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Introduction historique au droit

Commentaire : Construction juridique et politique de l'Etat au Moyen Âge



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Ordonnance de Charles VI (1380-1422) pour la Police générale du Royaume (25 mai 1413), extraits des Ordonnances des Rois de France de la troisième race, M. de Vilevault, vol. X, Paris, 1763, p. 70 et s. :

Tx.« 1 Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France. A tous ceux qui ces présentes Lettres
2 verront : Salut. Comme depuis naguère Nous eussions mandé et fait venir par-devers Nous
3 en notre bonne ville de Paris, plusieurs Prélats, Chevaliers, Ecuyers, bourgeois de nos cités
4 et bonnes villes, et autres notables personnages nos bons sujets, et à eux fait exposer en
5 notre présence, les grandes affaires et charges que avons eu à supporter... tant pour
6 occasion des discordes, débats et divisions qui longuement ont été en notre Royaume, pour
7 lesquelles apaiser avons par la grâce de Notre Seigneur mis peine, remède et provisions
8 convenables, comme pour ce que nos ennemis et adversaires d'Angleterre... étaient
9 descendus et entrés en plusieurs et diverses parties de notre Royaume... Savoir faisons que
10 Nous en considération aux choses par eux baillées et proposées, désirant de tout notre cœur
11 y mettre bonnes provisions et convenables remèdes, afin que dorénavant lesdits abus et
12 inconvénients cessent de tout en tout, et que les faits de la chose publique de notre
13 Royaume, tant au regard de toutes nos dites Finances et de notre dite Justice, comme
14 autrement, soient remis en bon état et dument gouvernées au bien de Nous et de notre
15 peuple, avons pour ce fait assembler par plusieurs fois, tant en la présence de Nous,
16 comme de notre très chère et très aimée Compagne la Reine, de notre très Chrétien et très
17 aimé ainé Fils le Duc de Guyenne Dauphin de Vienne et autrement à part plusieurs de
18 notre Sang et Lignage, et autre de notre Grand Conseil, en très grand nombre, et par grande
19 et mure délibération de Conseil... avons fait, voulu et ordonné, faisons, voulons et
20 ordonnons les Ordonnances qui suivent.
21 (1)Et premièrement. Pour obvier à la multiplication des Officiers qui ont eu le
22 gouvernement de nos Finances, tant de celles de notre Domaine, comme de celles
23 des Aides ordonnées pour la guerre, lesquels à cause de leurs Offices ont eu et pris
24 au temps passé sur Nous, grands et excessifs gages, salaires et dons, à notre très
25 grande charge..., Nous avons ordonné et ordonnons que dorénavant en lieu de
26 Trésoriers et de Généraux pour le gouvernement administration et connaissance de
27 toutes nos dites finances... Nous aurons seulement deux bons prud'hommes, sages,
28 solvables et suffisants... et seront... élus en notre Chambre des Comptes par notre
29 Chancelier et nos dits commis, pour entendre et pourvoir au bien public du
30 Royaume, appelés avec ceux des Gens de notre Grand Conseil et de notre
31 Parlement, des Gens de nos dits Comptes, et autres, en nombre compétent...
32 (154) Item. Que dorénavant quand les lieux des quatre Présidents et autres Gens de
33 la Grand'Chambre, des Enquêtes de notre Parlement des Requêtes de notre Hôtel,
34 et des Requêtes de notre Palais, vaqueront, notre Chancelier, appelé avec lui aucun
35 de notre Grand Conseil, éliront deux ou trois vaillants hommes de notre Cour de
36 Parlement, ou autres sages et prud'hommes, lesquels seront commis de par Nous à
37 eux informer diligemment, secrètement et bien, tant à nos Avocats et procureur et
38 autres notables Avocats, et Procureurs de notre dite Cour de Parlement... qu'elle
39 personne sera bonne et idoine à être mise et colloquée audit lieu qui lors vaquera :
40 et cette information faite dûment, sera rapportée en notre dite Cour en la présence
41 de notre Chancelier et de ceux de notre Grand Conseil, ; et ce fait, par dû scrutin
42 dûment publié, sera pourvu dudit lieu à la personne qui par le moyen dudit scrutin
43 sera élue...
44 (166) Item. Voulons et ordonnons que quand les Sièges de la Prévôté de Paris, des
45 Sénéchaussées et Bailliages... et autres notables Offices de Judicature de notre
46 royaume vaqueront, il y soit pourvu de personnes notables, sages, expertes et
47 connaissant au fait de Justice, selon les lieux et pays où ils seront assis ; lesquelles
48 personnes seront prises par bonne élection, sans faveur ou acception de personnes,
49 qui se fera en notre Parlement en la présence de notre Chancelier, appelé avec lui
50 de ceux de notre Grand Conseil...
51 (173) Item. Que lesdits Prévôts, Sénéchaux, Baillis et autres Juges, chacun en son
52 endroit, s'en enquerront, et feront toute diligence de savoir nos droits royaux en
53 leur Juridiction et Ressort, tant en souveraineté comme autrement ...
».


Analyse préparatoire du texte :

Repérer les différentes parties du texte






Analyser le préambule








Dégager les grandes lignes du dispositif








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En savoir plus : Proposition de correction

La réformation du royaume est un thème politique et un programme de gouvernement développé au Moyen Âge notamment par la monarchie depuis le milieu du XIIIème siècle. Des ordonnances de réformation sont rédigées en particulier à la fin du XIVème siècle et au début du XVème siècle en insistant sur la nécessité de réformer l’organisation administrative trop pesante.

Cette ordonnance du 25 mai 1413 relative à la « Police générale du Royaume » est un acte royal. Après les établissements du XIIIème siècle, l’ordonnance est le terme générique employé pour qualifier ces actes du pouvoir normatif royal. Adoptée fin mai 1413, elle émane du roi Charles VI. Elle correspond à une ordonnance de réformation comprenant 258 articles le plus souvent rédigés à partir de doléances antérieures des états. Elle rappelle par certains aspects la grande ordonnance de réforme du 3 mars 1357.
Surnommé Charles le Fou au XIXème siècle, il accède au trône en 1380. De la dynastie des Valois, il est sacré à l’âge de 12 ans malgré les ordonnances de 1374 fixant la majorité royale à 14 ans et organisant la régence. Ses oncles influencent le gouvernement du royaume. Charles VI exerce effectivement le pouvoir en 1388 avec les « Marmousets » (anciens conseillers du roi Charles V) pour consolider et développer l’Etat. A partir de 1392, le roi souffre d’accès de confusion mentale et ses périodes d’« absences » sont de plus en nombreuses suscitant les rivalités des princes. Le conflit entre eux s’intensifie au début du XVème siècle. Il en résulte l’assassinat du duc d’Orléans sur l’ordre du duc de Bourgogne en 1407. Ce dernier, avec autour de lui le parti bourguignon, s’affirme alors en partisan d’une monarchie réformée.

La crise s'intensifie en 1413 avec la reprise de la guerre contre les Anglais, la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons et au printemps 1413 l'existence de contestations.  Les Etats généraux sont réunis du 30 janvier au 13 février. S'ils refusent de consentir à l'impôt, ils répondent favorablement à la réforme proposée par le parti du Duc de Bourgogne. D'autres acteurs entrent en scène en raison de l'impossibilité de rédiger un texte. Ainsi l'Université et la ville de Paris adressent au roi leurs demandes. Une partie de l'opinion relayée par un groupe de théologiens et de juristes souhaite ainsi la réforme de l'Etat et l'imposer au monarque Charles VI. Dans ce contexte particulier de faiblesse du pouvoir royal, un mouvement insurrectionnel naît. Il est appelé « cabochien » du nom de l'un de ses meneurs le valet écorcheur Simon le Coustelier dit Caboche, à Paris entre avril et août 1413. Le préambule de ce texte fait état des difficultés du royaume. Présentées comme le résultat d'une concertation, les solutions proposées par cette ordonnance de réforme visent à remettre en état et en ordre les affaires du pays en visant en particulier les agents de l'Etat.
Dans un contexte de troubles et d'affaiblissement du pouvoir royal, les dispositions présentées par cette ordonnance prise à l'initiative de « réformateurs » visent à limiter le pouvoir royal. Les différents articles extraits de l'ordonnance intéressent en particulier les officiers royaux tant de l'administration centrale que locale. Après une critique des officiers, les dispositions proposées visent à recourir à l'élection, appliquée pour les grands officiers depuis le denier quart du XIVème siècle, plutôt qu'à l'impétration comme mode de désignation des officiers. Ces mesures s'inscrivent dans une volonté de réformation de l'Etat davantage par un changement des hommes que des institutions elles-mêmes. Cette ordonnance est un texte de circonstances dont la portée est limitée. Elle ne sera pas appliquée avec la fin du mouvement cabochien en août 1413 et un lit de justice royal du 5 septembre qui déclare qu'elle est « cassée, annulée, révoquée, abolie et du tout mise à néant ». Ainsi cette ordonnance, à partir de ces quelques articles, poursuit-elle un programme politique de réformes profondes des institutions, comme en 1357, ou se limite-t-elle davantage à la promotion d'une réforme de l'administration du royaume en s'intéressant aux modalités de désignation des agents royaux ?
L'ordonnance du 25 mai 1413 vise à réformer l'administration du royaume (I) en présentant l'élection comme mode de désignation des officiers royaux (II).


I – Réformer l'administration du royaume

bochiens dénonce divers abus (A) et la réformation proposée s'inscrit dans le cadre de la pratique médiévale du gouvernement par conseil (B).
  • A – Dénoncer les abus
    • Dans le domaine de la justice et des finances (l. 11-12-13).
    • La formulation d'une critique en particulier de l'augmentation des agents royaux (l. 21) en lien avec l'accroissement des besoins de l'Etat et le développement de l'impôt (« Aides » l. 23) depuis le XIVème siècle pour les besoins de la guerre et la nécessité de la défense du royaume (revenus du domaine, ressources des impôts directs et indirects...).
    • Une critique du coût de cette augmentation du nombre d'officiers (l. 24-25).
    • Des requêtes formulées auprès du roi (l. 10) : Etats généraux, ville de Paris (Université).
  • B – Gouverner par conseil
    • Qui consulte ? Initiative royale (l. 2) à mettre en lien avec le contexte du printemps 1413.
    • Qui est consulté ? (l. 3-4, l. 15-18) : les états, Grand Conseil mais aussi notamment l'Université de Paris.
    • Pour connaître des difficultés que traverse le royaume (l. 5-6, l. 8-9).
    • Pour apporter des solutions (l. 7-8, l. 10-11) et une prise de décision royale éclairée (l. 19) : principe du gouvernement par conseil.
    • Avec pour objectif la réformation en lien avec la « chose publique » (l. 12, l. 14-15).

II – Elire les officiers royaux

L'ordonnance de réformation de 1413 propose une meilleure administration du royaume par le recours à un mode de désignation des officiers royaux. Elle propose de les choisir par voie d'élection (A) et elle prévoit l'organisation de leur désignation (B).
  • A – Choisir la désignation par voie d'élection
    • Le recours à l'élection : sens médiéval (choisir) ; lutter contre l'arbitraire ; une pratique de l'élection depuis la fin du XIVème siècle ; Rex est supra electionem.
    • Quand ? : le remplacement d'officiers (l. 25-26) et la vacance de l'office (l. 34, l. 39, l. 46).
    • Comment ? : écarter l'impétration et retenir l'élection (l. 23-24 ; l. 28, l. 35, l. 43, l. 48).
    • A qui l'appliquer ? Officiers des finances (l. 26) ; du Parlement et de l'Hôtel-le-roi (l. 32-34) ; prévôt de Paris, office de judicature et local (prévôts, baillis et sénéchaux : l. 44-46).
  • B – Organiser la désignation par voie d'élection
    • Information (l. 37, l. 40-41).
    • Modalités : délibération permettant d'évaluer les qualités des candidats ou scrutin (l. 41-42) et garanties (l. 48).
    • Participants à l'élection : Chancelier, officiers du Parlement, Grand Conseil (l. 29-31, l. 34-35, l. 40-41, l. 49-50).
    • Qui choisir ? Qualités requises (l. 27-28, l. 35, l. 36, l. 39, l. 46-47).
    • Des qualités pour une bonne administration (l. 29 « bien public », l. 52-53) et remplir les missions confiées par le roi (l. 51-53).
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