personnes morales de droit privé non commerçantes et des agriculteurs (voir art.
R. 311-3-26 du COJ et point 2
infra).
Lorsque le TJ statue en matière commerciale, la procédure applicable est celle en vigueur devant les tribunaux de commerce (art. 878-1 du CPC).
b) Les compétences générales communes des tribunaux judiciaires sont ensuite fixées par diverses dispositions législatives et réglementaires.
En matière pénale, il connaît des délits en tant que tribunal correctionnel et des contraventions en tant que tribunal de police (sous réserve de la compétence du juge des enfants). S'agissant de la matière civile, ses principales compétences sont énoncées par le Code de l'organisation judiciaire. Nous ne les évoquerons pas de manière exhaustive.
-
Dispositions législatives (art. L. 211-3 à L. 211-9-2 du COJ)
Le tribunal judiciaire connaît par exemple :
Ex.
- des actions en réparation d'un dommage corporel ;
- de la procédure européenne de règlement des petits litiges ;
- des demandes relatives aux frais, émoluments et débours des auxiliaires de justice et des officiers publics ou ministériels (sauf les dispositions particulières intéressant les honoraires d'avocats) ;
- des actions de groupe prévues par le code de la consommation et la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.
Il s'agit de questions dont une juridiction spécialisée ne peut connaître, ni en vertu d'une demande initiale, ni par le biais d'une demande incidente. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction spécialisée, elle donne lieu à une question préjudicielle spéciale et justifie un sursis-à-statuer (voir leçon 5).
Le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent 14 rubriques énumérées par l'art. R. 211-3-26 du COJ, dont :
- Les actions immobilières pétitoires.
- Certains rapports familiaux patrimoniaux et extra-patrimoniaux : l'état des personnes (mariage, filiation, adoption [un tribunal judiciaire compétent par ressort de Cour d'appel en matière d'adoption internationale : COJ annexe tableau VIII-I] et déclaration d'absence), l'annulation des actes d'état civil et les successions.
En savoir plus : Actualité : processus de déjudiciarisation du droit de la famille
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Le processus a été initié par la loi du 18 novembre 2016 (dite loi J21)
- Le divorce par consentement mutuel est à présent possible par acte sous signature privée contresigné par avocat déposé au rang des minutes d'un notaire, sauf en présence d'un mineur demandant son audition ou si l'un des époux est un majeur protégé (N. Baillon-Ardenne, « La déjudiciarisation précipitée du divorce par consentement mutuel », JCP G 2016 Fasc. 23 n° 643).
- En matière de successions, les notaires ont vu leur rôle se renforcer depuis le 1er novembre 2017 (envoi en possession des légataires universels en matière de testament olographe ou mystique, renonciation à succession, acceptation à concurrence de l'actif net).
- Le changement de prénom se fait désormais devant l'officier d'état civil et non plus le JAF. Celui-ci n'est saisi qu'en cas de difficulté, si la demande n'apparaît pas revêtir un intérêt légitime (art. 60 du C. civ.).
- M. Douchy-Oudot,
- « De quelques aspects sur les liens de famille dans la loi J21 », JCP G 2016 Fasc. 48 n° 1268 ;
- « Contentieux familial : divorce conventionnel par acte d'avocat et dispositions en matière successorale », Proc. 2017 Fasc. 2, 2017, étude 10.
- V. aussi décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l'article 229-1 du Code civil et à diverses dispositions en matière successorale.
- M. Douchy-Oudot, « Du nouveau en matière d'état-civil, D. n° 2017-890 du 6 mai 2017 », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 25, 1er nov. 2017.
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Ce processus a été poursuivi par la loi du 23 mars 2019
- Séparation de corps par acte contresigné par avocat déposé au rang des minutes d'un notaire.
- Divorce sur demande acceptée : consécration du principe de la rupture par acte sous seing privé contresigné par avocats.
- Transferts au notaire :
- recueil du consentement à une procréation médicalement assistée
- établissement des actes de notoriété (établissement de la filiation par la possession d'état (art. 317, C. civ.) - cas de destruction ou absence de registres d'état civil);
- consentement à la pma avec donneur devant notaire (art. 311-20, C. civ.).
- Les procédures relatives aux difficultés des personnes qui ne sont ni commerçants ni artisans : il s’agit des procédures collectives des personnes morales non commerçantes et des agriculteurs. La liste des tribunaux judiciaires ainsi compétents, en application de l'art. 610-1 du C. com., figure à l'annexe 6-2 du Code de commerce.
Rq.NB : incidence sur ce point de la création à titre expérimental des Tribunaux des affaires économiques par la loi n°
2023-1059 du 20 nov. 2023.
- L'enregistrement, les taxes de publicité foncière, les contributions indirectes, des questions d'assurances...
- L’inscription de faux contre les actes authentiques.
- Les baux commerciaux à l'exclusion des contestations relatives au prix du bail révisé ou renouvelé, les baux professionnels et conventions d’occupation précaire en matière commerciale.
La liste n'est pas exhaustive, en particulier car certaines compétences dévolues à des juges spécialisés du tribunal judiciaire constituent aussi des compétences exclusives (voir point c, infra).
Si le président du tribunal judiciaire (ou son délégué) rend parfois des décisions au fond définitives, il intervient plus souvent en qualité de juge du provisoire.
Le président du tribunal judiciaire est juge des loyers en matière de baux commerciaux et de baux à construction (art. R 213-2 du COJ). Il connaît également du règlement amiable de l'exploitation agricole (art. R. 213-3 du COJ). Il exerce les fonctions de juge de l'exécution (JEX) dans le ressort du tribunal et, s'il y a lieu, dans celui de chacune des chambres de proximité (art. R. 213-10 du COJ).
Dans les cas prévus par la loi ou le règlement il rend des décisions contentieuses définitives "selon la procédure accélérée au fond » (autrefois procédure « en la forme des référés » dont certaines hypothèses ont été supprimées par l'ord. n° 2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de la loi du 23 mars 2019). Il s'agit de procédures accélérées qui, à la différence du référé, sont susceptibles de préjuger au fond.
Ex.Demandes de reconnaissance mutuelle dans le cadre de l'UE des mesures de protection en matière civile (art.
509-8 du CPC issu D. 2014-1633 du 26 déc. 2014), etc.
Rq.Depuis le 1
er janvier 2013 existait une procédure d'injonction de payer devant le TGI. La phase unilatérale se déroulait devant le président de la juridiction. La demande est désormais portée, selon le cas, devant le juge des contentieux de la protection ou devant le président du tribunal judiciaire dans la limite de leur compétence d'attribution (art.
1406 du CPC). La procédure est susceptible de déboucher sur une ordonnance produisant les effets d'un jugement contradictoire doté de l'autorité de chose jugée.
Le président du tribunal judiciaire rend des décisions provisoires ne touchant pas au fond du droit, impliquant souvent une situation d'urgence, et qui sont, soit des ordonnances de référé, soit des ordonnances sur requête. Depuis 2020 il partage une partie de cette fonction avec le juge des contentieux de la protection, pour ce dernier dans les limites de sa compétence.
Par ailleurs, dès lors qu'ils sont déjà saisis, d'autres magistrats sont également parfois investis de telles fonctions (JAF, juge de la mise en état).
Mais cette mission de juge de l'urgence et du provisoire peut aussi être plus large que la compétence du tribunal judiciaire car elle est susceptible d'englober toutes les matières où il n'existe pas de procédure de référé (art. 836 du CPC). En pratique cela apparaît peu fréquent, du fait de la généralisation du référé devant les juridictions spécialisées.
- Les ordonnances de référé :
Leur caractéristique tient à ce qu'elles font en principe l'objet d'une procédure contradictoire. Elles possèdent un caractère provisoire et peuvent toujours être rapportées ou modifiées. Le juge du fond n'est pas juge d'appel de la décision de référé (Cass. Civ. 3ème, 21 fév. 2019, Proc. 2019, Fasc. 5, n° 151, Y. Strickler).
Le domaine du référé est large et s'appuie sur plusieurs fondements textuels :
-
Le référé préventif : il concerne les mesures d'instruction à futur dites aussi "in futurum", visées par l'art. 145 du CPC (elles peuvent aussi être demandées sur requête).
Rq.Bibliographie : N. Contis et D. Brevot , Le procès civil et les mesures avant dire droit, JCP G 2010 F. 45 n° 1132.
Ex.Cass. Civ. 3ème, 16/4/08, Proc. 08 n° 174 : l'usage de l'art. 145 du CPC préalable à un procès au fond est réservé au seul cas où un litige au moins éventuel existe. Il a été aussi jugé qu'il n'était pas possible d'ordonner par le biais de l'art. 145 CPC des mesures d'interdiction (RTD civ. 94 668) ou de saisie (Cass. Com., 16/6/98, Proc. 98 n° 193), ni de rechercher des informations en vue de prendre des mesures conservatoires (Cass. Civ. 2ème, 15/2/03, Bull. civ. II n° 38, RTD civ. 03 356) ou de court-circuiter la procédure d'inscription de faux contre les actes authentiques (Cass. Civ. 1ère, 11 juin 03, RTD civ. 03 539).
Cass. Civ. 1ère, 12 juin 2018, Proc. 2018 Fasc. 8-9 n° 245 obs. Y. Strickler : incompétence du juge des référés pour ordonner tant une expertise génétique qu'un examen comparé des sangs.
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Le référé sur difficultés d'exécution : il concerne le juge de l'exécution instituté par la loi du 9 juillet 1991. Ces fonctions sont exercées par le président du tribunal judiciaire mais il peut les déléguer (voir infra).
-
Le référé de l'art. 834 du CPC (ex- art. 808 du CPC) : en cas d'urgence le président du tribunal judiciaire peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Le juge des contentieux de la protection jouit des mêmes prérogatives dans les limites de sa compétence.
La Cour de cassation considère que l'urgence est appréciée souverainement par le juge des référés (V. not. Cass. Civ. 1ère, 21 juin 1989 n° 87-18.210 P), alors qu'elle contrôle l'existence de la contestation sérieuse (Cass. Civ. 1ère, 30 janvier 1979, n° 77-13.228 ; Cass. Civ. 1ère, 19 mai 1981, n° 80-11.817).
Rq.Le juge des référés peut ordonner la capitalisation des intérêts légaux (Cass. Civ. 3ème, 17/6/98, Proc. n° 192).
Il ne peut en revanche constater la résiliation d'un bail non encore prononcée par le juge du fond (Cass. Com., 5/3/98, Proc. 99 n° 35).
Cass. Civ. 3ème, 30 mars 2017, Proc. 2017 Fasc. 6 n° 123 note Y. Strickler : le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse ne constitue pas une exception de procédure, mais un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés.
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Le référé de l'art. 835 al. 1 du CPC (ex-art. 809 al. 1 du CPC) : le président du tribunal judiciaire peut ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, même sans justification de l'urgence et en présence d'une contestation sérieuse. Le juge des contentieux de la protection dispose des mêmes prérogatives dans les limites de sa compétence.
La Cour de cassation a considéré que dans le cadre de l'art 809 al. 1 (désormais art. 835 al. 1 du CPC) il y avait souveraineté d'appréciation de la contestation sérieuse et du dommage imminent par les juges du fond (Cass. Civ. 2ème, 27 juin 1979, n° 78-13.012 P ; Cass. Civ. 2ème, 16 juin 1993, n° 91-20.356 P). Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation se perpétue (Cass. Com., 13 avr. 2010, Proc. 2020 n° 222 obs. R. Perrot).
La Cour de cassation opère en revanche un contrôle de la notion de trouble illicite (Ass. Plén., 28 juin 1996, D. 96 497 et JCP 96 II 22712, RT 97 216).
Ex.Quelques illustrations : atteinte aux droits de la personnalité, dont à la vie privée: Cass. civ. 1ère, 12 déc. 00, D. 01 2434 - Interdiction et suspension provisoire de diffusion, puis occultation de passages de livres avec délai de saisine du juge du fond et, à défaut, caducité des mesures ordonnées : Le grand secret Cass. civ. 1ère, 16/07/97 et Yann Piat/ Léotard, JCP G 97 II 22964, RTD civ. 97 499 : ces arrêts marquent un renouvellement de la liaison entre provisoire et principal - Paris, 1/09/04, JCP G 04 II 10192 : incompétence du juge des référés pour connaître du contentieux électoral, indépendamment des cas où le litige ressortit, au fond, à la compétence des tribunaux civils. Dreyer, « La perversion du référé en matière de presse », JCP G 07 I 171. - Soc. 1er fév. 2023, JCP 2023 Fasc. 15 act 475 note X. Vuitton : selon l'auteur, la Chambre sociale considère que le juge des référés, saisi sur le fondement du trouble manifestement illicite, doit chercher à trancher autant que possible les contestations, même sérieuses.
-
Actualité : la Cour de cassation, dans le cadre d'une réflexion interne (controversée) sur la nature de son contrôle au regard des exigences de la convention EDH, a introduit en matière de référé un contrôle de proportionnalité (Cass. Civ. 3ème, 22 oct. 2015, JCP G 2015 Fasc. 45 n° 1199 obs. C. Laporte, JCP G 2016 Fasc. 7 n° 187, B. Sturlèse - Cass. Civ., 17 déc. 2015 et 22 oct. 2015, JCP G 2016 Fasc. 7 n° 188 note O. Bailly, JCP G 2016 Fasc. 7 n° 189, « Contrôle de proportionnalité subjectif, profitant aux situations illicites : "l'anti-Daguesseau" », P-Y. Gautier - N. Cayrol, « Le contrôle de proportionnalité des mesures conservatoires et de remise en état ordonnées en référé », RTD civ. 2016 449 - Cass. Civ. 1ère, 2 fév. 2022, Proc. 2022 Fasc. 4 n° 87 obs. Y. Strickler : contrôle de proportionnalité en matière de trouble manifestement illicite).
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Le référé de l'art. 835 al. 2 du CPC (ex-art. 809 al. 2 du CPC) (ou référé provision) : ce texte permet d'octroyer d'une provision ou d'ordonner l'exécution d'une obligation de faire lorsque l'existence de l'obligation n'apparaît pas sérieusement contestable (Cass. Com., 11 mars 2014, JCP G 2014 Fasc. 48 n° 1232 obs. Y-M Serinet : le caractère non sérieusement contestable concerne le principe de l'obligation, non son étendue). L'urgence n'est pas requise. Dans le cadre de l'art 835 al 2 CPC l'existence d'une contestation sérieuse relève du contrôle de la Cour de cassation (Ass. Plén., 16 nov 01, JCP G 01 II 10646, Proc. 02 n° 4, D 02 598).
Rq.Le domaine de l'injonction de faire concerne essentiellement les litiges de consommation. Jusqu'à présent ce fondement était peu usité, car concurrencé à la fois par l'ex-art. 808 du CPC (devenu art. 834 du CPC) et par la procédure d'injonction de faire, issue du décret du 4 mars 1988. Ces procédures avaient toutes, néanmoins, un portée limitée. La possibilité nouvelle, d'exécution en nature des obligations de faire, instituée lors de la réforme du droit des obligations (
art. 1221 et s. du C. civ.) a sans doute eu des incidences en la matière.
-
Ex.Provision : Cass. Com., 11/5/93, JCP G 94 II 22275 Lévy : octroi obligatoire s'il n'existe pas de contestation. L'arrêt considère aussi que ce pouvoir demeure même quand le juge du fond est saisi. V. également. Cass. Com., 11 mars 2014 (Proc. 2014 Fasc. 5 n° 137 obs. R. Perrot) jugeant qu'une provision peut être allouée même si le montant de l'obligation est encore sujet à controverse. Le juge des référés qui peut allouer une provision à la victime d'un dommage excède ses pouvoirs s'il lui accorde des dommages-intérêts (Cass. Civ. 2ème, 11 déc. 08, Proc. 09 n° 42 note R. Perrot).
-
Ex.Provision ad litem : la demande en référé de provision ad litem est soumise à l'absence de contestation sérieuse de la prétention au fond et à la nécessité d'engager des frais (Cass. Civ. 2ème, 29 janv. 2015, D. 2015 171 n° 1). L'invocation d'une cause d'exonération de responsabilité constitue une contestation dont le sérieux doit être examiné par le juge des référés, de sorte qu'il peut accorder une provision ad litem sans que puisse être exigée l'évidence de la réunion des conditions de l'exonération (Cass. civ. 2ème, 4 juin 2015, Proc. 2015 Fasc. 9 n° 254 obs. Y. Strickler).
-
Ex.Impartialité : pour respecter l'exigence d'impartialité objective imposée par la Convention EDH, il a été décidé qu'un juge ayant statué sur une demande de référé provision ne pouvait connaître ensuite du fond du litige. Une solution différente a été retenue lorsque l'intervention antérieure du juge des référés se limitait à la prise d'une mesure conservatoire (Ass. Plén., 6 nov 98, JCP G 98 II 10198, D 99 1 et Frison-Roche, chr. 53, Proc. 99 n° 3, RTD civ. 99 183 et 193 : problèmes pratiques ; RGP 99 620 obs. crit., RTD civ. 00 620). La jurisprudence européenne récente retient une conception plus pragmatique de l'impartialité fonctionnelle et semble rejeter désormais une application indifférenciée du critère objectif pour dépasser l'approche fondée sur les apparences (Cour EDH, Kleyn/Pays-Bas, 6 mai 2003, PA 2004 n° 44 : exercice successif de fonctions consultatives et juridictionnelles par le Conseil d'Etat).
Pour une approche comparée avec les juridictions administratives : Butéri, « La participation du juge des référés à la formation de jugement sur le fond », D. 04 chr. 2586.
-
Rq.Il existe aussi plusieurs référés spéciaux : en droit des sociétés, en droit de l'internet.
Voir par exemple B. Gorchs, « Vers un référé de l'internet autonome »,
Proc. 07 chr. n° 1 et note A. Tricoire, « Du bon usage du référé en droit d'auteur », sous TGI Paris, 28 mars 2007.
X. Vuitton, « Irremplaçable juge de référés – A propos du nouvel article
L. 163-2 du Code électoral pour lutter contre les manipulations de l'information »,
JCP G 2019 Fasc. 3 n° 39 : : un seul juge et une seule CA compétents au plan national.
- Les ordonnances sur requête :
Ces procédures sont mises en œuvre par le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les cas prévus par la loi ou sur demande d'une partie en cas d'urgence lorsque les circonstances exigent que les mesures ne soient pas prises contradictoirement (art. 845 du CPC – ex-art. 812 du CPC). La cour de cassation considère néanmoins que le juge saisi doit rechercher si la mesure sollicitée exige une dérogation à la règle de la contradiction (Cass. Civ. 2ème, 11/5/06, Proc. 06 n° 154).
Ex.Relèvent par exemple des procédures sur requête la rectification judiciaire des actes d'état civil, les demandes d'autorisation de constats...
Le président du tribunal judiciaire, comme c'était le cas pour le TGI, peut aussi rendre des ordonnances sur requête en matière prud'homale, dans la mesure où ce type de procédure n'existe pas devant le Conseil de prud'hommes (Cass. Soc., 12/04/95, Bull. 134, RTD civ. 95 952).
En cas de refus de faire droit à la requête, le requérant peut interjeter appel dans les 15 jours.
S'il a obtenu satisfaction, tout intéressé peut agir en référé devant le juge qui a statué.
L'ordonnance est par ailleurs susceptible de modification ou de rétractation, même lorsque le juge du fond est saisi.
Dans chaque tribunal judiciaire, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge aux affaires familiales. La loi de simplification du droit, du 12 mai 2009, a eu une incidence sur la compétence du JAF qui, aux termes de l'article L. 213-3 du COJ, connaît désormais :
- de l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes liées aux fonctionnement des régimes matrimoniaux et indivisions entre personnes liées par un PACS ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du TJ et du juge des tutelles des majeurs ;
- du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un PACS et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence ;
- des actions liées : à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du PACS et de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants ; à l'exercice de l'autorité parentale ; à la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement, au changement de prénom, à la protection à l'encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ou d'un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin violent, à la protection de la personne majeure menacée de mariage forcé.
- des demandes d'attribution à un concubin de la jouissance provisoire du logement de la famille en application de l'article 373-2-9-1 du C. civ. (ajouté par la loi du 23 mars 2019).
Rq.Depuis le 1
er janvier 2010, il
exerce en outre la fonction de juge des tutelles des mineurs, auparavant dévolue au juge d'instance. Dans ce cadre, il connaît de l'émancipation, de l'administration légale et de la tutelle des mineurs et des pupilles de la nation.
Depuis le 1
er octobre 2010, il a le pouvoir de rendre une ordonnance de protection dans le cadre de la lutte contre les violences au sein de la cellule familiale (art.
515-9 s. du C. civ., issus de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 -
Proc. 2010, Fasc. 10, alerte n° 237 obs. M. Douchy-Oudot).
Voir également D. n° 2010-1134 du 29 sept. 2010, relatif à la procédure civile de protection des victimes de violences au sein des couples – M. Douchy-Oudot, « Quelle protection contre les violences au sein des couples »,
Proc. 2010, Fasc. 12, étude n° 9.
La loi du 23 mars 2019 a opéré une modification de l'article
373-2-6 du C. civ. lui permettant de prendre des initiatives relevant habituellement du juge de l'exécution (cf. développements ci-dessous sur le JEX), qui se trouve dès lors écarté. Le JAF peut ainsi à présent, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. Si les circonstances en font apparaître la nécessité, il peut également assortir d'une astreinte la décision rendue par un autre juge ainsi que l'accord parental constaté dans la convention de divorce par consentement mutuel.Il peut enfin, lorsqu'un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l'exécution d'une décision, d'une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ou d'une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le condamner au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 €.
La loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 a créé au sein des tribunaux judiciaires des juges des contentieux de la protection, en charge de la protection des majeurs vulnérables et d'autres situations de vulnérabilité (art. L 213-4-2 et s. du COJ), en lien avec la compétence des ex-juges d'instance : surendettement et rétablissement personnel, consommation, expulsion, baux d'habitation, fichiers des incidents de paiement.
En revanche le JCP ne connaît plus des actions qui étaient jusqu'alors soumises à taux de ressort. Cela n'est néanmoins pas forcément exclu, dès lors qu'il est affecté dans un tribunal de proximité délocalisé hors du siège d'un tribunal judiciaire (voir supra et leçon 2).
Les règles relatives à la compétence matérielle du juge des contentieux de la protection sont déterminées par le COJ, le Code de procédure civile, le Code de la consommation, ainsi que par les autres lois et règlements. S'agissant du COJ, existent des dispositions législatives et des dispositions règlementaires.
Le JCP exerce les fonctions de juge des tutelles des majeurs. A ce titre, il connaît :
- de la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d'accompagnement judiciaire ;
- des actions relatives à l'exercice du mandat de protection future ;
- des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, aux fins d'être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d'être habilité à le représenter;
- de la constatation de la présomption d'absence ;
- des demandes de désignation d'une personne habilitée et des actions relatives à l'habilitation familiale.
Le JCP connaît par ailleurs :
- A charge d'appel, des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre (art. L. 213-4-3 et R. 213-9-3 du COJ).
- En dernier ressort jusqu'à 5 000 euros et à charge d'appel au-delà ou lorsque la demande est indéterminée, des actions suivantes (art. R. 213-9-4 du COJ) :
- actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 ;
- crédit à la consommation (actions relatives à l'application du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation : art. L. 213-4-5 du COJ) ;
- actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l'article L. 751-1 du code de la consommation (art. L. 213-4-6 du COJ) ;
- Des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel (art. L. 213-4-7 du COJ).
- Dans ses domaines de compétence, le JCP exerce les fonctions de juge des référés et juge des requêtes (art. 834, 835, 837 et 845 du CPC).
Voir « Le JCP : regards croisés. Entretien avec M. Allain par H. Croze », Proc. 2021 Fasc. 3 n° 3.
Les fonctions de juge de l'exécution sont exercées par le président du tribunal judiciaire, qui peut les déléguer. Il les exerce dans le ressort du tribunal et, s'il y a lieu, dans celui de chacune des chambres de proximité.
Ses compétences sont notamment précisées par l'art. L. 213-6 du COJ. Le JEX a compétence exclusive, en matière mobilière, pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires et sur les contestations s'élevant dans le cadre de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit (y inclus les incidents relatifs aux actes notariés : Cass. civ. 2ème, 18/6/09, RTD civ. 09 577 obs. R. Perrot, D. 09 2074 et 2525 note J.-J. Ansault, Proc. 09 n° 273 obs. R. Perrot, Cass. civ. 2ème, 9 sept. 2010, Proc. 2010 Fasc§. 11 n° 373, obs. R. Perrot), à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire (Cass. civ. 2ème, 18 juin 2009, JCP G 09, n° 36, 191, note Y. Desdevises et P.-A. Mérand). Il ne peut cependant connaître de l'action en responsabilité contre l'huissier pour exécution fautive de son mandat (Cass. civ. 2ème, 21 fév. 08, RTD civ. 08 546 n° 4, D. 08 2381 n° 7).
Rq.NB : La procédure de saisie des rémunérations a été déjudiciarisée par la loi n°
2023-1059 du 20 novembre 2023 (art. 47 - des réserves d'interprétation ont été exprimées par le Conseil constitutionnel : CC 16 nov. 2023 n°
2023-856 DC) : au plus tard à compter du 1
er juillet 2025, elle sera confiée aux commissaires de justice et non plus aux JEX.
Le JEX peut aussi, dans les mêmes conditions, autoriser des mesures conservatoires.
En matière de saisies immobilières, depuis le 1er janvier 2007, il est désormais compétent pour connaître des contestations s'élevant à l'occasion de la saisie et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement même si elles portent sur le fond du droit, ainsi que des procédures de distribution en découlant. Ces demandes continuent d'être soumises à représentation obligatoire par avocat, comme c'était le cas devant le TGI.
Par ailleurs, il peut, en cas de besoin, assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge. L'astreinte est liquidée par le JEX sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir, même s'agissant du juge des référés ; il n'y a pas d'effet dévolutif en ce domaine (Cass. civ. 2ème, 15/2/01, Proc. 01 n° 79 et 103).
Le JEX est seul compétent pour octroyer des délais de grâce après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie (art. 510 du CPC). A défaut, en cas d'urgence, le juge des référés reste toutefois compétent (D. 99 chr. 517).
Il connaît aussi des contestations relatives aux procédures de paiement direct des pensions (art. R. 213-6 du CPCE).
Le JEX peut décider un renvoi à la formation collégiale, qui statue alors comme juge de l'exécution.
Ses décisions peuvent faire l'objet d'un appel, qui n'est pas suspensif.
Le président du tribunal judiciaire désigne un ou plusieurs juges de la mise en état conformément aux dispositions de l'article L. 121-3 du COJ. Le JME est chargé de l'instruction des affaires civiles devant le tribunal judiciaire (art. 780 et s. du CPC).
Juge de l'enfance en danger, il est chargé, en matière civile, du contentieux de l'assistance éducative (art. L. 252-2 du COJ).
Dans chaque département, il est désigné au moins un juge de l'expropriation parmi les magistrats du siège d'un tribunal judiciaire de ce département (art. L. 211-1 du C. expr.). Ce juge est chargé de fixer l'indemnité due aux expropriés. Selon la Cour EDH, la place auparavant faite au commissaire du gouvernement dans la procédure d'indemnisation était incompatible avec le principe d'égalité des armes (Cour EDH, 24/04/03, D. 03 2456).
- Au titre des matières précédemment envisagées comme relevant de sa compétence, le tribunal judiciaire connaît à juge unique de vingt contentieux énoncés par l'art. R. 212-8 du COJ, parmi lesquels :
- Les litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre.
- Les demandes en reconnaissance et en exequatur des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales françaises ou étrangères.
- Divers contentieux électoraux.
- Les demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer.
- Les actions patrimoniales, en matière civile et commerciale, jusqu'à 10 000 euros et les demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros.
- Les mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel mentionnées à l'art. L. 213-4-7 du COJ.
- Les matières relevant de la compétence des chambres de proximité, dont la liste a été fixée par le décret n° 2019-914 du 30 août 2019 et qui, aux termes de l'art. D. 212-19-1 du COJ figurent pour la majorité des chambres de proximité, au tableau IV-II annexé au COJ. Soixante-six compétences y sont énoncées, parmi lesquelles les actions personnelles ou mobilières jusqu'à 10 000 euros et les demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros, en matière civile, les demandes formées en application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges.... 15 chambres de proximité mentionnées au tableau V-III annexé au COJ se sont vues attribuer des compétences supplémentaires. Toutes les chambres de proximité peuvent également se voir conférer d'autres compétences matérielles supplémentaires, par décision conjointe du premier président de la Cour d'appel et du procureur général, prise en application de l'art. L. 212-8 al. 2du COJ après avis des chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction concernés (Art. R. 212-19-3 COJ et art. D 212-19-2 COJ).
Le juge saisi peut toujours, d'office ou à la demande des parties, renvoyer une affaire en l'état à la formation collégiale. Cette décision est une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.
Rq.NB : Les fonctions civiles assurées actuellement par le JLD en matière d'éloignement des étrangers et de contentieux des hospitalisations sous contrainte seront confiées à un juge du siège du tribunal judiciaire (L. n°
2023-1059, 20 nov. 2023, art. 44), au plus tard le 1
er nov. 2025.
- Par ailleurs, aux termes de l'art. R. 212-9 du COJ le président du tribunal judiciaire ou le magistrat délégué par lui à cet effet peut décider en toute matière, qu'une affaire sera jugée par le tribunal judiciaire statuant à juge unique (voir aussi art. 812 et s. du CPC). Cette décision est aussi une mesure d'administration judiciaire.
G. Joly-Coz, « Le tribunal judiciaire : entre carte et territoire », JCP G 2020 Fasc. 10 n° 282.
Certains textes prévoient une attribution de compétence à quelques Tribunaux judiciaires nommément désignés. Les principaux cas sont les suivants :
- Tribunal judiciaire de Paris
- Actions en matière de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs (art. D. 211-6 du COJ).
- Actions en matière de marques, dessins et modèles communautaires (art. L. 211-11, L. 211-11-1 et R. 211-7 du COJ).
- Actions relatives au devoir de vigilance dans les sociétés multinationales, fondées sur les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du Code de commerce (art. L. 211-21 du COJ).
- Actions prévues au II de l'article 2450 du C. Civ. (art. R. 211-7-1 du COJ).
- Actions fondées sur l'art. L. 163-2 du Code électoral (art. D. 211-7-2 du COJ).
- Contestations des décisions de la commission administrative relatives à l'établissement et à la révision des listes électorales consulaires, dans les cas et conditions du décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République. En dernier ressort (art. R. 211-10-4 du COJ).
- Tribunal judiciaire de Nantes (art. D. 211-8 du COJ) : actions en identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques, dans les cas et conditions prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- Des dispositions particulières, et notamment les articles L. 211-10 à L. 211-16 du COJ prévoient que quelques tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent :
- Des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles (Tableau VI annexe du COJ), d'obtentions végétales (Tableau V annexe du COJ), d'indications géographiques et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle (art. L. 211-10 du COJ).
- Des actions engagées sur le fondement des dispositions des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d'enfants (art. L 211-12 et tableau VII annexe du COJ).
- Des actions aux fins d'adoption ainsi que des actions aux fins de reconnaissance des jugements d'adoption rendus à l'étranger, lorsque l'enfant résidant habituellement à l'étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France (art. L. 211-13 et tableau VIII-I annexe du COJ).
- Des contestations relatives aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des contrats de droit privé relevant de la commande publique dans les cas et conditions prévus par les articles 2 à 20 de l'ord. n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (art. L. 211-14 et tableau VIII-II annexe du COJ).
- Des questions liées à la nationalité (art. D. 211-10 et 211-10-3-1 et tableaux VIII et IX annexe du COJ).
Pour connaître des pratiques restrictives de concurrence visées par l'article L. 442-4 du Code de commerce, sont seuls compétents huit tribunaux de commerce et Tribunaux judiciaires (Marseille, Bordeaux, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes (art. D. 442-2 et D. 442-3 du C. com. et annexes 4-2-1 et 4-2-2 du C. com.). La cour d'appel de Paris est l'unique juridiction du second degré.
Tx.Jurisprudence.
Cass. Com., 18 oct. 2023, n°
21-15.378,
JCP 2023 act 1237,
D. 2023 2298,
Proc. 2023 Fasc. 12 n° 315, RTDCiv. 2024 198 note P. Théry : La règle découlant de l'application combinée des art. L. 442-6, III (devenu
L. 442-4 III) et D. 442-3 (devenu
D. 442-2) du Code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité (devenu l'article L. 442-1), institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
Il en résulte que, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.
Cette décision constitue un revirement car la jurisprudence retenait auparavant une irrecevabilité, tirée d'un défaut de pouvoir juridictionnel, au lieu d'une incompétence.Votre texte ici
Depuis le 1er janvier 2019, 116 TGI spécialement désignés étaient compétents pour connaître du contentieux social. Les tribunaux judiciaires qui les ont remplacés leur ont donc succédé (tableau VIII-III annexe COJ) pour connaître aux termes de l'art. L. 211-16 du COJ :
- Des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale, défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, à l'exception de ceux mentionnés au 7° dudit article.
- Des litiges relevant de l'admission à l'aide sociale mentionnés à l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles et des litiges relatifs aux décisions mentionnées aux art. L. 861-5 et L. 863-3 du Code de la sécurité sociale.
- Des litiges relevant de l'application de l'article L. 4162-13 du Code du travail.
Comme vu dans la leçon 2, la formation de jugement est alors particulière puisque composée du président du tribunal judiciaire (ou d'un magistrat du siège désigné par lui pour le remplacer) et de deux assesseurs, représentant l'un les travailleurs salariés, et l'autre les employeurs et les travailleurs indépendants.
Rq.La loi du 23 mars 2019 prévoyait la création, au plus tard le 1
er janvier 2021, d'un tribunal judiciaire national unique et dématérialisé, devant être chargé de statuer sur :
- Les demandes d'injonction de payer, à l'exception de celles relevant de la compétence d'attribution du tribunal de commerce ;
- Les demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer.
Du fait du contexte sanitaire, l'entrée en vigueur de cette réforme avait, dans un premier temps, été reportée au 1
er septembre 2021. Puis, le gouvernement a présenté un amendement au projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire afin de supprimer cette « future » juridiction :
la loi n° 2021-1729 du 21 déc. 2021 a abrogé les dispositions concernées.
• En application de l’art. L 211-20 COJ, le décret n° 2021-286 du 16 mars 2021 a créé des pôles régionaux spécialisés en matière d'atteintes à l'environnement, et désigné un TJ spécialisé en matière environnementale dans le ressort de chaque CA.
Aux termes de l'article L. 211-9-3 du COJ, lorsqu'il existe plusieurs tribunaux judiciaires dans un même département, ils peuvent être spécialement désignés par décret pour connaître seuls, et donc de manière exclusive, dans l'ensemble de ce département :
- De certaines des matières civiles dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières.
- De certains délits et contraventions dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières.
A titre exceptionnel, ces dispositions peuvent concerner des tribunaux judiciaires situés dans deux départements différents lorsque leur proximité géographique et les spécificités territoriales le justifient.
Pour la mise en œuvre, le Premier président de la cour d'appel et le Procureur général près cette cour peuvent proposer la désignation de tribunaux de leur ressort après avis des chefs de juridiction et consultation des conseils de juridiction concernés. S'agissant de la désignation de tribunaux de leur ressort situés dans deux départements différents, ils doivent identifier les spécificités territoriales précitées.
La liste des contentieux de spécialisation possibles est dressée en matière civile au I de l'article R. 211-4 du COJ :
- Actions relatives aux droits d'enregistrement et assimilés.
- Actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les art. L. 145-1 à L. 145-60 du C. Com..
- Actions relatives à la cession ou au nantissement de créance professionnelle fondées sur les art. L. 313-23 à L. 313-29-2 du Code monétaire et financier.
- Actions relatives au billet à ordre fondées sur les art. L. 512-1 à L. 512-8 du Code de commerce.
- (abrogé)
- Actions fondées sur les dispositions du livre VI du Code de commerce et des actions fondées sur les dispositions du chapitre premier du titre V du livre III du Code rural et de la pêche maritime. Les tribunaux judiciaires spécialement désignés le sont conformément à l'art. L. 610-1 du C. Com..
- Litiges relevant de l'exécution d'un contrat de transport de marchandises.
- Actions en responsabilité médicale.
- Demandes en réparation des dommages causés par un véhicule aérien, maritime ou fluvial.
- Sauf stipulation contraire des parties, et sous réserve de la compétence du tribunal judiciaire de Paris ou de son président en matière d'arbitrage international ainsi que de la compétence de la cour d'appel ou de son premier président en matière de voies de recours, des demandes fondées sur le Livre IV du Code de procédure civile (arbitrage).
- Actions en paiement, en garantie et en responsabilité liées à une opération de construction immobilière.
- Actions en contestation des décisions des assemblées générales et celles relatives aux copropriétés en difficulté relevant de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Le D. n° 2021-1103 du 20 août 2021 a déterminé le siège, le ressort et les compétences matérielles des tribunaux judiciaires à compétence départementale (art. D. 211-4-1 et Annexe tableau IV-IV du COJ). Ses dispositions sont entrées en vigueur le 1er sept. 2021.
Récapitulatif : Le cadre global d'intervention et de compétence du tribunal judiciaire
Compétences d'attribution communes à tous les TJ
|
Compétence du président du TJ
|
Compétence de juges uniques
|
Existence de TJ spécialement désignés
|
Compétence générale :
- Compétence potentielle étendue en droit privé : lien avec la nature de juridiction de droit commun du TJ.
- Compétences générales communes, fixées par des dispositions législatives ou réglementaires :
- à charge d'appel,
- en dernier ressort,
- à charge d'appel ou dernier ressort selon le montant de la demande.
Compétences exclusives spéciales :
- Précisées par les textes (ex : actions immobilières, état des personnes , mariage, filiation, adoption, successions...).
- Constituent des questions préjudicielles pour les autres juridictions.
| Juridiction définitive au fond.
Juridiction provisoire :
- Ordonnance de référé : procédures contradictoires.
- Ordonnances sur requêtes : procédures unilatérales.
|
- Juge aux affaires familiales (JAF)
- Juge des contentieux de la protection (JCP)
- Juge de l'exécution (JEX)
- Juge de la mise en état (JME)
- Juge des enfants
- Juge de l'expropriation
- V. aussi art. R. 212-8 du COJ : contentieux dévolus à des juges uniques
|
-
Compétences spéciales dévolues à certains TJ :
- TJ de Paris
- TJ de Nantes
- TJ compétents dans des domaines spécifiques (ex.: art. L. 211-10 à L 211-16 du COJ).
-
Possibilité de spécialisation départementale de certains TJ :
- liste des contentieux potentiels fixée, en matière civile, par l'art. R. 211-4 du COJ.
|
Seront présentées successivement les compétences de la Cour puis celles du Premier président.
Les Cours d'appel sont les juridictions d'appel de droit commun.
Elles statuent sur :
- les appels interjetés contre les décisions de première instance rendues en premier ressort à charge d'appel ;
- les recours en annulation et appels formés contre les sentences arbitrales rendues sur leur ressort territorial.
En application du principe du double degré de juridiction, toutes les affaires et demandes doivent déjà avoir fait l'objet d'un examen en première instance. Le passage par le premier degré est en effet obligatoire, exception faite des demandes nouvelles autorisées en appel, des demandes de récusation et de renvoi, et des affaires ayant donné lieu à évocation lorsque celle-ci est permise.
Le litige doit avoir une valeur supérieure au taux de ressort sauf en cas de demande indéterminée (voir §2, infra : L'incidence de la valeur du litige) ou si l'appel est autorisé par un texte.
L'appel est parfois proscrit ou peut avoir fait l'objet d'une renonciation (art. 41 al. 2 du CPC).
Le recours est examiné en Chambre du Conseil pour l'appel des décisions émanant déjà d'une telle formation.
Désormais (L. 12 mai 2009), un magistrat délégué à la protection des majeurs, désigné par le Premier président, préside la formation de jugement qui statue en matière de protection juridique des majeurs sur les appels des décisions rendues par le juge des tutelles et le conseil de famille ou y exerce les fonctions de rapporteur.
Il existe aussi en appel des contentieux spécifiques : recours en matière d'élections aux Barreaux ou contre les décisions des conseils de l'Ordre...
- Seules dix Cours d'appel sont compétentes pour connaître des recours formés contre les décisions du directeur de l'INPI en matière de titres de propriété industrielle (art. D. 311-8 et Tableau annexe XVI du COJ). Elles sont également compétentes pour connaître des actions intentées par les tiers contre les décisions du directeur de l'INPI (art. L. 411-4 du CPI - Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2016, JCP G 2016 fasc. 46 n° 1202).
- 28 cours d'appel spécialement désignées ont vocation à connaître des décisions rendues par les tribunaux judiciaires spécialement désignés en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, visés par l'art. L. 211-16 du COJ (annexe Tableau VIII-III COJ). Le contentieux de la tarification de l'assurance et des accidents du travail AT-MP (litiges mentionnés au 4° de l'article L. 142-2 du CSS : accidents du travail - maladies professionnelles) a fait l'objet d'un régime transitoire spécifique mais tous les recours formés depuis le 1er janvier 2019 relèvent au plan national, de la cour d'appel d'Amiens (COJ, art. D. 311-12). La formation de jugement est composée d'un magistrat du siège et de deux assesseurs représentant l'un les travailleurs salariés, et l'autre les employeurs et les travailleurs indépendants.
Il faut enfin mentionner les compétences spéciales de la Cour d'appel de Paris, issues notamment des art. D. 311-9 à D. 311-11 du COJ). Elle a ainsi compétence exclusive pour juger en appel des des recours contre les décisions émanant de certaines autorités administratives ou publiques indépendantes. Elle connaît également des appels en matière de pratiques restrictives de concurrence et de rupture brutale des relations commerciales (art. L. 442-4 et D. 442-2 du C. com.).
Ex.
- Autorité de la concurrence, créée par la loi du 4/8/08, et remplaçant le Conseil de la Concurrence (L. Idot et C. Lemaire, L'avant-projet d'ordonnance portant création de l'autorité de la concurrence, JCP G 08 actu 441 ; Les prérogatives de l'Autorité ont été précisées par l'ord. n° 2008-1161 du 13 nov. 08).
- Autorité des Marchés Financiers.
- Fonds d'indemnisation des victimes du sida.
- Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes.
Tx.Jurisprudence.
Cass. com., 18 oct. 2023, n° 21-15378,
JCP 2023 act 1237,
D. 2023 2298,
Proc. 2023 Fasc. 12 n° 315, RTDCiv. 2024 198 note P. Théry : La règle découlant de l'application combinée des art. L. 442-6, III (devenu
L. 442-4 III) et D. 442-3 (devenu
D. 442-2) du Code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité (devenu l'article L. 442-1), institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
Il en résulte que, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.
Cette décision constitue un revirement car la Cour de cassation retenait auparavant une irrecevabilité, tirée d'un défaut de pouvoir juridictionnel, au lieu d'une incompétence., d'où un impact probable sur cette jurisprudence antérieure :
- Cass. com., 31 mars 2015, Proc. 2015, Fasc. 6 n° 184 obs. Y. strickler : il appartient au juge de relever la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'art. L. 442-6 du C. com. ;
- Cass. Com., 29 mars 2017, JCP G 2017, Fasc. 15 n° 412, Fasc. 18 n° 498 note M. Behar-Touchais, Proc. 2017, Fasc. 6 n° 121 note H. Croze : compétence d'une Cour d'appel non spécialisée pour relever d'office et sanctionner l'excès de pouvoir en cas d'appel d'un jugement rendu par un juge non spécialisé appliquant l'art. L. 442-6 du C. com. (arrêt de revirement). Ce revirement, limitant le pouvoir juridictionnel de la CA de Paris en matière de pratiques restrictives de concurrence, ne doit cependant pas s'appliquer à une instance en cours dès lors qu'il aboutirait à priver l'une des parties de son droit d'accès au juge (Cass. com., 21 mars 2018, JCP G 2018, Fasc. 19-20 n° 541 note P. Deumier).
Rq.Actualité.
La loi du 23 mars 2019 prévoyait l'expérimentation, pendant 3 ans et dans deux régions, de la spécialisation de Cours d’appel pour juger des recours dans certains contentieux civils, pour un territoire s'étendant aux ressorts des cours d'appel d'une même région, selon des critères de volume et de technicité. La liste des matières civiles concernées et les conditions de l'expérimentation ont été précisées par un décret n°
2019-1333 du 11 décembre 2019.
Un lien est sans doute à faire avec l'évolution récente des régions adminsitratives au plan territorial.
Df.Le Premier président de la Cour d'appel dispose de pouvoirs qu'il exerce
- d'une part en premier et dernier ressort,
- Juridiction en premier et dernier ressort :
-
Le Premier Président dispose tout d'abord d'un pouvoir de juridiction provisoire.
- Dans ce cadre, il peut rendre des ordonnances de référé (art. 956 du CPC), suspendre l'exécution des jugements improprement qualifiés en dernier ressort ou exercer ses pouvoirs en matière d'exécution provisoire (957 du CPC - Pour l'exécution provisoire, voir aussi art. 514 et s. du CPC).
- Il peut également, en cas d'appel et dans les limites de la compétence de la Cour, rendre des ordonnances sur requête (art. 958 du CPC).
-
Il dispose aussi d'un pouvoir de juridiction définitive.
A ce titre, il peut ordonner des autorisations d'appel immédiat en matière d'expertise (art. 272 du CPC) et de sursis à statuer (art. 380 du CPC) et prononcer des relevés de forclusion (art. 540 du CPC).
- Juridiction d'appel :
- Le Premier président est juge d'appel des décisions du tribunal judiciaire en matière de funérailles et des décisions du président du tribunal judiciaire en matière d'entrée et de séjour des étrangers.
- Il connaît de l''appel des ordonnances du juge des libertés et de la détention en cas de prolongation du maintien en zone d'attente et de la rétention, conformément au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- Il statue sur les recours formés contre les décisions des présidents des juridictions de première instance en matière de frais et émoluments, et de rémunération des techniciens.
- Il est également saisi, sur recours, contre des décisions du Bâtonnier en matière de contestation des honoraires d'avocats.
- En pratique les contentieux des frais du procès et de l'exécution provisoire constituent la majeure partie de ses décisions "formalisées".
A noter : le Premier Président de la Cour d'appel de Paris connaît des recours contre les décisions relatives à la protection du secret des affaires dans les cas et conditions prévus par le code de commerce (art. D. 311-13 du COJ).
Rq.Actualité 2020.
La loi du 23 mars 2019 prévoyait de conférer à titre expérimental à certains Premiers présidents, pendant 3 ans et dans deux régions, des fonctions d'animation et de coordination sur un territoire s'étendant aux ressorts des cours d'appel situées dans une même région admsintrative. L'objectif était d'améliorer l'accès au service public de la justice et d'en favoriser la qualité ainsi que d'assurer la cohérence de son action, notamment vis-à-vis des services et administrations de l'État et des collectivités territoriales.
Comme évoqué dans la leçon 2, les projets de réforme avaient un moment évoqué la création d'une juridiction départementale unique rassemblant plus largement tribunaux de commerce (1) et conseils de prud'hommes (2). Tel n'est pas encore le cas. En revanche, la suppression des tribunaux d'instance a eu des conséquences induites sur l'organisation des tribunaux paritaires des baux ruraux (3).
Nous évoquerons la compétence du tribunal (a), de son président (b) puis du juge spécialisé qu'est le juge-commissaire (c).
La loi J21, du 18 novembre 2016, a introduit diverses dispositions visant à renforcer l'impartialité des juridictions consulaires.
La compétence du tribunal de commerce est définie par les articles L. 721-3 et suivants du Code du Commerce. Ses décisions peuvent en principe être frappées d'appel au-delà d'un taux de ressort désormais fixé à 5 000 euros (art. R. 721-6, C. com.).
R. 721-6
En savoir plus : Le taux de ressort des tribunaux de commerce
Le
Décret n° 2002-1436 du 3 décembre 2002 a rétabli le taux de compétence en dernier ressort des tribunaux de commerce (art. 639 ancien C.Com), qui avait été abrogé par l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 portant codification de la partie législative du code de commerce. Ceci avait eu pour conséquence que toutes les affaires jugées par les tribunaux de commerce pouvaient, quel qu'en soit le montant, être frappées d'appel !
Aux termes de l'art. L. 721-3 du C. Com, les tribunaux de commerce connaissent :
-
Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux.
Rq.Une version antérieure visait les négociants, marchands et banquiers. Il peut s'agir de personnes physiques ou morales et les contestations doivent se rapporter à leur activité professionnelle. La nature commerciale d'un acte s'apprécie à la date à laquelle il a été passé, peu important que son auteur ait perdu depuis la qualité de commerçant (Cass. Com., 12 mars 2013, JCP G 2013 Fasc. 22 n° 610 note C. Lebel).
Depuis le 1er janvier 2022, la compétence des tribunaux de commerce est étendue aux litiges entre artisans ou entre ceux-ci et les autres protagonistes visés par l'art. L. 721-3 du C. Com. (B. Rolland, « Justice du XXIème siècle : extension de la compétence des tribunaux de commerce aux litiges des artisans », Proc. 2017 Fasc. 2, étude 14).
-
Des contestations relatives aux sociétés commerciales. Les dispositions antérieures attribuaient aussi au tribunal de commerce une compétence spéciale en matière de contestations entre associés d'une société commerciale. La jurisprudence n'y intégrait pas nécessairement les litiges en matière de cession de parts ou d'actions, sauf à ce qu'elles constituent des cessions de contrôle (JCP G 97 I 3989 n° 5). Relèvent désormais de la compétence commerciale tous les litiges nés à l'occasion d'une cession de titres, et tel est le cas d'un litige portant sur une clause de non-concurrence contenue dans la convention de cession (Cass. Com., 10/7/07, Proc. 07 n° 223, JCP 07 II 10198 note Legros, D. 08 518 note Thevenet-Montfrond). Au-delà, la compétence matérielle des tribunaux de commerce semble désormais s'étendre aux actes « en lien direct avec la gestion de la société » (Cass. Com., 27 oct. 2009, JCP G 09 Fasc. 47 n° 457, Fasc. 52 n° 590 note C. Lebel - Cass. com., 14 nov. 2018, JCP G 2018 Fasc. 49 n° 1277 : notion large de contestation relative aux sociétés commerciales - Cass. Com., 14 nov. 2018, JCP G 2019 Fasc. 3 n° 45 note C. Lebel).
En revanche et par dérogation, l'article L. 721-5 du C. Com. dispose que les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions en justice dans lesquelles l'une des parties est une société de profession libérale réglementée, constituée conformément à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, ainsi que des contestations survenant entre associés d'une telle société. S'agissant des litiges entre associés, il est toutefois possible de prévoir dans les statuts un recours à l'arbitrage.
-
Des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (sur la notion d'actes de commerce, voir art. L. 110-1 et L. 110-2 du C. com.). Il peut s'agir d'actes de commerce par nature (ex. : cautionnement de dettes commerciales entre toutes personnes), par accessoire ou par la forme (lettres de change, sociétés commerciales). En matière d'actes mixtes, le demandeur bénéficie d'une option de compétence et peut choisir entre la juridiction civile et la juridiction commerciale lorsque l'acte est commercial pour le défendeur.
- L'article L. 721-3 du C. Com. texte indique qu'au moment où elles contractent, les parties peuvent aussi décider de soumettre ces contestations à l'arbitrage au moyen de clauses compromissoires.
- L'article L. 721-4 du C. Com. précise les conditions de la compétence du tribunal de commerce en matière de billets à ordre.
- L'article L. 721-6 du C. Com. exclut la compétence des tribunaux de commerce pour les actions intentées contre un propriétaire cultivateur ou vigneron pour vente de denrées de son cru, et pour les actions intentées contre un commerçant pour paiement de denrées et marchandises achetées pour son usage particulier.
- Les juridictions consulaires possèdent enfin une compétence en matière de procédures collectives d'apurement du passif des débiteurs commerçants ou artisans. Cette compétence est exclusive et d'ordre public. La loi du 18 novembre 2016, dans le souci de renforcer l'impartialité des juridictions consulaires a édicté, à l'égard des juges consulaires ayant déjà connu du débiteur ou de l'affaire, et à peine de nullité du jugement, diverses impossibilités de siéger dans les formations de jugement ou de participer au délibéré (art. L. 662-7, C. com.).
Rq.Tribunaux de commerce spécialement désignés dotés de compétences spécifiques :
- Huit tribunaux de commerce sont spécialisés en matière de pratiques restrictives de concurrence (art. D 442-2 CCom et annexe 4-2-1 CCom).
- La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoyait de réserver à certains tribunaux de commerce la connaissance des affaires les plus importantes, notamment en matière de procédures collectives ou pour certains cas de compétence internationale. Cette spécialisation est effective depuis le 1er mars 2016 (art. L. 721-8, C. com.), le décret n° 2016-217 du 26 fév. 2016 ayant créé 18 tribunaux de commerce spécialisés et une chambre commerciale spécialisée du Tribunal judiciaire de Strasbourg pour les procédures collectives d'une certaine importance ou transfrontières (Tableaux annexes 7-1-1 et 7-1-2 du C. com.). Sont visés d'une part certains groupes de sociétés et, d'autre part, les entreprises dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et le chiffre d'affaires net supérieur à 20 millions d'euros et celles dont le chiffre d'affaires dépasse 40 millions d'euros (v. aussi circ. 27 juillet 2016, n° JUSB1619933C relative à la compétence particulière de certains tribunaux de commerce).
Actualité : faisant suite au rapport SAUVE, la loi n°
2023-1059 du 20 novembre 2023 prévoit la création pour 4 ans à titre expérimental de « tribunaux des activités économiques » dans neuf à douze tribunaux de commerce. Ceux-ci auront une compétence étendue pour traiter toutes les procédures amiables et collectives engagées par les acteurs économiques, sauf pour les professions du droit réglementées. Saisi d'une procédure collective le tribunal des activités économiques, connaîtra également de toutes les actions et contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure et présentant avec elle une connexité suffisante.
J. Jourdan-Marques, « Le tribunal des activités économiques : une chimère ? »,
D. 2024 735 - F. Kendérian, « Le transfert au tribunal des activités économiques du contentieux du bail commercial en lien avec les procédures collectives : une fausse bonne idée »,
D. 2024, p. 130.
Le président du tribunal de commerce est juge des référés mais ne peut connaître des difficultés d'exécution des décisions de sa juridiction qui ressortissent à la compétence du JEX.
Il rend des ordonnances sur requête et des ordonnances d'injonction de payer.
Ex.Le président peut accorder une provision même quand le juge du fond est saisi (Cass. Com., 11/5/93, JCP G 94 II 22275 Lévy), mais ne peut constater la résiliation d'un bail non encore prononcée par le juge du fond (Cass. Com., 5/3/98, Proc. 99 n° 35).
Ce juge unique spécialisé intervient dans le cadre des procédures collectives. Dans une logique d'impartialité, la loi du 18 nov. 2016 prévoit que si le président du tribunal a connu du débiteur dans le cadre de la procédure de prévention des difficultés des entreprises, il ne peut être désigné juge-commissaire.
L'appel des décisions du juge-commissaire est porté devant la formation collégiale du tribunal de commerce sauf en matière d'admission des créances, où le recours est formé devant la Cour d'appel.
Df.Cette juridiction connaît des litiges individuels entre employeurs et salariés ou entre salariés, liés au contrat de travail ou d'apprentissage, quelle que soit la nature de ce contrat.
Cela inclut les contrats des VRP statutaires et des travailleurs à domicile.
Le Conseil possède en outre une compétence spéciale en matière de cautionnement des salariés.
En revanche, il ne connaît pas des contrats de travail à salaire différé, ni des contrats de certains marins (il existe des juridictions spécialisées des prud'hommes pêcheurs), ni des journalistes (compétence d'une commission nationale spéciale).
Dans les cas où il est compétent, le Conseil de prud'hommes bénéficie d'une compétence exclusive. Ceci exclut toute prorogation de compétence du Tribunal judiciaire et le jeu de la règle selon laquelle le juge de l'action est juge de l'exception (voir infra leçon 7, section 2 §1.1). L'incompétence des autres juridictions est susceptible d'être relevée d'office en application de l'art. 76 du CPC.
A la différence des autres juridictions, le taux de ressort du Conseil de prud'hommes était resté fixé à 4 000 euros au 1er janvier 2020. Il a été porté à 5 000 euros par le D. n° 2020-1066 du 17 août 2020 pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2020.
Le jugement n'est pas susceptible d'appel lorsque la valeur totale des prétentions d'aucune des parties ne dépasse ce taux de ressort ou lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer, à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autres demandes (art. R. 1462-1, C. trav.).
Un Conseil peut comporter jusqu'à cinq sections : encadrement, industrie, agriculture, commerce et services commerciaux, activités diverses. Les périmètres et attributions des sections sont dorénavant déterminés à partir du champ d'application des conventions et accords collectifs fixés par un tableau réglementaire (art. R. 1423-4, C. trav.). Les problèmes de répartition des affaires entre sections sont réglés par le président (art. R. 1423-7, C. trav.), et il existe au sein de chaque section un bureau de conciliation et d'orientation et un bureau de jugement.
Le bureau de conciliation et d'orientation dispose de pouvoirs importants, accrus par le D. 2016-660 du 20 mai 2016 réformant la justice prud'homale et le traitement judiciaire du contentieux du travail. Aux termes des articles R. 1454-14 et R. 1454 -15 du C. trav., il peut ordonner la délivrance de certificats de travail, de provisions sur les salaires et leurs accessoires dans la limite de 6 mois calculés sur la moyenne des trois derniers mois, des mesures d'instruction ... Désormais il peut également prendre une décision valant "attestation Pôle emploi" pour suppléer la carence de l'employeur.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 avait prévu que le départage ne soit plus assuré par le juge d'instance, mais par un juge du TGI dans le ressort duquel était situé le siège du conseil de prud'hommes. Ce départage relève désormais d'un juge du tribunal judiciaire (art. L. 1454-2 du C. trav.).
Enfin, s'il existe bien une formation paritaire de référé, les demandes d'ordonnances sur requête doivent quant à elles, en l'absence de dispositions textuelles spécifiques, être formées devant le président du Tribunal judiciaire (Cass. Soc., 12/04/95, Bull. 134, RTD civ. 95 952).
A. Bugada, « Ce qu'il faut savoir sur la réforme du contentieux du travail avant l'été 2017 », Proc. 2017 Fasc. 7 n° 26.
Df.Le TPBR connaît des litiges entre propriétaires, bailleurs ruraux et fermiers, métayers, preneurs.
Son taux de ressort est désormais fixé à 5 000 euros (art. R. 491-1 du C. rural). Le président peut rendre des ordonnances sur requête et des ordonnances de référé.
Rq.Rappel : depuis le 1er janvier 2020, la présidence du TPBR est assurée, soit par un magistrat du siège du tribunal judiciaire, soit par un magistrat de la chambre de proximité, selon le lieu d'implantation de ce tribunal (voir leçon 2).
Rq.Intérêts pratiques de la détermination de la valeur du litige :
Avant le 1
er janvier 2020 existait un taux de compétence et une ventilation des affaires de nature civile personnelle ou mobilière entre le TGI et le TI selon que leur montant était soit inférieur ou égal, soit supérieur à
10 000 euros.
Si le taux de compétence n'existe plus stricto sensu, cette référence et cette valeur conservent des incidences, comme
l'un des critères de compétence des tribunaux de proximité (
Tableau annexe IV-II 1° COJ).
Devant le TJ, c'est aussi un critère de jugement à juge unique des actions patrimoniales en matière civile et commerciale, ainsi que des demandes indéterminées ayant pour origine l'exécution d'une obligation n'excédant pas ce montant (
art. R. 212-8 12° du COJ).
La valeur du litige présente également de l'utilité en matière de
taux de ressort, l'appel n'étant en principe pas ouvert en deçà de
5000 euros.
Elle impacte ensuite,
devant le tribunal judiciaire et le tribunal de commerce, l'obligation ou non de représentation par avocat (voir leçon 9 - C. Simon, « Identifier les cas de représentation obligatoire »,
Rev. Procédures 2021 Fasc. 1 n° 1). En effet, au sein du tribunal judiciaire, hormis le cas des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à
10 000 euros, ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros, les parties sont dispensées de constituer avocat et l'affaire relève en principe de la procédure orale (art.
761 et
817 du CPC). Il en est de même devant le juge de l'exécution pour les demandes ayant pour origine une créance ou tendant au paiement d'une somme inférieure ou égale à 10000 euros (art.
L. 121-4 et
R. 121-6 du CPCE). Une règle identique existe en matière de représentation obligatoire devant le tribunal de commerce (art.
853 du CPC). Les textes concernés prévoient que le montant de la demande est apprécié conformément au droit commun résultant des articles
35 à 37 du CPC, examinés ci-après.
Enfin, devant le tribunal judiciaire, la valeur de
5 000 euros détermine les cas dans lesquels :
- le recours préalable à un MARD est imposé avant de saisir la juridiction, à peine d'irrecevabilité de la demande ;
- il peut être recouru à la requête comme mode introductif d'instance.
L'évaluation d'un litige répond à des règles distinctes selon qu'est formulée une demande principale unique (A) ou qu'il y a pluralité de demandes (B).
L. Lauvergnat, Neutraliser les demandes exagérées : D. 2024 830 - M. Barba, Le principe dispositif au bûcher. À propos d'une récente proposition de neutralisation des demandes exagérées, D. 2024 924.
Df.Pour évaluer le montant d'un litige, il convient de prendre en considération la demande formulée, et non la condamnation.
L'évaluation est effectuée à partir des dernières conclusions :
-
Si la demande porte sur une somme d'argent déterminée, c'est elle qui fixe la compétence (Aix, 17 nov. 04, D. 05 2659 note De Lajartre : possibilité d'évaluation hors taxe par le demandeur).
L'appréciation se fait en principal, c'est-à-dire qu'elle inclut le capital, les fruits et intérêts dus au jour de la demande. En revanche les accessoires en sont exclus : intérêts échus depuis la demande, dépens, art. 700 du CPC.
Si la demande a pour objet une somme d'argent indéterminée, l'appel est toujours possible.
Une demande en justice non chiffrée n'est pas de ce seul fait irrecevable, dès lors que son montant est déterminable (Cass. Civ. 2ème, 8/03/06, Proc. 06 n° 95).
Pour les autres demandes indéterminées (ex. : demandes de nature extrapatrimoniale - Cass. com., 2 mai 2024, Proc. 2024 Fasc. 7 n° 175, obs. B. Rolland : demande de résolution d'un contrat) , l'appel est également possible, ce qui génère parfois des abus.
Lecture conseillée : S. Pierre-Maurice, « Les taux en procédure civile confrontés à la demande indéterminée », D. 2021 1479.
Ex.Le fait d'avoir à trancher une question de principe n'ouvre pas droit à l'appel si l'intérêt du litige est inférieur au taux du dernier ressort (Cass. Civ. 2ème, 4 juin 71, D. 71 som 18). En d'autres termes, réclamer 1 euro de D&I ne rend pas la demande indéterminée ! La solution est identique lorsqu'existent par ailleurs des demandes en paiement chiffrées inférieures au taux de ressort (Cass. Soc., 26 oct. 93, D. 93 IR 241).
Une demande n'est pas indéterminée, quel que soit son fondement, lorsqu'elle tend à l'allocation d'une somme d'argent dont le montant est précisé (Cass. Soc., 13/7/04, Proc. 04 n° 229).
L'exécution d'une obligation de faire (travaux) cesse de constituer une demande indéterminée lorsque son coût a été préalablement fixé par un expert désigné en référé : Cass. Civ. 2ème, 7 juin 07, Proc. 07 n° 242).
Cass. Civ. 2ème, 6/6/2013, D. 2013 : 1486 : toute demande tendant à la condamnation du défendeur à l'exécution d'une obligation de faire constitue en elle-même une demande indéterminée. Par suite, déclare à tort un appel irrecevable, une cour d'appel qui retient que, devant le tribunal, le demandeur ayant oralement évalué à 1 € le montant de l'obligation dont l'exécution était réclamée, dès lors que l'exécution de l'obligation sollicitée (la demande indéterminée) avait pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant était inférieur à 4 000 €, le tribunal avait à juste titre qualifié sa décision de rendue en dernier ressort.
Il convient de distinguer selon qu'il s'agit de demandes initiales (1) ou incidentes (2).
- Si plusieurs demandes sont émises par un même demandeur contre un même défendeur :
- si leur cause est unique ou connexe, il convient de les additionner (art. 35 du CPC ; Cass. Com., 27 nov. 07, Proc. 08 n° 39).
- à défaut, chacune doit faire l'objet d'une évaluation isolée pour déterminer à chaque fois la compétence et le taux de ressort.
Rq.Rappel : en matière prud'homale, le jugement n'est pas susceptible d'appel lorsque la valeur totale des prétentions d'aucune des parties ne dépasse le taux de ressort (article
R. 1462-1 du C. trav.).
Ex.Cass. Soc., 19/03/2015, Proc. 2015 Fasc. 6 n° 197 obs. A. Bugada : lorsqu'un demandeur émet une prétention principale et une autre à titre subsidiaire, le jugement est susceptible d'appel dès lors que l'une d'elles relève des demandes examinées en premier ressort.
- Si plusieurs parties forment des demandes les unes contre les autres :
- si les demandes se fondent sur un titre commun, le régime est fonction, pour l'ensemble du litige, de la demande la plus élevée (art. 36 du CPC). Il a été jugé que la règle s'appliquait en cas d'obligation solidaire mais non à l'égard des victimes d'un quasi-délit (Cass. Civ 2ème, 29/4/97, Proc. 97 n° 177).
- à défaut, la Cour de cassation applique l'article 35 du CPC et considère chaque prétention isolément.
Rq.Rappel : En matière prud'homale, application de l'art.
R. 1462-1 du C. trav. (voir
supra).
Df.Il peut s'agir de demandes émanant du défendeur ou de tiers, qui s'ajoutent à la demande initiale : demandes reconventionnelles ou en intervention (:voir leçon 8).
Ces demandes peuvent avoir une incidence sur la compétence et sur le taux de ressort.
- La compétence.
Elle est déterminée par la demande principale, l'art. 37 du CPC, précisant que quand la compétence dépend du montant de la demande, la juridiction connaît de toutes interventions et demandes reconventionnelles et en compensation inférieures au taux de sa compétence, alors même que, réunies aux prétentions du demandeur, elles l'excéderaient. L'art. 38 du CPC dispose toutefois que lorsqu'une demande incidente est supérieure au taux de sa compétence, et si une partie soulève l'incompétence, le juge a le choix entre statuer uniquement sur la demande initiale ou renvoyer les parties à se pourvoir pour le tout devant la juridiction compétente pour connaître de la demande incidente. En revanche, si cette demande incidente est une demande reconventionnelle en D&I exclusivement fondée sur la demande initiale, il est autorisé à en connaître.
Jusqu'au 31 décembre 2019, ces dispositions trouvaient matière à s'appliquer dans le cadre du taux de compétence qui existait en matière civile personnelle et mobilière entre le TI et le TGI. L'article 761 du CPC dispose à présent que lorsqu'une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite devant le tribunal judiciaire, ou de rendre obligatoire la représentation par avocat, le juge peut, d'office ou si une partie en fait état, renvoyer l'affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et il invite les parties à constituer avocat.
- Le taux de ressort.
Lorsque la demande initiale est inférieure au taux de ressort la possibilité de recours est conditionnée par la valeur des demandes incidentes. Si l'une d'elles est supérieure au taux de ressort, le juge statuera à charge d'appel sur l'ensemble des demandes, y compris sur celles inférieures au taux de ressort. Si aucune n'est supérieure au taux de dernier ressort, le jugement sera insusceptible d'appel (art. 39 al. 1 du CPC).
La décision sera toutefois rendue en dernier ressort si la seule demande excédant le taux de ressort est une demande reconventionnelle en D&I se fondant exclusivement sur la demande initiale (art. 39 al. 2, CPC).
Ici est en cause le choix d'un élément de rattachement géographique du litige à une juridiction. Il existe des règles de compétence communes à toutes les juridictions et des règles particulières à certaines juridictions ou à certains litiges.
Notre droit connaît un principe de compétence (A), auquel s'ajoute parfois une option de compétence (C). Dans d’autres cas, le principe est au contraire écarté (B).
Df.Le principe « actor sequitur forum rei » signifie qu'est compétent le tribunal du lieu où demeure le défendeur.
Le fondement de cette règle, posée par l'article 42 du CPC, est une faveur faite à la défense. En effet, on ne sait pas si l'action du demandeur est justifiée et on présume que le défendeur sera plus à l'aise pour se défendre « à domicile ».
Nous envisagerons l'application du principe selon que le demandeur est une personne physique ou morale.
Df.En principe, la juridiction compétente est celle du domicile du défendeur, entendu comme celui de son principal établissement, au sens de
l'art. 102 du C. civ..
Si ce lieu n'est pas connu, il est permis de retenir le lieu de résidence du défendeur.
En cas d'absence de domicile ou de résidence connus, le demandeur peut choisir son propre domicile ou la juridiction de son choix s'il demeure à l'étranger.
Enfin, le choix est également laissé au demandeur lorsqu'il y a pluralité de défendeurs, à condition qu'existe un lien de connexité entre les demandes formées à leur encontre.
La juridiction compétente est celle du lieu d'établissement de la personne morale, soit en principe le lieu du siège social réel. Celui-ci est défini comme le lieu de situation des organes de décision.
Dans certains cas la loi a prévu un critère de compétence distinct du lieu où demeure le défendeur, et qui s'impose de manière absolue :
Actions réelles immobilières | La juridiction compétente est celle du lieu de situation de l'immeuble (art. 44 du CPC). Sur la classification des actions en justice et la notion d'action réelle immobilière voir leçon 8. |
Actions en matière de successions | Elles relèvent de la compétence de la juridiction du lieu d'ouverture de la succession, en l'occurrence du lieu du dernier domicile du défunt (art. 45 du CPC). La règle joue pour les demandes entre héritiers, les demandes formées par les créanciers du défunt en cas de pluralité d'héritiers, et les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort. Cette compétence ne s'applique toutefois que jusqu'au partage (inclus). |
Demandes en intervention forcée | Elles subissent l'attraction du litige principal sans possibilité pour le tiers de contester la compétence, même en invoquant une clause attributive de compétence (article 333 du CPC).
L'article 333 du CPC ne s'applique cependant pas en cas d'incompétence d'attribution, de clause compromissoire, ni aux litiges internationaux (à condition qu'existe bien une clause attributive de compétence d'attribution ou une clause compromissoire : Cass. Civ. 1ère, 06/01/04, Proc. 04 n° 74 et Cass. Civ 1ère, 12/05/04, Proc. 04 n° 146 et 263, RTD civ. 04 553). |
Contentieux des assurances | Il relève de la compétence exclusive du tribunal du domicile de l'assuré lorsque les litiges sont relatifs à la fixation et au règlement des indemnités. Selon la Cour de cassation, la règle joue dans les relations assureur-assuré et ne s'impose pas à la victime exerçant l'action directe (Cass. Civ 1ère, 14 déc. 1983, Bull. I, n° 296). La règle ne s'applique pas non plus en matière d'assurances incendie et accident, où l'assuré demandeur peut saisir la juridiction du lieu du fait dommageable. |
Demandes relatives aux frais de justice, émoluments et débours formées contre des auxiliaires de justice et officiers publics ou ministériels. | Elles sont portées devant la juridiction qui a statué dans l'instance en cause (article 52 du CPC). Si les frais concernés ne sont pas afférents à une instance, la juridiction compétente est le tribunal judiciaire dans le ressort duquel l'officier public ou ministériel ou l'auxiliaire de justice exerce ses fonctions. Ce texte ne régit pas les contestations d'honoraires, ni les actions en responsabilité. |
Exécution forcée | Le tribunal compétent est celui du lieu de la saisie |
Défendeur domicilié à l'étranger | Le demandeur français peut choisir la juridiction du lieu de son domicile sauf si une convention internationale s'applique à la cause, notamment dans le cadre européen. |
Procédures collectives | Le tribunal compétent est celui du lieu du siège de l'entreprise ou du principal établissement du débiteur. Voir aussi les hypothèses visées par l'art. L. 721-8 du C. Com., relatif à la spécialisation de certains tribunaux de commerce.. |
Rq.X. Labbée, « Le privilège de juridiction du procureur de Nantes en matière de nullité de mariage d'un français célébré à l'étranger » (note critique sur cette pratique, validée par le TGI de Nantes dans un jugement du 11 déc 08) : JCP 09 actu n°19.
Pour certaines catégories de litiges, des options supplémentaires, s'ajoutant à la compétence de la juridiction du lieu où demeure le défendeur, sont offertes au demandeur :
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Matière contractuelle.
L'assignation est également possible devant la juridiction du lieu de livraison effective de la chose, entendu comme le lieu où la chose a été ou devait être livrée, ou devant la juridiction du lieu d'exécution de la prestation de services.
En fait, il existe un lien avec la prestation caractéristique du contrat. L'article 46 du CPC s'applique à tous les contrats quelle qu'en soit la nature, à l'exclusion des contrats d'assurance et de travail. Il a été jugé que le versement d'une somme d'argent ne constituait pas une prestation de services ou la livraison d'une chose.
Ex.Cass. Com., 21 mars 89, Bull. n° 95 : cautionnement - Cass. Com., 19/7/88, Bull. 257 : application de l'art. 46 du CPC au contrat de concession - Cass. Civ. 1ère, 16/3/99, Proc. 99 n° 118 : prix d'une vente - Cass. Com., 9/3/99, Proc. 99 n° 122 : matière bancaire - Cass. civ. 2ème, 1/7/99, Proc. 99 n° 248, D. 00 659 : application à la demande d'annulation d'un contrat =) application générale en matière contractuelle - Cass. Civ. 1ère, 28/3/00, JCP G 00 II 10296, F 35 actualité : le prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel.
Inapplication de l'art. 46 du CPC aux quasi-contrats (Cass. Civ. 2ème, 7/6/06, Proc. 06 n° 175, note R. Perrot, RTD civ. 07 174, Théry : loteries) ou à un litige relatif à la réalisation d'une promesse de vente immobilière (Cass. Civ. 2ème, 27 juin 2019, RTD civ. 2020 456, obs. N. Cayrol.
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Délits et quasi-délits.Le demandeur bénéficie dans ce cas d'au moins trois possibilités car outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, l'assignation peut aussi être portée devant :
- la juridiction du lieu du fait dommageable ( juridiction du lieu du fait générateur du dommage, soit celle du lieu où la faute a été commise) ;
- la juridiction du lieu où le dommage a été subi (juridiction dans le ressort de laquelle le dommage est survenu). La jurisprudence retient parfois une conception extensive de cette dernière localisation (Cass. Civ. 2ème, 25 oct. 95, Bull. 255). L'intérêt de cette règle apparaît évident pour certaines affaires : litiges en matière de pollution, diffamation par voie de presse et, plus récemment, infractions aux droits de la personnalité ou de la propriété intellectuelle résultant d'une diffusion sur internet. Dans ce dernier cas, on considère alors que le fait dommageable se produit en tous les lieux où les informations ou images litigieuses ont été mises à disposition des utilisateurs éventuels du site internet (Paris, 6 nov. 02, D. 03 som. com. 1538, obs. Caron).
Ex.Cass. Com., 07/07/09, Proc. 09 n° 301, obs. R. Perrot : demande en annulation de marques diffusées par internet - Cass. com., 07/07/09, Proc. 09 n° 349, obs. R. Perrot : possibilité de combiner les articles 46 et 42 du CPC en cas de pluralité de défendeurs.
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Droit des sociétés
En ce domaine s'applique la jurisprudence dite "des gares principales", qui offre la possibilité d'assigner devant toute juridiction du lieu où l'entreprise possède un établissement secondaire.
La règle est une commodité offerte, notamment aux consommateurs en litige avec de grandes entreprises, telles la SNCF dont le siège social est lointain, situé à Paris ou à l'étranger.
Est considéré comme une succursale tout établissement disposant d'une relative autonomie. A néanmoins été soulevée la question de savoir s'il fallait que la demande soit ou non en relation avec l'activité de cette succursale.
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Aliments et contribution aux charges du mariage. Si le demandeur est le créancier d'aliments, il peut choisir la juridiction du lieu de son domicile : il y a transposition de la règle selon laquelle les dettes d'aliments sont portables et non quérables.
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Election de domicile.
Il y a élection de domicile lorsque dans un contrat les parties choisissent un lieu dont elles conviennent qu'elles y seront supposées domiciliées (domicile élu) pour toute difficulté susceptible de survenir à l'occasion de l'exécution du contrat (ex: chez un notaire, un avocat...). Lorsque les difficultés sont portées sur le terrain judiciaire, le choix de la juridiction du domicile élu n'est possible que si l'on se trouve dans un cas où la dérogation aux règles de compétence territoriale est autorisée. En pratique, la possibilité n'existe qu'entre commerçants (voir la leçon 7, infra, section 2) ou si l'élection de domicile était obligatoire (ex : hypothèque).
Quand l'élection de domicile est valable, ses conditions de mise en oeuvre varient : si l'élection était faite dans l'intérêt du demandeur, celui-ci a le choix de la juridiction. Si elle était faite dans l'intérêt du défendeur, il y a obligation de l'assigner devant la juridiction du domicile élu.
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Ordonnances de référé.
Le juge compétent est le président de la juridiction compétente pour trancher le fond.
Selon la jurisprudence, en cas de référé d'heure à heure, il est aussi possible de saisir la juridiction du lieu où devront être exécutées les mesures (Cass. Civ. 2ème, 10/7/91, JCP G 91 IV 352).
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Ordonnances sur requête.
La demande relève de la compétence territoriale du président de la juridiction qui serait compétente pour connaître de l’éventuelle instance au fond ou de la juridiction du lieu où l’une au moins des mesures sollicitées devra être exécutée (Cass. civ. 2ème, 30/4/09, D. 09 232, Proc. 09 n° 224, assouplissant la définition de Cass. Civ. 2ème, 18 nov. 92, Bull. civ. N° 266, D. 93 91, note Chartier, obs. Cadiet JCP G 93 I 3678 n° 10, RTD civ. 93 649, note Perrot).
Ex.Jurispudence convergente en matière de mesures d'instruction préventives (art.
145 du CPC) : Cass. Civ. 2
ème, 15 oct. 2015 (art. 145 du CPC),
JCP G 2015 Fasc. 46 n° 1231 et F. 48 n° 1279 note L. Lauvergnat : compétence du président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées) - Cass. Civ. 2
ème, 16 fév. 2016,
JCP G 2016 Fasc. 14 n° 414§ 4: suffisance d'une des mesures exécutable dans le ressort (art. 145) et inopposabilité d'une clause attributive de compétence territoriale.
Ces règles peuvent concerner certaines juridictions ou certaines matières, voire se combiner lorsque le COJ fait référence à des juridictions spécialement désignées pour connaître de certains contentieux.
Comme indiqué ci-dessus, il convient en effet de rappeler la spécialisation de certains tribunaux judiciaires, tribunaux de commerce et Cours d'appel, évoquée en sous-section 1. Ceci implique une habilitation des seules juridictions concernées sur un ressort plus étendu que leur ressort de droit commun, voire un ressort national. En l'espèce, la compétence d'attribution impacte ou détermine, en quelque sorte, la compétence territoriale. Les développements ci-dessous ne sont pas exhaustifs.
Désormais, de manière générale, la détermination de la compétence territoriale d'un tribunal judiciaire implique tout d'abord d'envisager les règles de compétence matérielle applicables, au regard tant de son siège, que de celui de ses éventuelles chambres de proximité. S'y ajoutent parfois des règles particulières propres à certains contentieux.
Selon les matières concernées, ces règles peuvent avoir diverses origines textuelles.
Ex.Exemples issus du Code de l'organisation judiciaire :
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Propriété industrielle et intellectuelle (voir supra sous-section 1).
Le contentieux des brevets relève de la compétence du Tribunal judiciaire de Paris (art. D. 211-6, COJ).
La compétence est réservée à certains Tribunaux judiciaires seulement en matière d'obtentions végétales (tableau V annexe COJ). Des règles identiques existent en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques.
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Articles R. 211-11 à R. 211-18 du COJ : rentes viagères, funérailles, actions en bornage, dommages aux cultures et récoltes, actions relatives aux distances des plantations, à l'établissement et à l'exercice des servitudes, antennes réceptrices de radiodiffusion, contrat de travail des marins, ventes d'animaux domestiques, vente d'engrais et semences, délivrances des certificats de nationalité....
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Le COJ contient également des dispositions particulières intéressant la compétence territoriale des JCP. Il convient toujours de se référer à la compétence matérielle du JCP avant d'envisager la question de sa compétence territoriale, dans la mesure où il exerce ses fonctions, soit dans le ressort des tribunaux judiciaires, soit dans celui de la chambre de proximité dont il relève (art. R. 213-9-5 du COJ).
Les règles spéciales de compétence intéressant les juges des contentieux de la protection sont déterminées par le COJ, le CPC, le Code de la consommation, ainsi que par les autres lois et règlements. En matière d'expulsion des personnes occupant aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre et d'actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, le juge des contentieux de la protection territorialement compétent est celui du lieu où sont situés les biens (art. R. 213-9-7 du COJ).
En matière d'actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement, le JCP territorialement compétent est celui du lieu où est situé le domicile du débiteur (art. R. 213-9-8 du COJ).
En matière de traitement des situations de surendettement des particuliers et procédures de rétablissement personnel, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires et des chambres de proximité dont les juges des contentieux de la protection sont seuls compétents, dans le ressort de certains tribunaux judiciaires est fixé par décret (art. R. 213-9-6 et tableau IX-I annexe du COJ).
Exemples issus du Code de procédure civile :
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Procédures en matière familiale relevant de la compétence du JAF : des chefs de compétence complexes sont prévus en la matière par l'article 1070 du CPC.
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Autres litiges en matière de droit des personnes et de la famille : des dispositions spéciales existent par exemple en matière de nationalité (art. 1039, CPC), d'actes de l'état civil (art. 1048, CPC), de changement de prénom, en cas de contestation de la demande par le Procureur de la République : art. 1055-2, CPC), d'adoption (art. 1166, CPC), de déclaration d'exercice d'autorité parentale conjointe (art. 1180-1, CPC) et d'assistance éducative (art. 1181, CPC).
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Action de groupe : l'art. 849 du CPC, relatif à l'action de groupe, issu du décret du 11 décembre 2019 prévoit que le tribunal judiciaire territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur et que le Tribunal judiciaire de Paris est compétent lorsque le défendeur demeure à l'étranger ou n'a ni domicile ni résidence connus.
125 chambres de proximité ont été créées. Leur siège et leur ressort sont fixés conformément au tableau IV annexé au COJ (art. D. 212-19 du COJ) ; ceux des chambres de proximité appelées à recevoir et à enregistrer les déclarations de nationalité française et à délivrer les certificats de nationalité française conformément au tableau IX annexé au COJ.
Aux termes de l'art. R. 212-19-3 du COJ, les chambres de proximité connaissent seules, dans leur ressort des compétences qui leur sont attribuées par décret ou en application du dernier alinéa de l'art. L. 212-8 du COJ. Elles possèdent donc une compétence exclusive s'agissant des compétences matérielles qui leur ont été attribuées par le décret n° 2019-914 du 30 août 2019 et figurant aux tableaux IV-II et IV-III annexés au COJ (voir supra section 1§1A1c7).
Des compétences matérielles supplémentaires peuvent leur être conférées par décision conjointe du premier président de la Cour d'appel et du procureur général, prise en application de l'art. L. 212-8 al. 2 du COJ après avis des chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction concernés (art. R. 212-19-3 et art. D. 212-19-2 du COJ).
Il faut enfin mentionner qu'en fonction des nécessités locales, une chambre de proximité du tribunal judiciaire peut tenir des audiences foraines dans des communes de son ressort autres que celle où est situé son siège. Le Premier président de la Cour d'appel, après avis du procureur général près cette cour, fixe par ordonnance, le lieu, le jour et la nature de ces audiences (art. R. 212-21 du COJ).
Df.La compétence est fonction du ressort territorial de la CA.
Nous avons vu par ailleurs (section 1) que la Cour d'appel de Paris possédait des compétences particulières : recours contre les décisions de l'Autorité de la concurrence, de l'Autorité des Marchés Financiers...
Ex.Litiges de consommation : la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 prévoit qu'en matière de litiges de consommation le consommateur peut saisir à son choix, outre l'une des juridictions compétentes en vertu du Code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable (art.
R. 631-3, C. Conso. - L. Raschel, obs.
Proc. 09 n° 230).
Df.La notion de compétence internationale met en cause des litiges comportant un élément d'extranéité : c'est l'hypothèse où l'un des éléments constitutifs du rapport de droit se trouve localisé à l'étranger.
Il convient de distinguer
les conflits de lois, qui concernent la détermination de la loi applicable au fond
des conflits de juridictions qui sont relatifs à la détermination du tribunal compétent pour trancher le litige. La résolution de ces questions est fonction des règles de
droit international privé du pays dont les juridictions sont saisies.
Nous ne nous intéresserons ici qu'à la seule détermination de la compétence générale des juridictions françaises. En effet une fois celle-ci établie, la compétence spéciale, c'est-à-dire la détermination de la juridiction effectivement compétente
ratione materiae et
ratione loci est fonction des règles internes de compétence, voire, à défaut, fonction des exigences d'une bonne administration de la justice.Il convient d'envisager le droit commun puis le droit conventionnel de la compétence internationale.
Elles sont issues d'une transposition sur la scène internationale des règles de compétence territoriale internes (1). Ce principe d'extension à l'ordre international connaît cependant quelques exceptions (2), auxquelles s'ajoutent des règles de compétence purement internationale, sans correspondance en droit interne (3).
Le principe a été affirmé par les arrêts Pelassa (Cass. Civ. 1ère, 19 oct. 59, D. 60 37) et Scheffel (Cass. Civ. 1ère, 30 oct. 62 D. 63 109) aux termes desquels « l'extranéité des parties n'est pas une cause d'incompétence des tribunaux français, dont la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne ».
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Extension de la règle de la compétence du for du défendeur :
Il y a extension des dispositions de l'article 42 du CPC.
La doctrine, dans sa majorité, est cependant d'accord pour refuser l'extension à l'ordre international du troisième alinéa de l'article 42 CPC, c'est-à-dire de retenir la compétence du tribunal choisi par le demandeur demeurant à l'étranger, si le défendeur n'a pas de domicile ou de résidence connus. La solution contraire conduirait à reconnaître compétence internationale aux tribunaux français pour connaître d'une action en recherche de paternité naturelle intentée par un enfant japonais résidant au Japon !
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Extension des règles dérogatoires de compétence :
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Le principe vaut pour les règles "générales" de compétence.
Cela concerne les règles ouvrant une option de compétence, par exemple l'article 46 du CPC en cas de réalisation en France d'un des critères visés, ou bien les règles écartant la compétence du tribunal du domicile du défendeur au profit d'une autre juridiction (art. 44 du CPC).
CA de Paris, pôle 1, 2ème ch., 2 déc. 2009, eBay Europe, France et Inc. c/ Maceo, JCP G 2010 Fasc. 8 , n° 216, note C. Chabert : en matière de diffusion internet, dès l'instant où un site est accessible sur le territoire français, le préjudice allégué, ni virtuel, ni éventuel, subi sur ce territoire, peut être apprécié par le juge français, sans qu'il soit utile de rechercher s'il existe ou non un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits allégués et le territoire français. Dans le même sens : Cass. Civ. 1ère, 18 oct. 2017, JCP G 2017 Fasc. 51 Doctr. 1355 § 11 obs. E. Jeuland : jeu de l'art. 46 du CPC et critère d'accessibilité du site internet.
-
Il vaut aussi pour les règles spéciales de compétence.
- En matière de successions immobilières.
Les tribunaux français ne sont compétents que si l'immeuble successoral est situé en France.
Il n'y donc pas compétence des tribunaux français du lieu d'ouverture de la succession, c'est-à-dire des tribunaux du lieu du domicile du défunt.
- En matière de voies d'exécution.
La compétence est celle des tribunaux du lieu de réalisation de la saisie ou de situation de biens susceptibles d'être concernés.
Il s'agit de cas dans lesquels les juridictions françaises se considèrent comme étant nécessairement compétentes :
- En cas de risque de déni de justice.
Ex.Solution jugée applicable à l'arbitrage international : Cass. Civ. 1ère, 01/02/05, JCP G 05 II 10101, D. 05 2727) et à l'immunité de juridiction (Cass. Soc., 25/01/05, JCP G 05 II 10185).
Paris, 10 sept. 2015 (arrêts COMILOG) : compétence en cas de déni de justice dans les litiges internationaux du travail, D. 2016 1175.
- En cas d'urgence : cela vise notamment les mesures provisoires ou conservatoires.
Il s'agit des articles 14 et 15 du C. civ. qui présentent le caractère d'un privilège de juridiction, discriminatoire, au profit des français (Cass. Civ. 1ère, 30/3/04, JCP G 04 II 10097 : conformité de l'art. 15 du C. civ. aux exigences du procès équitable).
Dans un premier temps, leur application a été étendue à tous les rapports de droit, avant une limitation de leur portée.
Quant aux personnes : La nationalité (française) s'apprécie lors de l'introduction de l'instance, sans qu'un changement ultérieur ait d'incidence. Les textes visent les personnes physiques ou morales parties ou représentées à une instance.
La mise en œuvre de ces textes peut être, soit limitée en raison du jeu de conventions internationales (art. 3 du Règlement communautaire (RCE) du 22 déc. 2000), soit étendue à des étrangers, qu’ils soient domiciliés en France (art. 4 du RCE du 22 déc. 2000) ou pas (art. 7 du RCE du 27 novembre 2003, dit Bruxelles II bis, prévoyant que lorsqu’aucune juridiction d’un Etat membre n’est compétente en vertu des articles 3, 4 et 5 du RCE, la compétence est, dans chaque Etat, réglée par la loi de cet Etat : Cass. Civ. 1ère, 30/9/09, JCP G 09 Fasc. 43 n° 346 et Fasc. 48 n° 480 note M. Attal, Proc. 09 n° 401 obs. C. Nourrissat).
Quant aux litiges : Ne visant au début que les obligations contractuelles, les articles 14 et 15 du C. Civ. ont été étendus tout d'abord aux obligations extra-contractuelles, puis aux droits patrimoniaux et enfin aux droits extra-patrimoniaux. Le principe est qu'ils s'appliquent désormais de manière générale y compris en matière gracieuse.
En sont toutefois exclues les actions réelles immobilières, les demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger et les demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France, en relation avec la souveraineté des Etats étrangers (Cass. Civ. 1ère, 27 mai 1970, Rev. crit. DIP 1971, 113).
Ces règles ont un caractère facultatif : Le bénéficiaire peut y renoncer. La renonciation peut être expresse ou tacite à condition que la preuve puisse en être rapportée. Elle peut être directe ou indirecte, l'essentiel étant qu'il n'y ait aucune équivoque (Cass. Civ. 1ère, 31/01/06, JCP G 06 II 10114 - Cass. Civ. 1ère, 01/07/09, JCP G 09 n° 29-30, 123 obs. E. Cornut et F 43 n° 369 §7 obs. L. Cadiet : l’arrêt pose en obstacle à la compétence du juge français la saisine préalable du tribunal étranger). Elles ne sont pas d'ordre public mais le juge a la faculté de les soulever d'office (Cass. Civ. 1ère, 21/05/85, Rev. Crit. DIP 87 584).
Ces règles ont un caractère subsidiaire : La Cour de cassation considère que ces textes ne donnent lieu à application qu'à défaut du jeu des règles ordinaires de compétence, si aucun critère n'est réalisé en France (Cass. Civ. 1ère, 19 nov. 85, D. 1986 362, note Prévault, JCP G 87 II 20810, note Courbe).
En 2006, la Cour de cassation a précisé que « l'art. 15 C. civ. ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence indirecte d'un tribunal étranger, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l'Etat dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction n'est pas frauduleux... » (Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2006, JCP G 06 II 10134 note Caillé, D. 06 1846 note Audit).
Dans le prolongement de cette décision, elle a ensuite décidé que « l'article 14 n'ouvre au demandeur français qu'une simple faculté et n'édicte pas à son profit une compétence impérative exclusive de la compétence indirecte d'un tribunal étranger déjà saisi et dont le choix n'est pas frauduleux » (Cass. Civ. 1ère, 22 mai 07, JCP G 07 actu n° 258 obs. Chabert - « Audit, Vers la consécration du caractère facultatif du for de la nationalité française du demandeur ? », D. 07 chr. 2548).
Ces conditions étant remplies, sur le terrain de la reconnaissance ultérieure des décisions, elle en déduit que, même si la juridiction française avait été la première saisie, les jugements prononcés par le juge étranger doivent être reconnus en France, les demandes formées par l'autre époux en France étant en conséquence irrecevables (Cass. Civ. 1ère, 16 déc. 2009, JCP G 2010 Fasc. 8, n° 217, note A. Devers).
L'étude portera sur, entré en vigueur le 1er mars 2002 et remplaçant la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Le Conseil de l’UE a adopté le 6 décembre 2012 la refonte de ce règlement, et pris des dispositions qui faciliteront et accélèreront la circulation des décisions en matière civile et commerciale (JCP G 2012 Fasc. 51 n° 1365).
Ce règlement constitue une "convention double":
- D'une part, est instauré un système complet de compétence internationale directe s'imposant aux membres de l'Union Européenne contractants et excluant les règles de compétence interne (art. 3 du RCE du 22 décembre 2000). Ce système a vocation à unifier les règles de compétence.
- D'autre part, s'agissant de l'effet international des jugements, le Règlement assure leur libre circulation en simplifiant la procédure d'exequatur (il n'y a pas de contrôle de compétence des juridictions ayant rendu la décision). Enfin, une harmonisation globale résulte de leur interprétation uniforme par la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) : le renvoi est obligatoire pour la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, il est facultatif pour les autres juridictions.
Rq.La Convention de Lugano du 16 sept 1988, entrée en vigueur en France le 1er janvier 1992, étendait les dispositions de la Convention de Bruxelles aux pays de l'AELE. Sa portée a été limitée, fin 1996, du fait de l'adhésion à la Convention de Bruxelles, de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède. Une nouvelle version de cette convention a été signée le 30 octobre 2007 entre la Communauté européenne et plusieurs états de l'Association Européenne de Libre Echange, notamment pour tenir compte de l'élargissement de l'Union Européenne.
Le domaine d'application du règlement est la matière civile et commerciale.
En sont exclues les matières fiscales, douanières et administratives, l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et successions, les faillites, la sécurité sociale et l'arbitrage. Le droit du travail y est en revanche intégré (CJCE, 13 nov. 79, D. 80 543, note Mestre).
Rq.La compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, sont régies par le RCE n° 2201/2003 du 27 nov. 2003, applicable depuis le 1er mars 2005.
Ex.
- L'adoption, par une juridiction d'un Etat membre, d'une injonction visant à interdire à une personne d'engager ou de poursuivre une procédure devant les juridictions d'un autre Etat membre (injonction anti-suit), au motif qu'une telle procédure serait contraire à une convention d'arbitrage, est incompatible avec le règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (CJCE, 10 fév. 2009, aff. C-185/07, RTD civ. 09 p. 357 n° 1 obs. P. Théry, C., Kessejian, D. 09 981, P. Callé, JCP G 09 n° 37, 227, Nourrissat et Fasc. 47 n° 462§4 obs. J. Béguin, Proc. 09 n° 114).
-
Contra mais hors cadre communautaire : absence de contrariété à l'ordre public international d'une injonction anti-suit rendue hors champ d'application de conventions ou du droit communautaire (Cass. Civ. 1ère, 14 oct. 09, JCP G 09 F. 46 n° 416 obs. E. Cornut et F. 49 n° 505 note C. Legros, Proc. 09 repère 11 obs. C. Nourrissat, D. 2010 177 obs. S. Bollée).
Le RCE du 22 décembre 2000 pose en principe la compétence des tribunaux du for du défendeur, mais apporte parfois à cette règle des exceptions, voire prend en considération la volonté des parties. Des dispositions particulières régissent par ailleurs sa mise en œuvre, du point de vue des contestations et des conflits de compétence.
Les dispositions générales de droit commun font dans certains cas l'objet d'aménagements, sous forme d'options de compétence.
Il y a application du principe traditionnel « actor sequitur forum rei » (art. 2 du RCE du 22 décembre 2000).
Par suite, si le défendeur est domicilié ou a son siège sur le territoire d'un Etat contractant, l'action doit être portée devant les tribunaux de cet Etat. La détermination de la juridiction spécialement compétente se fait alors en fonction des règles de compétence internes de l'Etat concerné.
Pour la détermination du domicile des personnes physiques, renvoi est fait par le Règlement, à la lex fori. Le "domicile" des personnes morales fait en revanche l'objet d'une règle matérielle de droit international (l'art. 60 du RCE du 22 décembre 2000).
Le Règlement écarte ensuite les fors exorbitants susceptibles de déroger à ses dispositions (art. 3 et annexe 1 du RCE du 22 décembre 2000). Les articles 14 et 15 du C. Civ sont ainsi écartés lorsque le litige est intégré à l’Union Européenne (UE). Les dispositions communautaires s'appliquent aussi aux défendeurs ressortissants d'Etats tiers (Etats n'appartenant pas à l'UE) domiciliés sur le territoire d'un Etat membre. La nationalité n'a donc aucune incidence sur le jeu du règlement.
En revanche, de manière un peu paradoxale, l'article 4 du RCE du 22 décembre 2000 permet d'invoquer à l'encontre des défendeurs domiciliés dans un Etat tiers les règles nationales exorbitantes de compétence de l'Etat du domicile du demandeur, quelle que soit la nationalité de ce dernier : le domicile devient ici un critère d'application des articles 14 et 15 C. civ., sauf si sont en cause les compétences exclusives visées par l'article 22 et en cas de prorogation de compétence, l'article 23 du RCE du 22 décembre 2000.
Rq.En matière de compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs la compétence est déterminée par l’art. 3 du RCE n° 2201/2003 du 27 nov. 2003. Le critère retenu est celui de la résidence habituelle, soit commune, soit de l’un des deux conjoints.
Les articles 5 et suivants du RCE du 22 décembre 2000 instaurent diverses options de compétence :
- En matière contractuelle.
L'article 5)1 énonce qu'est également compétent l'Etat du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée Ce lieu se définit selon la règle de conflit du for (CJCE, 6 oct. 76, arrêt Tessili, D. 77 614, note Droz).
Pour l'application du texte, il convient de considérer chaque obligation séparément. Cette disposition est l'une de celles ayant suscité le plus de difficultés d'interprétation, à tel point que nombre d'auteurs souhaitaient sa disparition. Le règlement n'est pas allé aussi loin et s'est contenté, pour les deux contrats les plus fréquents (vente et fourniture de services) de définir lui-même un lieu d'exécution, de sorte qu'il pourrait sembler inutile de consulter pour ce faire la loi applicable (art. 5)1)b du RCE du 22 décembre 2000). Les difficultés d’interprétation subsistent néanmoins et la CJUE a eu l’occasion de préciser que le texte « doit être interprété en ce sens que, en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat. S'il est impossible de déterminer le lieu de livraison sur cette base, sans se référer au droit matériel applicable au contrat, ce lieu est celui de la remise matérielle des marchandises par laquelle l'acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l'opération de vente » (CJUE, 25 fév. 2010, Proc. 2010 n° 178 obs. Nourrissat ; B. Deshayes, « Le "lien de livraison" au sens de l'article 5-1b) du règlement Bruxelles I », JCP G 2020 F. 48 n° 1190) et la Cour de Justice.
Ex.Application de l'art. 5)1 au paiement d'une indemnité de fin de contrat d'agence commerciale, les parties étant considérées comme liées par un contrat de fourniture de services : Cass. Civ. 1ère, 3 oct. 06, JCP G 06 II 10028, note Asfar.
- En matière d'obligations alimentaires.
L'article 5)2 permet d'agir devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle.
- En matière d'actions en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle.
La notion fait l'objet d'une interprétation autonome par la Cour de justice.
L'article 5)3 de la Convention ajoute à la compétence des tribunaux de l'Etat du domicile du défendeur la compétence du tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit (lorsqu'il existe une dissociation entre le fait causal et le dommage, sont concurremment compétentes les deux juridictions : CJCE, 30 nov. 1976, Mines des Potasses d'Alsace, D. 1977, 613), ou risque de se produire.
L'article 6 du règlement contient des dispositions spécifiques aux demandes incidentes (art. 6 du RCE du 22 décembre 2000).
Ex.Cass. com., 9 mars 2010, D. 2010 1183, note G. Lardeux : l’arrêt justifie la compétence des juridictions françaises en matière de concurrence déloyale sur internet, en raison tant de l'accessibilité aux sites concernés pour les internautes français, que de la disponibilité en France des produits litigieux.
Le principe général de compétence, étudié auparavant, reçoit des dérogations, qui prennent la forme de compétences spéciales et de compétences exclusives.
En matière de contrat individuel de travail, la section 5 du règlement distingue selon que l'action est engagée par le salarié ou l'employeur.- Si l'action est engagée par le salarié.
Outre les tribunaux de l'Etat de l'établissement du salarié, sont également compétents le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail et le tribunal du lieu où se trouvait l'établissement qui l'a embauché, lorsqu'il n'accomplit pas habituellement son travail dans un établissement.
- Si l'action est exercée par l'employeur.
Celui-ci ne peut agir que devant les tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le travailleur a son domicile (art. 19 du RCE du 22 déc. 2000).
Des dispositions, justifiées par le même souci de protéger " la partie faible ", sont aussi prévues en matière de :
-
contrats d'assurances : articles 8 à 14 du RCE du 22 décembre 2000.
-
contrats conclus par les consommateurs : articles 15 à 17 du RCE du 22 décembre 2000.
Ex.CJUE, 8ème ch., 14 nov. 2013, Proc. 2014 n° 8 obs C. Nourrissat : Le consommateur peut, en application du règlement « Bruxelles I », attraire devant la juridiction de son domicile le cocontractant du professionnel avec lequel il a conclu un contrat à distance, même si ce cocontractant réside dans l'État membre du domicile de ce consommateur.
Ces dispositions dérogatoires (art. 22 du RCE du 22 déc. 2000) sont exclusives de tout autre chef de compétence.
Elles s'appliquent quel que soit le domicile des parties : le litige est par nature intégré à l'Union Européenne, même lorsque les parties sont domiciliées dans un Etat tiers.
Il est impossible d'y déroger de manière conventionnelle et tout autre tribunal qui viendrait à être saisi devrait d'office se déclarer incompétent.
- Droits réels immobiliers et baux d'immeubles.
Sont seuls compétents en la matière les tribunaux de l'Etat du lieu de situation, le Règlement prévoyant toutefois, pour les baux d'immeubles conclu en vue d'un usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs, que sont également compétents les tribunaux de l'Etat membre dans lequel le défendeur est domicilié, à condition que le locataire soit une personne physique et que le propriétaire et le locataire soient tous deux domiciliés dans le même Etat membre.
Rq.La règle s'applique aussi aux locations saisonnières (D. 2000 417).
Les actions mixtes ne sont pas nécessairement exclues du champ de la compétence exclusive des tribunaux de situation de l'immeuble: Cass. Civ. 1ère, 20 avril 2017, JCP G 2017 Fasc. 25 n° 693 note L. Perreau-Saussine.
- Validité, nullité ou dissolution d'une société. La demande relève dans ce cas du tribunal du siège social.
- Validité des inscriptions sur des registres publics, des brevets, marques... Cette validité ne peut être appréciée que par les tribunaux de l'Etat contractant sur le territoire duquel les registres sont tenus, les dépôts ou enregistrements demandés ou effectués.
Exécutions des décisions. Ces mesures relèvent des tribunaux du lieu d'exécution.
La volonté des parties peut se manifester par une prorogation soit volontaire, soit conventionnelle de compétence.
Tel sera le cas si le défendeur comparaît volontairement devant un tribunal non compétent (art. 24 du RCE du 22 décembre 2000).
Le texte ne s'applique évidemment pas si l'objet de sa comparution est la contestation de la compétence (exception à soulever in limine litis, soit avant les fins de non-recevoir et les défenses au fond), ou s'il existe une autre juridiction exclusivement compétente.
Ex.CJUE, 17 mars 2016, aff.
C-175/15,
Proc. 2016 Fasc. 5 n° 159 obs C. Nourissat : la prorogation volontaire de compétence devant une juridiciiton d'un Etat membre peut mettre en échec une clause attributive désignant la juridition d'un Etat tiers.
On parle de prorogation conventionnelle de compétence en présence d'une clause attributive de juridiction (art. 23 du RCE du 22 décembre 2000). Les clauses désignant les juridictions d'un Etat contractant et conclues par deux parties dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant au moment de la conclusion du contrat font l'objet d'une règle matérielle de validité, subordonnée au respect de certaines exigences de forme, assez libérales au demeurant.
Ex.CJUE, 7 fév. 2013, D. 2013 1110, note S. Bollée : l'article 23 du règlement (CE) du 22 décembre 2000, doit être interprété en ce sens qu'une clause attributive de juridiction convenue dans le contrat conclu entre le fabricant d'un bien et l'acquéreur de celui-ci ne peut pas être opposée au tiers sous-acquéreur qui, au terme d'une succession de contrats translatifs de propriété conclus entre des parties établies dans différents États membres, a acquis ce bien et veut engager une action en responsabilité à l'encontre du fabricant, sauf s'il est établi que ce tiers a donné son consentement effectif à l'égard de ladite clause dans les conditions énoncées à cet article. Solution reprise par Cass. Civ. 1ère, 11 sept. 2013, RTD civ. 2013 839 note H. Barbier, D. 2014 121 note D. Mazeaud.
Clauses attributives de compétences asymétriques : après avoir écarté la clause de juridiction potestative, conclue uniquement en faveur d’une seule partie (Cass. Civ. 1ère, 26 sept. 2012, JCP G 2012, Fasc. 41 n° 1065, D. Martiel, « A la découverte de la clause de juridiction potestative », D. 2012 2876), la Cour de cassation est revenue sur cette position (Cass. Civ. 1ère, 7 oct. 2015, JCP G 2015 Fasc. 43 n° 1123 obs. F. Mailhé, Fasc. 49 note L. Idot, D. 2015 2620 note F. Jault-Seseke : licéité d'une clause attributive de compétence asymétrique). Selon les auteurs, il convient de souligner l'importance de la manière dont la clause est rédigée car elle risque d'être inefficace en droit de la concurrence si le litige ne concerne pas des pratiques anti-concurrentielles (CJUE, 21 mai 2015, aff. CDC, D. 2015 2031 obs. L. d'Avout, Proc. 2015 n° 225 obs. C. Nourrissat).
Lorsque la clause est conclue entre des parties dont aucune n'est domiciliée sur le territoire d'un Etat membre, la règle matérielle de validité se transforme en présomption de validité, le tribunal saisi devant surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal désigné par la clause ait rendu sa décision. En tout état de cause, aucune modification volontaire de compétence - antérieure au litige - n'est possible dans le cadre d'un contrat individuel de travail, ou d'un contrat de consommation.
Hormis le cas des compétences exclusives de l'art. 22 du RCE du 22 décembre 2000, l'incompétence n'est que relative et le juge ne peut la soulever d'office que si le défendeur ne comparaît pas.
Lorsque se produit une litispendance (voir leçon 5 section 2 §2A) entre tribunaux d'Etat contractant différents, la juridiction saisie en second doit, même d'office, se dessaisir (art. 27 du RCE du 22 décembre 2000).
En cas de connexité (voir Leçon 5 section 2 §2B), la juridiction saisie en second peut surseoir à statuer ou se dessaisir, mais cela reste une faculté, et il faut qu'une partie le demande (art. 28 du RCE du 22 décembre 2000 - pour une application : Cass. Civ. 1ère, 27/4/04, Proc. 04 n° 157).
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