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Méthodologie à la dissertation en droit : propos généraux et spécifiques au droit privé, droit public et histoire du droit

Tronc commun : objectifs et méthode générale


1) Objectif de l'exercice


Le but de la dissertation est de tirer le meilleur parti de ses connaissances face à un sujet donné en les ordonnant à l'intérieur d'un plan structuré. Il s'agit donc d'un exercice de mise en forme des connaissances démontrant vos aptitudes à la synthèse et à la réflexion. La dissertation est une démonstration.

2) Les écueils à éviter


  • Ne pas se contenter de réciter le cours. La dissertation n'est pas une simple récitation, ni une description. À l'inverse, il s'agit d'une véritable démonstration originale.
  • Ne pas passer à côté de l'objet du sujet. Il faut impérativement cerner correctement le sujet, à la fois dans son thème (risque de contresens) et dans sa chronologie (risque de hors sujet). Ceci signifie :
    • ne pas trop restreindre le sujet ;
    • ne pas non plus l'extrapoler.
 

3) La méthode à suivre


Chacun des termes du sujet doit être défini et étudié. Il convient alors de bien repérer le terme prédominant du sujet posé. Ceci implique au préalable une lecture très attentive de ce dernier. En effet, même si cela prête l'étudiant à sourire, il apparaît essentiel de lire à plusieurs reprises le sujet donné. Le but est d'éviter toute mauvaise compréhension de celui-ci. Même s'il est rassurant dans l'excitation de l'épreuve de poser immédiatement quelques idées sur le brouillon, il est préférable de porter une attention première à certains éléments :
  • Soyez vigilant quant à la ponctuation utilisée. Une question laisse supposer qu'il s'agira de répondre à celle-ci en argumentant sa prise de position.
  • Ne négligez pas la rédaction du sujet lui-même, en prêtant attention aux singuliers ou aux pluriels, aux mots de liaison, à l'utilisation d'articles définis ou indéfinis.
  • Soyez attentif à tous les termes du sujet, ainsi qu'aux différents sens qu'ils peuvent revêtir.
Une fois ce premier point respecté, il faut ensuite noter au brouillon toutes les idées en relation avec le sujet. L'objectif est alors de mobiliser vos connaissances. Il s'agit de ne rien oublier : notez toutes les réflexions qui vous viennent à l'esprit. Pour cela, mobilisez vos connaissances personnelles : cours, travaux dirigés, lectures personnelles d'articles de doctrine ou de la jurisprudence...
Lorsque vous avez épuisé l'exposé de ces connaissances, vous allez pouvoir travailler à les classer. Il conviendra alors de rapprocher les idées entre elles. Vous allez remarquer que certaines se complètent et d'autres s'opposent. Certaines idées pourront aussi apparaître n'avoir aucun rapport avec les autres. Il conviendra de les mettre de côté momentanément.
L'objectif du brouillon est de parvenir à dégager des idées essentielles, de grandes tendances. Si vous avez bien travaillé, plusieurs grandes idées directrices doivent apparaître.
C'est à partir de ces éléments que vous allez parvenir à dégager une problématique. Cette dernière est votre façon d'envisager le sujet au regard des « idées-forces » que vous avez dégagées. Il est important que la problématique témoigne d'un mouvement, d'une dynamique du sujet : une progression, une évolution historique, un mouvement contradictoire de la matière...

Ex.Exemple : Pour le sujet l'application de la loi dans le temps en matière de droit des contrats, il est important de mettre l'accent sur les deux impératifs contradictoires que sont d'une part, la sécurité juridique des parties au contrat qui commande la survie de la loi ancienne et d'autre part, l'unité du droit qui impose l'application immédiate de la loi nouvelle.

Une fois ces éléments établis, le plan peut être dégagé.

Le plan permet de répondre de façon structurée à la question de droit posée, au problème juridique. Il permet de mettre en valeur les arguments forts.
En droit, le plan est généralement organisé en deux parties, deux sous-parties :
I.
       A.
       B.
II.
       A.
       B.


Les arguments les plus forts, ceux qui constituent l'idée force du devoir, doivent résider dans le cœur du développement, c'est-à-dire dans le I.B. et II.A.

Le plan est apparent. Les intitulés des parties et sous-parties doivent donc être soignés : il faut éviter de faire des phrases (avec un verbe conjugué) et d'utiliser des signes de ponctuation (points de suspension, d'interrogation). Les intitulés doivent être suffisamment précis et reprendre les termes du sujet. Ils ne doivent pas être trop généraux (genre fourre-tout). Idéalement, il doit y avoir un certain parallélisme dans les intitulés : les intitulés doivent se répondre.

Le plan doit être thématique, c'est-à-dire articulé autour de deux grandes idées qui seront l'objet des deux parties. Il existe néanmoins des plans classiques (plans-types), qui se justifient parfois, (mais pas toujours!) en fonction du sujet :
      - I. Théorie / II. Pratique ;
    - I. Notion / II. Régime ;
     - I. Apports / II. Limites ;
             - I. Principe / II. Exception(s) ;
- I. Avant / II. Après ;
    - I. Conditions / II. Effets ;
                  - I. Avantages / II. Inconvénients ;
                      - I. Différences / II. Ressemblances...


Ces plans-types peuvent être utilisés dans de nombreuses dissertations. Le reproche qu'on leur fait en général est leur caractère bien souvent trop descriptif. Toutefois, ils sont bien simples permettant une présentation claire d'un sujet. Ils peuvent donc être utilisés faute de mieux.
Un bon plan remplit les trois conditions suivantes :
  1. Il répond à la problématique : il faudrait pouvoir, à partir des seuls intitulés du plan, retrouver le sujet ;
  2. Il permet d'aborder tous les éléments du fond ;
  3. Il ne conduit pas à des répétitions.

- Chapeaux et transitions

• Le chapeau : le chapeau est un petit paragraphe servant à annoncer les sous-parties qui suivent. On le place donc sous les titres destinés à être subdivisés.
Ex.Ex : on place un chapeau sous les I et II pour annoncer les A) et B) ou sous les A) et B) pour annoncer les 1) et 2).
Le chapeau doit donc reprendre l'idée de votre titre en la développant rapidement et annoncer les subdivisions à suivre. Il ne s'agit pas d'une simple exigence formelle. Le chapeau est là pour guider le lecteur dans la démonstration. Il sert en quelque sort de balise.

• La transition : la transition consiste en une ou plusieurs phrases faisant le lien entre deux parties ou sous-parties. En général, on réserve les transitions pour les grandes articulations.
Ex.Ex : la transition est impérative entre le I. et le II. et entre le A) et le B).
La transition n'est pas une simple phrase artificielle. Tout comme le chapeau, elle sert au lecteur à savoir où vous en êtes dans votre démonstration. La transition fait apparaître la nature du lien qui lie vos parties (rapport d'opposition, de complémentarité etc), au moyen de conjonctions de coordination (« mais » ; « en revanche » ; « en outre » etc).


La grammaire et l'orthographe restent essentielles. Quelles que soient vos connaissances juridiques, si elles ne sont pas restituées dans une langue française correcte, votre dissertation ne sera pas de qualité. Il s'agit d'une expression écrite ; il faut donc éviter les familiarités de la langue orale. Faites bon usage de la ponctuation. Les abréviations ne sont pas acceptées.


  • Lorsque vous citez un ouvrage, soulignez son titre.
  • Les titres (M. – et non Mr –, Mme, Mlle) ne sont utilisés que pour les auteurs vivants. Si l'auteur est décédé, citez directement son nom.


Vous devez utiliser le langage juridique et vous approprier le vocabulaire juridique, qui prend parfois ses distances avec le langage courant.

Ex.Ex : la loi dispose, le contrat stipule.

Le raisonnement juridique s'apparente à une démonstration mathématique, déductive : partez du général pour arriver au particulier, ne raisonnez pas par l'exemple.

L'introduction est un des éléments essentiels de votre copie puisque c'est ce que le correcteur va lire en premier. Une première impression est souvent la bonne. Il est par conséquent primordial de la soigner d'autant qu'elle correspond à une part importante de votre copie (1/4 à 1/3 de votre copie).

L'introduction est le moment où vous présentez le sujet avant d'entrer dans le détail c'est-à-dire dans les développements. Son but est donc d'écarter toute incompréhension sur le sujet. Elle passe par une structure type qu'il convient de respecter :
  • De quoi dois-je parler ? (le sujet et la définition des termes principaux).
  • Pourquoi dois-je en parler ? (l'intérêt du sujet).
  • Comment vais-en parler ? (la problématique et l'annonce de plan).
Ainsi, la structure de l'introduction est simple :
  • Il convient de débuter la copie par ce que l'on appelle couramment « la phrase d'attaque ». Il s'agit d'évoquer de façon pertinente, adroite, voire originale le sujet qui va être traité : une phrase sur l'actualité en rapport avec le sujet, un adage, une citation littéraire pertinente...
  • Il s'agit ensuite de situer le sujet dans son contexte, en définir les termes essentiels et d'en délimiter les contours. Plus le sujet est large, plus cette délimitation doit être argumentée. Ne pas hésiter à établir des rapprochements avec des notions voisines pour mieux les différencier. Eliminer les questions que ne seront pas traitées en expliquant ces exclusions.
  • Vous allez ensuite devoir dégager l'intérêt du sujet. Ce point vise à présenter le sujet sous « son meilleur jour ». Il convient pour cela de relever les différentes implications sociologiques, historiques ou philosophiques du sujet. Lorsque cela est possible des éléments d'actualité ou de droit comparé peuvent être apportés. Il est enfin important de dégager les difficultés qu'il suscite. L'idée est de montrer son importance au regard de l'ensemble de ces éléments.
  • Enfin, au regard de ces différents éléments, il convient de dégager la problématique telle que précédemment décrite. Elle doit être simple, claire et précise, ce qui sera le cas lorsque les phases préalables auront été suivies. Des développements antérieurs et de la problématique découle l'annonce de plan, de sorte que ce dernier s'en trouvera justifié. Le lecteur doit comprendre pourquoi ce plan en particulier a été retenu plutôt qu'un autre.
L'annonce du plan se fait uniquement par la présentation des deux grandes parties, en signalant avec (I) et (II).

Rq.Sachez qu'au terme de l'introduction, le correcteur a déjà une idée de note et qu'il est rare que cette dernière varie de beaucoup au terme de la lecture de l'ensemble de la copie.

La conclusion n'est pas traditionnelle dans les exercices juridiques et la dissertation n'échappe pas à cette règle. En principe, la démonstration que vous réalisez se suffit à elle-même. Tout au plus, si cela se justifie seulement, il est possible de terminer la copie par quelques phrases d'ouverture qui visent à mettre la thématique en perspective avec sa probable évolution.
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