- V. Nioré, « Le secret professionnel de l'avocat : un chef d'oeuvre en péril », JCP G 2014 Fasc. 43 n° 1095.¶
- Cass. Civ. 1ère, 25 fév. 2016, JCP G 2016 Fasc. 19 n° 563, RTD civ. 2016 439, Proc. 2016 Fasc. 4 n° 119 obs. Y. Strickler : le secret professionnel des avocats ne s'étend pas aux documents détenus par l'adversaire de leur client, susceptibles de relever du secret des affaires, dont le refus de communication constitue l'objet même du litige.
Le
principe de confidentialité des correspondances joue quel qu'en soit le support et doit conduire à faire rejeter des débats judiciaires tout document y portant atteinte. Le secret l'emporte ainsi sur le droit de perquisition du fisc sauf s'il s'agit d'établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée (Cass. Com., 5/5/98,
JCP G 98
II 10126 ; 15 déc 99,
JCP G 99 I 126 n° 6 -
D. 02 som 855).
Le secret professionnel s'applique aussi à toutes les correspondances «
non officielles » échangées entre avocats (Cass. Civ 1
ère, 4/2/03,
JCP G 03
I 128 n° 11 obs. Cadiet et
JCP G 03 II 10035 conclusions Sainte-Rose – Y. Avril, « Lettre entre avocats : la fin d'une querelle »,
D. 2010 p. 1502). Il a été jugé récemment qu'à défaut de porter la mention «
officielle », une telle correspondance entre avocats soumise au secret professionnel, ne peut être produite par un avocat que «
sous réserve des strictes exigences de sa propre défense » (Cass. Civ. 2
ème, 29 sept. 2022, n°
21-13.625,
JCP G 2022 Fasc. 46 n° 1289 note S. Grayot-Dirx, RT 2022 897 note H. Barbier).
A l'inverse, entre avocats de l'UE, s'applique le principe de non confidentialité sauf mention contraire (sur les pouvoirs de vérification de la Commission Européenne et l'absence de confidentialité des communications entre les avocats exerçant en entreprise et cette dernière : voir TPICE, 17 sept. 2007 aff.
T-253/03,
JCP G 07 actua n° 442,
JCP G 07 I 206 n° 5 ; CJUE, 14 sept. 2010,
D. 2010 2149,
D. 2011 552 § IIID obs. B. Blanchard,
JCP G 2010 F. 43 n° 1068 § 3, C. Nourrissat,
Proc. 2010 Fasc. 11 n° 375).
Le client d'un avocat a toutefois le pouvoir d'ôter à la missive dont il est l'auteur son caractère confidentiel (Cass. Civ. 1
ère, 4/4/06,
JCP G 06
II 10106,
Proc. 06 n° 125 - Cass. Civ. 1
ère, 30/4/09,
D. 09 2710 §IV VI). L’avocat peut également envoyer à un tiers une note d’entretien, dès lors que ledit tiers a participé à la réunion concernée (Cass. Civ. 1
ère, 14 janv. 2010,
JCP 2010 Fasc. 4 n° 81,
D. 2010 1125, note Moret-Bailly,
D. 2011 552 § IIIA obs. B. Blanchard).
Le règlement intérieur d’un barreau ne peut toutefois étendre le principe de confidentialité en dehors des hypothèses de secret professionnel visées par la loi (Cass. Civ. 1
ère, 22 sept. 2011,
JCP G 2011 Fasc. 46 n° 1243 obs. Y. Repiquet ; Y. Avril, « Le secret professionnel des avocats, force ou alibi »,
D. 2011 2979). Suite à cet arrêt, le CNB a adopté les 14-15 sept. 2012 une résolution visant à renforcer la protection du secret professionnel, la confidentialité des échanges et à modifier le régime des preuves constituées par les correspondances entre avocats et clients (
JCP G 2012, Fasc. 39 n° 1028).
V. aussi Paris, 29 sept. 2011,
D. 2012 204 note D. Martin, Correspondances d'avocat : la cour d'appel de Paris en état de récidive - Cass. Civ. 1
ère, 12 oct. 2016,
JCP G 2016 Fasc. 45 n° 1165 obs. S. Grayot-Dirx : la mention "officielle" figurant dans une correspondance entre avocats ne suffit pas pour pouvoir la produire en justice. Le commentateur note le renvoi fait à l'art. 3.2 du RIN qui ne permet de lever la confidentialité que dans deux cas : une correspondance équivalent à un acte de procédure ou bien une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels, la nécessité s'imposant en outre de respecter les principes essentiels de la profession.
La Cour EDH juge contraire à l'article 10 de la Convention (droit à la liberté d'expression) la condamnation pour violation du secret professionnel d'une avocate s'étant exprimée dans la presse à propos d'un rapport d'expertise couvert par le secret de l'instruction (Cour EDH, 15 déc. 2011,
D. 2012 667 obs. S. Lavric ; ibid. note Lyn François).
Secret professionnel et dispositions destinées à lutter contre le crime organisé et le blanchiment
Les années passées, la profession avait manifesté son inquiétude lors de l'adoption de différents textes, intéressant la procédure pénale ou la lutte contre le blanchiment :
- Tout d’abord, face à l'art. L. 434-7-2 du C. pén., issu de la loi sur la criminalité organisée, réprimant la révélation d’informations de nature à entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité.
- Ensuite, à l’occasion de la transposition de la directive européenne anti-blanchiment du 4 décembre 2001 (directive 2001/97/CE, art. 2) qui soumet les avocats à une déclaration de soupçon, sauf en matière d’activité juridictionnelle et de consultation (art. L. 562-1 s. C. monét. Fin.) (JCP G 04 actua. 230 : Aperçu rapide n° 2A, Croze, « Incidences procédurales de la loi du 11 février 2004 », Proc. 2004 chr. n° 5 - V. aussi décret d’application n° 2006-736 du 26 juin 2006). Les avocats avaient déféré au Conseil d’Etat le décret du 26 juin 2006 relatif à la déclaration de soupçons, qui ne conservait de l’exclusion légale que les activités juridictionnelles (omission de la consultation), en considérant qu’il portait notamment atteinte à l’indépendance de la profession. Dans un arrêt du 10 avril 2008, le Conseil d’Etat a jugé que la directive du 4 déc. 2001 et la loi de transposition du 11 février 2004 étaient conformes à la Convention EDH, et que les avocats devaient bien contribuer au dispositif préventif de lutte contre le blanchiment. En revanche, il a estimé que les dispositions réglementaires adoptées contrevenaient à cette loi et devaient être annulées (relations individuelles directes avec la cellule TRACFIN et non-exclusion des consultations juridiques : CE, 10/4/08, D. 08 2322 note Cutajar, JCP G 08 II 10125 note Tinière, JCP 08 I 184 n° 3).
La CJCE a jugé que les obligations d'information et de coopération pesant sur les avocats lorsqu'ils participent à certaines transactions financières ou immobilières n'ayant pas de lien avec une procédure judiciaire ne violent pas le droit à un procès équitable garanti par l'art. 6 de la Convention EDH (CJCE, 26/06/07,
JCP G 07 I 205 n° 6 et II 10137 note Cachard).
Le régime de la déclaration de soupçons a été durci davantage encore par la 3ème directive anti-blanchiment, (Dir. n° 2005-60 du 26 octobre 2005 – O. Cachard, « Le secret de l'avocat en Europe »,
JCP G 06 actu n° 465), transposée par une ordonnance n° 2009-104, du 30 janvier 2009 (CREA/CNB et Jamin,
JCP G 09
I 120 n° 4) et trois décrets d’application, mais avec dispense des obligations de vigilance pour les informations reçues par les avocats dans le cadre de leur activité juridictionnelle. Ceci ne semblait pas conforme à la directive mais le Conseil d'État a néanmoins rejeté le recours formé contre les décrets en cause (CE, 14 oct. 2011, n°
332126, Ordre des avocats au barreau de Paris :
JCP G 2011, act. 1209, obs. Ch. Cutajar, JCP 2012). La cour EDH a validé la transposition intéressant les avocats, au regard du respect de leur secret professionnel, dès lors que les obligations mises à leur charge ne portent pas sur leur « mission de défense » et que leurs relations avec la cellule TRACFIN imposent l'intermédiation de leur bâtonnier (Cour EDH, Michaud/France, 6 déc. 2012,
D. 2013 Fasc. 4 p. 284 note F. Deferrard,
JCP G 2013 n° 187, note H. Robert,
Proc. 2013 Fasc. 2 n° 43 note N. Fricero).
Voir aussi ord. n° 2020-115 du 12 fév. 2020 transposant la 5ème directive anti-blanchiment (Dir UE 2018/843 du 30 mai 2018) et élargissant dans l'art.
L. 561-3, I 3° du CMF le champ des activités soumises aux obligations de vigilance et de déclaration (C. Cutajar, « Avocats et blanchiment – Une sur-transposition problématique de la 5
ème directive »,
JCP G 2020 Fasc. 36 n° 946 ).
Rq.Bibliographie :C. Cutajar, JCP 09 actu n° 70, « Déclaration de soupçon du blanchiment de la fraude fiscale, A propos du décret du 16 juillet 2009 », JCP G 09 n° 36, 189 ;
C. Cutajar et M. Beaussier, « Les avocats et la lutte contre le blanchiment », JCP G 09 Fasc. 48 n° 474 ;¶
H. Robert, « Professions juridiques et prévention du blanchiment Après la transposition de la directive n° 2005/60 du 26 octobre 2005 », JCP G 2010 Fasc. 7 n° 202 ;
F. Sicard et A. de la Ferté-Sénectère, « De l'indépendance de l'avocat en droit constitutionnel français », JCP G 2015 n° 1082 ;
Sur les rôles des CARPA (Caisses des règlements pécuniaires des avocats) pour concilier protection du secret professionnel et de l'ordre public en matière juridique : J.-C. Krebs, D. 2016 2006.
Rq.Actualité 2021 : Secret professionnel et procédure pénale.
Le secret professionnel de l’avocat a souvent posé des difficultés dans le cadre de l’instruction pénale, même s’il a pu être jugé qu’une perquisition dans un cabinet ne pouvait avoir pour objet de rechercher des éléments d'incrimination contre l'un des clients de l'avocat (Cour EDH, 24/7/08,
JCP 08 I 184 n° 4).
La question des interceptions de conversations téléphoniques a notamment suscité une jurisprudence ambivalente :
- Principe d'interdiction des interceptions (Cass. crim., 17/9/08, JCP 09 I 120 n° 7), même dans le cadre d'une commission rogatoire régulière (Cass. crim., 18 janv. 2006, JCP 06 II 10085 note Martin).
-
Contra : D. Soulez Larivière, « Les écoutes et le secret professionnel de l'avocat (libre propos en matière pénale à propos de Cass. crim., 22 mars 2016 - des écoutes - ayant pour conséquence d'exclure le secret professionnel en matière de conseil et de contentieux en dehors ou avant toute procédure pénale) », JCP 2016 Fasc. 20 n° 581 et Fasc. 23 n° 670 § 9 obs. C. Vautrot-Scchwarz) - Voir aussi Cour EDH, 16 juin 2016, D. 2016 note E. Raschel, dans lequel la Cour valide certaines écoutes incidentes à une instruction pénale, lorsqu'elles sont « prévues par la loi », « visent la défense de l'ordre » et sont « nécessaires dans une société démocratique », dès lors que la personne contrôlée dispose d'un « contrôle efficace » de l'ingérence de l'autorité publique dans sa correspondance.
Dans le cadre de la procédure parlementaire ayant conduit à l’adoption de la loi n°
du 21 décembre 2021, un amendement adopté par la Commission des Lois du Sénat le 15 septembre 2021 avait suscité des remous au sein de la profession. Le CNB, lors d’une assemblée générale avait voté une motion contre cet amendement (D. Lévy,
JCP 2021 Fasc. 39 n° 973 ; G. Bertrou
JCP 2021 Fasc. 45 n° 1184, O. Beaud,
D. 2021 2081).
La loi adoptée reconnaît le secret professionnel de l'avocat, tant dans son activité de défense que de conseil. Un § III, ajouté à l'
article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que «
Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (…), est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code ».
Des exceptions ont toutefois été apportées en matière de conseil (art. 56-1-2 du CPP) : le secret professionnel du conseil n'est en effet pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction en cas de fraude fiscale, corruption ou blanchiment de ces délits et de financement du terrorisme, sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l'avocat ou son client établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions.
De nouvelles garanties ont par ailleurs été fixées en cas de perquisitions et saisies effectuées au cabinet ou au domicile de l’avocat (art
56-1 du CPP : présence du bâtonnier lors des perquisitions des cabinets, décision préalable du juge des libertés et de la détention). Pour échapper à une saisie, un document doit remplir deux critères cumulatifs : être couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil et relever des droits de la défense). Enfin, le secret professionnel couvre désormais les « fadettes » (art.
60-1-1 du CPP).
Le nouveau régime de perquisition a été déclaré conforme à la Constitution et le Conseil constitutionnel n'a pas censuré les art. 56-1 et 5-2-2 du CPP (CC, 19 janvier 2023, n°
2022-1031 QPC et n°
2022-1030 QPC, JCP 2023 Fasc. 6 act. 193 note A-S Chavent-Leclère : aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats. Dans le domaine des droits de la défense, un tel droit est garanti constitutionnellement par l'art. 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et dans le domaine du conseil, il l'est par l'art. 2 au titre du respect de la vie privée et du secret des correspondances. Dans les deux cas des dérogations sont possibles et donnent lieu à appréciation des intérêts contradictoires en jeu (T. Wickers, JCP 2023 n° 76).
CE, 1
er mars 2024, n°
462957 : protection du secret professionnel de l'avocat étendue au secret professionnel du conseil, sauf en matière de fraude fiscale pour les documents qui établissent la preuve de leur utilisation pour commettre ou faciliter la commission de l'infraction.
B. Vouland, « Le secret professionnel de l’avocat. Secret "confisqué", secret "dévoilé" »,
JCP 2022 Fasc. 1 n° 4 - A.-S. Chavent-Leclère, « Confiance dans l'institution judiciaire : le secret professionnel de l'avocat »,
Proc. 2022 Fasc. 2, dossier 2.
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