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Institutions et principes fondamentaux du procès civil

Théorie générale de l'instance : Le formalisme de l'instance

La leçon présente les exigences de forme auxquelles doivent satisfaire les actes de procédure, puis les conditions tenant aux délais.



On ne peut nier le caractère formaliste de la procédure, qui se traduit notamment par des exigences tenant, d'une part, aux actes de procédure, d'autre part aux délais.
Certaines réformes sont allées dans le sens d'un allègement du formalisme mais on peut se demander s’il n’y a pas, depuis la fin des années 90, une évolution inverse. La perspective est de rendre plus efficace l’intervention du juge afin de répondre aux objectifs, énoncés dans les rapports du président Magendie, de « Célérité et qualité de la Justice ».

Section 1. Les actes de procédure


Il existe différentes catégories d'actes :
  • les actes des juges : jugements, ordonnances ;
  • des avocats (et auparavant des avoués) : requêtes, conclusions, sommations ;
  • des greffiers : actes authentiques des jugements, réception de certains actes ;
  • des huissiers, qui sont qualifiés d'exploits : assignations, actes d'appel, sommations, constats, procès verbaux.

Les actes de procédure font l'objet d'une réglementation distincte de celle des actes juridiques classiques : ici l'instrumentum (formalisation au plan matériel) prévaut sur le negotium (opération intellectuelle) sans doute car il s'agit en majorité d'actes unilatéraux pour lesquels se pose un problème d'information de l'adversaire. Cela explique qu'ils fassent l'objet d'un formalisme et de sanctions spécifiques.

Il existe des règles générales communes à tous les actes, et des règles spéciales, variant selon l'objet et l'auteur de l'acte. Nous nous intéresserons essentiellement aux règles communes aux exploits d'huissiers (assignations, significations, sommations, constats, PV), envisageant successivement celles concernant leur rédaction et leur notification.


Ces actes sont désormais établis en un original (L. n° 2010-1609 du 22 déc. 2010). Les huissiers en établissent des expéditions (copies), qui peuvent être établies sur supports différents. Les conditions de conservation de l'original et les modalités d'édition des expéditions certifiées conformes sont définies par décret en Conseil d'Etat.

Depuis un décret du 29 avril 2010, complété par un arrêté du 29 juin ces actes doivent en outre être normalisés (O. Fradin, Procédures n° 7, Juillet 2010, alerte 32 : Le décret n° 2010-433 du 29 avril 2010 portant diverses dispositions en matière de procédure civile et de procédures d'exécution : l'acte d'huissier de justice devient équitable et normé - H. Croze, Procédures n° 8, Août 2010, repère 8, La nullité pour empiètement sur la marge gauche) .

Rq.Le décret n° 2005-972 du 10 août 2005 a prévu le principe de l’acte authentique dématérialisé pour les huissiers et la création d’un minutier central destiné à revoir les actes et à en assurer la conservation.

Certaines mentions sont requises à peine de nullité (art 648 CPC) :
  • La date de l'acte. La date est considérée comme une formalité substantielle mais son absence n'est sanctionnée que par un vice de forme (voir infra, § 2). Elle présente une utilité en matière de délais: point de départ des délais, prescription, dommages-intérêts moratoires.


Tx.Jurisprudence
La copie non datée d'un acte de notification est supposée n'avoir jamais fait courir le délai de pourvoi : Civ II 18/6/97, RT 97 991.

  • La désignation et la signature de l'huissier.

  • Des mentions permettant l'identification du requérant.

Tx.Jurisprudence
Pour les personnes morales, le défaut de désignation de l'organe, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, n'est qu'un vice de forme : Civ II, 17 déc 98, RT 99 197 ;, RT 02 358, Proc 02 n° 69 et 73, D 02 1009 et 2083. Il en est de même des erreurs affectant les mentions relatives à la forme sociale et au lieu du siège : Civ. III, 26/11/08, Proc 09 n° 34.

  • Des mentions permettant l'identification du destinataire et d'autres à préciser lors de sa remise (parlant à...).

Tx.Jurisprudence
La mention de l'identité du représentant légal dans l'assignation n'est pas une formalité substantielle : Civ III, 6/5/98, JCP 99 II 10037.

  • Le libellé et le coût de l'acte : le non-respect de cette exigence n'est sanctionné que par une amende.

Ces actes ne doivent pas comporter de blanc, d'interligne, de surcharge ou de rature qui n'aient été approuvés. Les mots supprimés doivent être rayés et comptés.

Rq.Le cas particulier des assignations

Un formalisme accru régit les assignations depuis le décret du 28 décembre 1998 : aux termes de l'article 56 CPC, celles-ci doivent contenir un exposé des moyens en fait et en droit, ce qui conduit à des exigences hétérogènes devant les juridictions sans représentation obligatoire quand existent plusieurs modes de saisine. Les assignations doivent également comporter en annexe un bordereau énumérant les pièces sur lesquelles la demande est fondée, qui doivent par ailleurs être mentionnées dans l'assignation. Cela constitue un élément de contradiction selon R. Perrot.
Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 a quant à lui eu pour objectif de favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges: à compter du 1er avril 2015, sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation doit également préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
La notification sert de point de départ à de nombreux délais et joue un rôle important en matière de contradiction.
Nous envisagerons les différentes formes de notification (art 654s. CPC), puis les modalités de la signification, étant précisé que ces règles s'articulent désormais avec les dispositions régissant la communication électronique devant les juridicitons civiles.


  • Notification ordinaire
    Elle se fait en principe par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire ; elle est réputée faite à domicile quand l'avis est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet (D. 28 déc 2005 applicable depuis le 1er mars 2006). Toutefois en cas de retour au secrétariat d'une lettre recommandée n'ayant pu être remise à son destinataire, le greffe doit inviter la partie à procéder par voie de signification (art 670-1 CPC). Il faut pouvoir justifier du respect de cette formalité, vérifiée et sanctionnée.
    Aux termes de l’art. 667 CPC, la notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé, alors même que la loi n’aurait prévu que la notification par la voie postale.
    Tx.Jurisprudence
    • Lorsque l'envoi d'une réclamation par LR-AR est requis, son simple dépôt auprès du destinataire ne constitue qu'un vice de forme (Civ. I, 17/1/08, Proc 08 n° 70).
    • Dans un arrêt du 26 juin 2007, la Cour de cassation valide, dans une procédure fiscale, une notification par LR signée par un tiers, considérant que le signataire avait avec le destinataire des liens suffisants, d'ordre personnel ou professionnel, et que l'on pouvait s'attendre à ce qu'il fasse diligence pour lui transmettre le pli (Com 26/6/07, RT 2007 809 n° 1). Elle est revenue sur cette solution dans un arrêt du 21 février 2008, où la remise avait été effectuée, non au destinataire, mais à son conjoint (Civ II, 21 fév. 2008, RT 2008 351 n°1).
    • La date de réception d'une notification par LR-AR est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire (Civ. III, 13 juillet 2011, Rev. Proc. 2011, Fasc. 10 n° 295, obs R. Perrot).
     
  • Notification dite "par acte du Palais" entre avocats (ou avoués auparavant).
    Elle est effectuée :
    • soit par l'intermédiaire d'un huissier-audiencier (art 672 CPC) (Exclusion d'un groupement d'huissiers audienciers : Paris, 20/3/98, D 99 658) ;

    • soit par remise directe entre avocats (art 673 CPC), la datation et le visa par le destinataire étant exigés (Civ. II, 29/4/04, Proc. 04 n° 125). S'agissant des avocats, il y a eu évolution avec l'introduction, par le Règlement Intérieur Unifié, des correspondances portant la mention « officielle » (RIU, art 3.2).

  • Signification
A défaut d'autorisation par la loi d'un mode de notification simplifié, l'intervention d'un huissier est obligatoire : celui-ci procède alors à une signification, soit à avocat, soit à partie, étant précisé que leur compétence territoriale, auparavant limitée au ressort du TI, s'étend à celui du TGI depuis le 1er janvier 2009, voire à tous les ressorts du département s'il y a plusieurs TGI (D. 28/8/2014).
La notification peut toujours prendre la forme d'une signification, même quand la loi prévoit un mode allégé.

Selon la Cour EDH, le principe d'égalité des armes, élément du procès équitable s'applique également à la notification et à la signification des actes judiciaires (Cour EDH, Milhopa/Lettonie, 31 mai 2007).

Tableau récapitulatif : Les différentes formes de notification


Notification ordinaireNotification par « acte du Palais »Signification
Lettre recommandée avec AREntre avocats : intervention d’un huissier-audiencier ou remise directeIntervention d’un huissier (mode normal)

La signification doit en principe être effectuée entre 6 et 21 heures, les jours ouvrables, sauf autorisation du juge (art 664 CPC).
Nous traiterons de la signification aux personnes physiques, puis aux personnes morales.

Rq.Le décret n° 2012-366 du 15 mars 2012 a institué, aux côtés de la signification papier une signification par voie électronique des actes d'huissier de justice (art 653 CPC)(voir n° 3, infra : La communication électronique devant les juridictions civiles).

Le code envisage plusieurs situations :
  • La signification à personne : La remise en mains propres d'un acte à son destinataire est le principe. La signification à personne peut se faire en tout lieu, même sur le lieu de travail.

  • La signification à domicile ou résidence : A défaut d'avoir pu signifier l'acte à personne, la signification peut être faite à domicile ou résidence.

En application du décret du 28 décembre 2005, l'huissier doit désormais justifier dans l'acte des circonstances caractérisant l'impossibilité de signifier à personne et de ses diligences pour essayer de joindre le destinataire (art 655 CPC).

Tx.Jurisprudence
Civ. II, 10 janvier 2013, JCP 2013 Fasc. 6 n° 142 note L. Sousa, Proc 2013 Fasc. 3 n° 67 obs. R. Perrot
Le décret du 28 décembre 2005 a entériné la rigueur des solutions retenues par la jurisprudence antérieure: sévérité face à des diligences résultant de mentions pré- imprimées : Civ II, 18 déc. 96, JCP 97 II 22870 - Obligation pour l'huissier de se renseigner soit auprès de son mandant (Civ II, 30/6/93, JCP 94 II 22274, note Du Rusquec), soit auprès de certains organismes quand il connaît la profession du destinataire (Civ III, 12/5/93, JCP 94 II 22320), voire auprès des enfants en matière alimentaire (Civ II, 15 nov 95, D 97 217) - V. cpdt sur la limite des exigences imposées à l'huissier : Civ II, 18 nov 04, Proc 05 n° 6.

La copie peut alors être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence, si cette personne l'accepte (avant 2006, l'art 655 CPC prévoyait aussi la possibilité d'une remise au gardien de l'immeuble ou, en dernier lieu, à un voisin). La copie de l'acte est remise au tiers sous enveloppe fermée. Un avis de passage circonstancié est laissé au destinataire, qui est en outre avisé immédiatement par lettre simple contenant copie de l'acte (art 658 CPC).

Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte, et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, il laisse un avis de passage mentionnant que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à son étude, contre récépissé ou émargement par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée (le décret du 28 décembre 2005 a supprimé la signification en mairie). La formalité d'avis de passage est doublée par l'envoi d'une lettre simple. La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant 3 mois et, passé ce délai, l'huissier est déchargé. L'huissier peut, à la demande du destinataire transmettre la copie de l'acte à une autre étude où il pourra être retiré dans les mêmes conditions. Même dans ce cas, la signification est qualifiée de faite à domicile ou à résidence (art 656 CPC).

  • La signification par procès verbal : Avant le décret du 20 juillet 1989, en cas d'absence de domicile, de résidence ou de lieu de travail connus, la signification était faite à parquet. Désormais l'huissier établit un procès-verbal (PV) de recherches infructueuses et envoie à la dernière adresse connue copie du PV et de l'acte, à la fois par LR-AR et lettre simple (art. 659 CPC). Cette procédure a été jugée conforme à la Convention EDH (Civ II, 19 déc 02, D 03 som com 1398). Elle peut être utilisée lorsque l'huissier, bien qu'ayant connaissance du lieu de travail du destinataire, ne réussit pas à lui remettre l'acte à personne sur ce lieu de travail (Civ. II, 19 oct. 08, D. 09 757) mais l'huissier doit dans tous les cas justifier de ses diligences (Civ. II, 10 janvier 2013, JCP 2013 Fasc. 6 n° 142 note L. Sousa, Proc 2013 Fasc. 3 n° 68 obs. R. Perrot).

  • La signification à parquet : La notification à parquet ne concerne a priori plus que les cas où le destinataire a sa résidence habituelle à l'étranger (art. 683 à 688 CPC).

Avant le décret du 28 décembre 2005, le code prévoyait aussi une signification à parquet si le destinataire était domicilié dans les collectivités d'Outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie. Celle-ci a été supprimée, au profit de la notification directe à l'autorité compétente, aux fins de sa remise à l'intéressé selon les modalités applicables dans la collectivité concernée (art. 660 CPC).

Par ailleurs, en matière internationale, les dispositions sur la notification à parquet ne s'appliquent qu'en l'absence du jeu de traités internationaux, notamment de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, et du règlement communautaire RCE n° 1393/2007, du 13 novembre 2007, sur la notification et la signification des actes de procédure au sein de l'Union Européenne.

En savoir plus : Le règlement communautaire relatif à la notification et la signification des actes de procédure

Le règlement RCE n° 1393/2007, du 13 novembre 2007 (JOUE n° L 324, du 10 décembre 2007), relatif à la signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale dans les Etats membres de l'Union européenne, est entré en vigueur le 13 novembre 2008 (JCP 07 actu n° 625 ; Proc Fév. 08 p. 2). Il a refondu et remplacé le règlement RCE n° 1348/2000 du 29 mai 2000 et contient un manuel des entités requises et un répertoire des actes susceptibles d'être notifiés ou signifiés.

La date de la signification d'un acte d'huissier de justice est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence, au parquet ou, dans le cas mentionné à l'art. 659 CPC, celle de l'établissement du procès-verbal (art. 653 CPC).


La signification est faite à personne lorsque l'acte est délivré au représentant légal de la personne morale ou à toute personne habilitée (art 654 CPC), en principe au lieu d'établissement de la personne morale.

Tx.Jurisprudence
Validité
  • d'une lettre recommandée avec AR signée au lieu d'établissement par un préposé ne faisant pas partie des personnes habilitées : Civ II, 22/1/97, JCP 97 II 22874, note critique Du Rusquec, RT 97 505.
  • d'une remise à un « responsable entretien » se déclarant habilité, ce dont l'huissier n'avait pas à vérifier l'exactitude : Com 12/11/08, Proc 09 n° 7 obs. R. Perrot.

A défaut de pouvoir être effectuée au lieu d'établissement, la notification peut être faite à la personne d'un représentant légal (art 690 CPC).

Tx.Jurisprudence
L'acte peut être délivré en un autre lieu que celui de l'établissement de la personne morale, à condition qu'il soit remis entre les mains de la personne ayant qualité pour la représenter : Civ. II, 30/4/09, Proc 09 n° 185.


L'huissier doit ensuite envoyer immédiatement une lettre simple, contenant aussi copie de l'acte, et indiquant à qui celui-ci a été remis.


Actualité 2015 :
Le D. n° 2015-282 du 11 mars 2015 a introduit dans le CPC un article 692-1 aux termes duquel, nonobstant toute disposition contraire, les convocations destinées aux personnes morales de droit privé, aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics à caractère administratif, aux organismes de sécurité sociale et aux autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif peuvent leur être adressées par le greffe par tous moyens auxquels ils ont préalablement consenti.
La convocation adressée dans ces conditions est réputée notifiée à personne à la date à laquelle son destinataire en a accusé réception. A défaut, elle est réputée notifiée à domicile.

Nous envisagerons tout d'abord les règles communes à toutes les juridictions civiles, avant de signaler quelques dispositions propres à certaines d'entre elles.


Dans les dispositions communes du code, le titre XXI, créé par le décret du 28 déc. 2005, traite de la communication par voie électronique (art 748-1 à 748-9 CPC).
Aux termes de l'article 748-1 CPC, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le code, depuis le 1er janvier 2009.
Un décret n° 2010-434 du 29 avril 2010, relatif à la communication par voie électronique en matière de procédure civile et applicable jusqu'au 31 déc. 2018, précise que « vaut signature, pour l'application des dispositions du Code de procédure civile relatives aux actes que les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues par les arrêtés ministériels pris en application de l'art. 748-6 CPC ».

La loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010 prévoit la possibilité de signifier les actes d'huissier de justice par voie électronique. Elle a été complétée par un décret n° 2012-366 du 15 mars 2012 qui institue aux côtés de la signification papier une signification par voie électronique des actes d'huissier (art 653 CPC)(L. Lauvergnat, Le décret n° 21012-366 du 15 mars 2012 : un nouveau souffle en matière de notification, Rev. Proc 2012, Fasc. 6 n° 3). Cette dernière ne peut être effectuée qu'avec l'accord du destinataire et doit faire l'objet d'un avis électronique de réception indiquant la date et l'heure de celle-ci. L'acte doit porter mention du consentement du destinataire à ce mode de signification, les originaux des actes doivent mentionner les dates et heures de l'avis de réception émis par le destinataire (CPC, art. 662-1 et 663, al. 4). La signification par voie électronique est une signification à personne dès lors que le destinataire de l'acte en a pris connaissance le jour de la transmission. Lorsque le destinataire de l'acte n'en prend pas connaissance ou en prend connaissance après ce délai, la signification est une signification faite à domicile. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2012, en même temps que l'arrêté définissant, en application de l'art 748-6 CPC, les garanties que doivent présenter les procédés utilisés par les huissiers pour signifier les actes par voie électronique (Arr. 28 août 2012).



Rq.La Chambre nationale des huissiers de justice a lancé le 10 janvier 2013, la plateforme e-palais (www.e-palais.fr) permettant une transmission sécurisée des actes du palais. Les actes déposés sur la plateforme, auprès des huissiers de justice audienciers, peuvent être signifiés par ces derniers aux avocats et au ministère public, et copie de cette signification transmise au greffe.

Actualité 2015 : Avis et convocations émanant des greffes (D. n° 2015-282 du 11 mars 2015)
  • Avis : aux termes de l'art. 748-8 CPC, lorsqu'il est prévu qu'un avis soit adressé par le greffe à une partie par tous moyens, il peut lui être envoyé au moyen d'un courrier électronique ou d'un message écrit, transmis, selon le cas, à l'adresse électronique ou au numéro de téléphone qu'elle a préalablement déclaré à cette fin à la juridiction. Cette déclaration préalable mentionne le consentement de cette partie à l'utilisation de la voie électronique ou du message écrit transmis au numéro de téléphone, pour les avis du greffe transmis dans l'instance en cours, à charge pour elle de signaler toute modification de son adresse électronique ou de son numéro de téléphone. Ce consentement peut être révoqué à tout moment.
  • Convocations : a également été ajouté dans le CPC un art. 748-9 qui prévoit que si des personnes morales de droit privé, administrations de l'Etat, collectivités territoriales, établissements publics à caractère administratif, organismes de sécurité sociale et autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif, y ont préalablement consenti, les convocations émanant du greffe peuvent leur être adressées par courrier électronique dans des conditions assurant la confidentialité des informations transmises. Ce consentement peut être révoqué à tout moment. La date de la convocation adressée dans ces conditions est, à l'égard du destinataire, celle du premier jour ouvré suivant son envoi. Elle est réputée faite à personne si un avis électronique de réception est émis dans ce délai et, faite à domicile dans le cas contraire.
Dans les deux cas, et par dérogation à l'art. 748-6 CPC, il n'est pas prévu d'arrêté technique.
Le fichier national des consentements sera tenu par la Chambre nationale des huissiers (en pratique cela concernera surtout les personnes morales).

  • E. Ricard et A. Ferrete, La technique au service de l'efficacité de la procédure civile : premières vues sur le décret du 28 décembre 2005, Proc. 06 chr. n° 17 §1.
  • JL. Vallens, La dématérialisation des décisions judiciaires : une évolution nécessaire, JCP 07 I 119
  • A. Coignac, Enquête : E-barreau et dématérialisation des procédures : « on ne va pas faire une justice virtuelle », JCP 2010 Fasc. 3, n° 46 ; La querelle e-barreau : vers une mutualisation de l'outil ? JCP 2010 F. 39 n° 939
  • J. Legrain , Le constat d'huissier sur Internet, JCP 2010 F. 39 n° 959.
  • Rapport sur la dématérialisation des procédures judicaires en France et en Europe, déposé en sept. 2011 par l'Institut sur l'évolution des professions juridiques (www.iepj.fr)
  • C. Bléry et JP Teboul, La communication par voie électronique, de la procédure civile avant tout, JCP 2012 Fasc. 46 n° 1189
  • Dossier sur la communication électronique (Proc 2014 Fasc. 10) :
  • N. Fricero, Demande en justice et nouvelles technologies, Proc 2014 Fasc. 10 n° 5
  • C. Bléry, Communication par voie électronique et procédure orale, Proc 2014. Fasc. 10 n° 4
  • Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable de différends : JCP 2015 Fasc. 16 n° 464, note crit D. Landry; H. Croze, JCP 2015 Fasc. 13 n° 356 ; Y. Strickler, Proc 2015 Fasc. 6 n° 6

Tout d'abord, un arrêté du 28 août 2012 contient diverses dispositions techniques de mise en Ĺ“uvre de l'art 748-1 CPC, et permet désormais la signification par voie électronique des actes du Palais devant les TGI, Cours d'appel et tribunaux de commerce (JP Teboul, Les actes du palais peuvent être signifiés électroniquement, JCP 2012 Fasc. 37 n° 955, H. Croze, Proc 2012 Fasc. 10 repère 9). L'opération est réalisée par un portail dédié mis à disposition par la Chambre nationale des huissiers de justice (art 8 arr. 28/8/2012). Aux termes de l'arrêté, les avocats ayant adhéré au RPVA sont présumés avoir accepté consentir à l'utilisation de la voie électronique et il n'est pas nécessaire de recueillir leur accord exprès en application de l'art 748-2 CPC.

  • TGI
La sécurité de connexion et la confidentialité des informations communiquées sont garanties par l'utilisation d'un applicatif de gestion fonctionnant sur un intranet, dénommé « Réseau privé virtuel justice (RPVJ), avec un dispositif de certification électronique permettant l'authentification et un dispositif sécurisé de création de signature électronique. Un premier arrêté, du 25 septembre 2008, consacrait les travaux menés entre le Conseil National des Barreaux et le Ministère de la justice pour permettre la liaison entre le réseau privé virtuel avocats (RPVA) et le RPVJ. Il précisait les actes concernés, ainsi que les éléments techniques et de sécurisation devant présider aux échanges (JCP 08 actu n° 599). Un nouvel arrêté du 7 avril 2009 fixe les garanties auxquelles doit désormais répondre la communication électronique devant tous les TGI.
Depuis le 2 avril 2012, les chambres civiles du TGI de Paris reçoivent les échanges entre avocats uniquement par voie électronique et aucune autre communication n'est plus possible.

Adhésion au RPVA et consentement aux échanges électroniques
Une division était apparue entre les juges du fond quant aux conséquences à donner à l'adhésion d'un avocat au RPVA (Réseau privé virtuel avocats) au regard des procédures dématérialisées. La Cour d'appel de Bordeaux avait considéré que cette adhésion emportait consentement à l'usage de la voie électronique en matière de signification (CA Bordeaux, 1re ch., 5 mars 2012, JCP 2012 n° 406 note H. Croze : en adhérant au RPVA et en devenant attributaire d'une adresse personnelle dont le caractère spécifique résulte de l'identification par son nom et son prénom précédé d'un radical unique constitué par son numéro d'affiliation à la Caisse nationale du Barreau français, un avocat doit être présumé avoir accepté de consentir à l'utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à son égard. Il n'est donc pas nécessaire de recueillir son accord express en application de l'art 748-2 CPC qui n'a pas vocation à s'appliquer entre avocats postulants adhérents au RPVA). La cour d'appel de Toulouse avait retenu une solution contraire et refusé l'acceptation tacite (CA Toulouse, 4 déc. 2012, JCP 2013 Fasc. 4 n°69 obs. C. Bléry). Dans un avis du 9 sept. 2013 la Cour de cassation a considéré que l'adhésion d'un avocat au RPVA emporte nécessairement consentement de sa part à recevoir la notification d'actes de procédure par la voie électronique (Cass Avis, 9 sept. 2013, D. 2013 2104,JCP 2013 Fasc. 39 n° 979 obs. C. Bléry).
Le pouvoir réglementaire en a tiré les conséquences puisque le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 a modifié l'art. 748-2 CPC, en y ajoutant que « Vaut consentement au sens de l'alinéa précédent, l'adhésion par un auxiliaire de justice, assistant ou représentant une partie, à un réseau de communication électronique, tel que défini par un arrêté pris en application de l'article 748-6 CPC ».

  • Cour de cassation : les dispositions de l'article 748-1 CPC, et la communication par voie électronique, sont en vigueur depuis le 1er juillet 2008 (arr. 17 juin 2008 : Proc 08, alerte n° 34, JCP 08 actu n° 459). 
  • Cours d'appel
    • En matière de procédure avec représentation obligatoire, le décret n° 2009-1524, du 9 décembre 2009, a prévu que le recours à la communication électronique devienne obligatoire. Le texte prévoyait que les déclarations d'appel et constitutions d'avoués soient déjà effectuées ainsi à compter du 1er janvier 2011 mais son entrée en vigueur a été reportée, une procédure expérimentale ayant néanmoins été introduite devant onze CA. Un arrêté du 30 mars 2011 a généralisé l'entrée en vigueur à compter du 1er septembre 2011. Pour tous les autres actes, dont les conclusions et la communication des pièces, la communication électronique en appel est obligatoire depuis le 1er janvier 2013.
    • Dans les procédures sans représentation obligatoire, un arrêté du 5 mai 2010 traite des modalités de la communication électronique avec les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties.

  • Tribunaux de commerce
    • Injonction de payer électronique : www.infogreffe.fr
    • Référé commercial : faculté pour les avocats de prendre date par internet devant le tribunal de commerce de Paris (JCP 06 actu n° 582).
    • Signature d'une convention nationale le 26 septembre 2008 entre le Conseil national des greffes des tribunaux de commerce, Infogreffe et le Conseil National des Barreaux.
    • Arr. 21 juin 2013 réglementant la communication par voie électronique dans les procédures devant les tribunaux de commerce (C. Bléry, JCP 2013 Fasc. 28 n° 792). En conséquence, a été signée, le 7 mai 2014, une convention pour développer la communication électronique entre avocats, juges consulaires et greffiers des tribunaux de commerce. Depuis la plate-forme e-Barreau, les avocats peuvent se connecter à la plate-forme iGreffe en cliquant sur l'onglet tribunaux de commerce. Ils peuvent enrôler leur assignation, voire bénéficier de la mise en état par voie électronique dans les procédures en cours.
    • D. 2015-1009 du 8 août 2015 et arrêtés du 17 sept. 2015, D. 2015 2312 obs. X. Huertas : portail électronique pour les procédures collectives (LR électronique pour mandataires et administrateurs judiciaire).
    • H. Croze, La communication électronique procédurale devant les tribunaux de commerce, JCP 2012 Fasc. 43 n° 1150
Le non-respect du formalisme peut tout d'abord se traduire par des sanctions disciplinaires et une condamnation à dommages-intérêts de l'huissier ou de l'avocat. Mais la principale sanction est la nullité de l'acte concerné.

Il existe deux formes de nullité dont les régimes sont distincts : la nullité pour vice de forme et la nullité pour irrégularité de fond.
Les conditions de prononcé de la nullité mettent en cause la conception que l'on retient du formalisme car des impératifs contradictoires existent en la matière : d'une part, faire respecter les exigences de forme imposées, ce faisant considérées comme essentielles ; d'autre part ne pas prononcer trop facilement une nullité susceptible de retarder l'avancement de la procédure, et pour cette raison risquant d'être " utilisée " par des plaideurs plus ou moins bien intentionnés.

Bibliographie : Brouillaud, Comparaison des procédures civiles et pénales, D 96 chr. 98.

Le régime en est strict et obéit à plusieurs règles :
  • Pas de nullité sans texte, sauf pour les formalités substantielles (exception ancienne et d'origine jurisprudentielle) ou d'ordre public art 114 CPC.
  • Pas de nullité sans grief, même pour les formalités substantielles ou d'ordre public. La charge de la preuve repose sur celui qui invoque la nullité. L'annulation ne dépend pas de la gravité de l'irrégularité ; le grief n'est pas l'intérêt à la voir prononcer mais la perturbation, appréciée in concreto , qui en résulte dans le déroulement du procès pour le plaideur en cause.
Tx.Jurisprudence
Possibilité de compléter certaines mentions de la déclaration d'appel au moyen d'éléments issus d'un autre acte de procédure : Civ 8/4/92, Gaz. Pal. 12 mai 93, note Du Rusquec.

  • L'invocation de la nullité doit respecter le formalisme et le régime des exceptions de procédure. Les irrégularités doivent donc être soulevées au fur et à mesure de l'accomplissement des actes : la nullité est couverte si une défense au fond ou une fin de non-recevoir a été invoquée auparavant. Les irrégularités doivent encore être invoquées simultanément s'il y en a plusieurs.

  • Enfin, selon l'art 115 CPC, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et s'il ne subsiste aucun grief (ex. : omission de signature d'un rapport d'expertise : D 95 71).

En savoir plus : La qualification de vice de forme
Le régime rigoureux des exceptions de nullité pour vice de forme a été à l'origine de problèmes de frontières avec les fins de non-recevoir (Civ III 2/10/96, JCP 96 II 22746; 24/1/01, Rev. Proc. 01 n° 132 : non-respect des formalités de saisine imposées par les textes) et les irrégularités de fond (non-conformité d'une déclaration d'appel par télécopie : Basse-Terre, 16/12/96, D 97 405 note Vray - Civ II, JCP 95 II 22512 Ammar : inexistence assimilable à une absence d'acte?), soumises à des règles plus libérales. La jurisprudence a fait preuve de rigueur en tendant à élargir le domaine des vices de forme.

Néanmoins les nombreuses tentatives d'évitement ont parfois rencontré un écho positif auprès de la Cour de cassation. C'est ainsi qu'il avait parfois été jugé que la qualification de vice de forme ne s'appliquait pas à certaines situations :
  • en cas d'omission d'un acte requis par la loi (Civ III, 6 déc. 78, Bull. civ. III n° 365, RT 79 835 obs. Perrot; Civ II, 1/3/95, JCP 96 II 22587 : inexistence d'un acte ayant pour objet une obligation de faire non délivré à son destinataire; Civ II, 8/6/95, Revue Justices n° 3 p. 365 ; Soc 6/2/03, RT 03 350 : l'arrêt assimile le régime de l'omission d'un acte à celui des irrégularités de fond). Cette solution a été transposée au cas d'utilisation de formes différentes de celles requises par les textes (Civ II, 9 mai 85, Bull. civ. II n° 94 : forme de l'acte d'appel ; autre mode au lieu d'une notification à personne : Civ III, 12/5/93, JCP 94 II 22320) ;
  • en matière d'actes extrajudiciaires (Civ I 5/3/02) ;
  • en cas d'incompétence territoriale de l'huissier (Civ II, 2 mai 76, D 77 125 Cornu, Gaz. Pal. 1977 182, note Viatte: qualification d'irrégularité de fond) ;
  • enfin, avait parfois été retenue l'existence d'une présomption de grief, la confusion avec les irrégularités de fond étant renforcée lorsque l'art 114 CPC n'était pas visé (Civ III, 12/5/93, JCP 94 II 22320).

La plupart de ces solutions ne pourraient plus être retenues depuis un arrêt de la chambre Mixte du 7 juillet 06 (JCP II 10146, note Putman et I 183 n° 12 obs. Serinet, RT 06 820 obs. Perrot), qui met fin à la notion jurisprudentielle d'inexistence d'un acte de procédure en cas de défaut d'une mention essentielle. La cour y affirme qu'un acte de procédure irrégulier, quelle que soit la gravité de l'irrégularité alléguée, ne saurait être affecté que d'une nullité pour vice de forme ou irrégularité de fond.
La jurisprudence postérieure en ce sens est abondante : il a par exemple été jugé que constituent des vices de forme le non-respect du délai de comparution (Civ. 19 nov. 09, RT 2010 152 obs. R. Perrot), le défaut de signature de la déclaration d’appel par l’avocat ou le plaideur (Soc 5/1/2011 et 4 oct. 2011, Proc 2012 Fasc. 12 alerte n° 56, obs C. Bléry et C. Raschel), une notification irrégulière par RPVA (Civ. II, 16 oct. 2014, JCP 2014 Fasc. 52 n° 1331), l'incompétence territoriale de l'huissier de justice dès lors qu'elle n'est pas visée par l'article 117 du code de procédure civile (Civ. II, 5 juin 2014, RT 2014 943 obs. P. Théry, D. 2014. 1722).


En revanche, il a été rappelé récemment que le défaut de saisine régulière d'un tribunal ne constitue pas un vice de forme mais une fin de non-recevoir et que celui qui l'invoque n'a pas à justifier d'un grief (Cass. 2e civ., 6 janv. 2011, Rev. Procédures 2011 Fasc. n° 85).
Nous aborderons successivement le domaine puis le régime des nullités pour vice de fond.

Voir l'art 117 CPC
L'irrégularité ici n'affecte pas l'instrumentum mais la manifestation de volonté.

Sont concernés :
  • le défaut de capacité d'ester en justice

Tx.Jurisprudence
A priori, le texte vise à la fois l'incapacité de jouissance et l'incapacité d'exercice. La sanction de l'incapacité de jouissance est toutefois controversée lorsqu'est en réalité en cause un défaut de personnalité juridique :

Voir Théry, RT 04 766 n° 1 : il y a discussion quant au moyen de défense retenu par la Cour de Cassation, et traitement parfois différencié de "l'inexistence" lorsqu'elle concerne le défendeur : Civ II, 27/6/02, D 03 som 1402 : irrecevabilité de la demande ; contra : Civ II, 8/7/04, D 05 som 335, visant les articles 114 et 117 CPC.Civ III, 10/6/98, Rev. Proc. 98 n° 243 : absence de personnalité juridique de la famille - Com 30 nov. 99, Rev. Proc. 2000 n° 101 : l'inexistence d'une personne morale n'est pas régularisable.

S'agissant des sociétés en formation, la chambre commerciale privilégie la sanction du défaut de droit d'agir au titre de l'article 122 CPC (Com 20 juin 2006, Bull. IV n° 146, D. 06 AJ 1820 et 2031 - Com. 3 oct. 06, Proc. 07 n° 9: l'inexistence de la personne morale qui déclare agir en justice doit être retenue même en l'absence de grief et n'est pas susceptible d'être couverte), alors que les deuxième et troisième chambre se prononcent pour la nullité de fond pour défaut de capacité de jouissance de la société au moment de l'assignation (Civ. II, 11 sept. 03, Bull. Civ. II n° 253, RT 04 766 ; Civ. III, 9 oct. 96, Proc 96 n° 348).

CA Toulouse, 9/5/06, JCP 07 II 10021 : l'absence de personnalité juridique d'un Consulat ne lui permettant pas de recevoir l'assignation destinée à un Etat étranger est qualifiée de défaut de qualité passive constituant un moyen de nullité de fond au sens de l'art 117 CPC.

  • le défaut de pouvoir d'une partie, s'agissant par exemple d'une partie atteinte d'une incapacité d'exercice (Com 23/6/93, RT 94 169: régularisation par l'intervention du liquidateur de l'appel du débiteur).

  • le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ou d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice.

  • le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice, par exemple dans le cas d'une absence de mandat de représentation ad litem.

Tx.Jurisprudence
Civ II, 22/5/95, Justices n° 3 p. 367 : l'absence de mention sur un acte de procédure de l'identité de la personne représentant la personne morale constitue un simple vice de forme - Civ II, 23 oct 03, Rev. Proc. 04 n° 3 : la territorialité de la postulation devant le TGI est une règle de fond dont la méconnaissance ne peut être régularisée en appel - Civ. III, 13 nov. 2013, JCP 2013 Fasc. 51 n° 1335 note D. Cholet : l'erreur dans la désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte d'appel avec ou sans représentation obligatoire, ne constitue qu'un vice de forme..


La réponse à la question de savoir si l'article 117 CPC présente ou non un caractère limitatif est controversée en doctrine.
La liste est en revanche jugée limitative par la Cour de cassation même si autrefois elle avait parfois constaté des nullités non incluses dans l'énumération sans exiger la preuve d'un grief.

Tx.Jurisprudence
Quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées par l'art. 117 CPC : Civ. III, 24 oct. 07, Proc 07 n° 272.

Dans le même sens : Civ II, 15 oct. 75, D 77 125 (1) note Cornu ; 30 nov. 77, Gaz. Pal. 78 1 291, note Viatte : signification d'un acte d'huissier non signé ; 24 fév. 83, JCP 83 IV 145 ; 15 mars 89, D 89 som. 275 ; Civ III, 12 oct. 05, Proc. 05 n° 270 et RT 06 150 n° 1. Contra, s'agissant de la procédure spéciale de renouvellement du bail commercial (art. 29s. D. 30 sept. 53) : Civ. III, 4 fév. 09, D. 09 2657 note J. Beauchard.
En savoir plus : Discussions doctrinales quant au caractère limitatif ou non de l'art. 117 CPC
  • Considéraient la liste comme non limitative G. Couchez, S. Guinchard, C. Giverdon, Tomasin (Mélanges Hébraud 1981, p. 853) et L. Cadiet. Certains y incluaient ainsi l'absence de consentement et le non-respect des conditions de fond de la validité des actes juridiques.

  • Ont manifesté une position plus nuancée Mme Lemée (J. Lemée, la règle pas de nullité sans grief, RT 82 p. 1) et J. Héron, selon qui " Pourvu qu'il soit celui que prévoit la loi, l'acte de procédure même très mal réalisé relève des vices de forme. Dans le cas inverse, l'article 114 NCPC n'est plus applicable".

Tous les auteurs prônaient néanmoins une certaine sévérité lorsqu'était en cause le respect de l'organisation judiciaire, des forclusions et déchéances, ou des principes fondamentaux tel le contradictoire.
Le régime des nullités pour irrégularité de fond est nettement plus souple que celui des nullités pour vice de forme :
  • Les nullités pour irrégularité de fond peuvent être invoquées sans texte et sans grief (art 119 CPC).
  • Elles peuvent,à moins qu’il en soit disposé autrement, être soulevées en tout état de cause, sous réserve de dommages-intérêts éventuels en cas d'invocation tardive à des fins dilatoires (art 118 CPC).
  • Elles doivent être relevées d'office si elles ont un caractère d'ordre public et le juge a par ailleurs la faculté de relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice (art 120 CPC).
  • La nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue lorsque la régularisation est possible (art 121 CPC).

Tx.Jurisprudence
La déclaration d'appel est un acte conservatoire susceptible d'être formé par un maire avec délibération régulatrice ultérieure du conseil municipal : Civ II, 24/9/97, Rev. Proc. 97 n° 256 . Même solution pour l’introduction d’un référé judiciaire (Civ. I, 3 fév. 2010, JCP 2010 Fasc. 15 n° 414 , note D. Cholet) - L'absence d'autorisation d'agir au nom du département donné par le Conseil général à son président existe dans le seul intérêt de la collectivité territoriale et la partie adverse n'est pas autorisée à s'en prévaloir : Civ. II, 16 mai 2013, Proc 2013 n° 209 obs. R. Perrot, JCP 2013 Fasc. 47 n° 1225 obs. YM Serinet.

Des divergences jurisprudentielles ont existé quant à la détermination du « moment où le juge statue » et à la possibilité de régularisation en appel. V. notamment Civ 1, 6 oct. 98, Rev. Proc. 98 n° 167 et Proc. 99 n° 27 : admission de la régularisation en appel d'un défaut de représentation en matière d'adoption.

La régularisation des pouvoirs du syndic (nullité de fond) ne peut intervenir après expiration du délai d'appel (Civ. III, 16/9/2015, JCP 2015 Fasc. 45 n° 1205 note JM Roux).

Quelle qu'en soit la cause, vice de forme ou irrégularité de fond, l'effet de la nullité se limite à l'acte nul et à la nullité par voie de conséquence des actes postérieurs fondés sur lui. Les conséquences peuvent être plus graves lorsque la nullité affecte l'acte introductif d'instance ou conduit à la perte d'un droit, notamment du fait de l'expiration d'un délai.

Tableau récapitulatif : La nullité des actes de procédure


 Nullité pour vice de formeNullité pour irrégularité de fond
Domaineomission ou irrégularité d'une mention requisesanction du défaut de capacité ou du défaut de pouvoir / d'une partie / d'un représentant
Conditions d'invocation   
Texte exigéoui, sauf formalités substantielles ou d'ordre publicnon
Grief exigéoui, y compris pour les formalités substantielles ou d'ordre public.non
Invocation in limine litis oui, au fur et à mesure des actes + invocation simultanéenon, mais DI possibles si invocation tardive abusive
Invocation d'office par le juge 
  • devoir si caractère d'ordre public
  • faculté si défaut de capacité d'ester
Régularisation oui, avant forclusion si disparition du griefoui, si disparition du vice lorsque le juge statue

Section 2. Les délais de procédure


Df.En procédure, le délai est le temps donné pour accomplir un acte ou prendre une décision. Les délais mettent aussi en cause la durée de l'instance et la protection des droits de la défense.

Tx.Jurisprudence
Le délai raisonnable de la Convention EDH :

  • voir la jurisprudence citée leçon 2, section 1 § 6 ;
  • le juge doit utiliser toutes ses prérogatives processuelles pour faire en sorte qu'il soit respecté : Cour EDH 9 nov. 99, Rev. Proc. 2000 n°93;
  • ce délai s'apprécie eu égard à la complexité du litige : Civ I, 22/3/05, Bull. civ. I, n° 149, JCP 05 IV 2065 ;
  • le délai raisonnable n'est toutefois pas applicable à une procédure conservatoire : Cour EDH 28/6/01, D 02 som. 689.


Il existe plusieurs sortes de délais :
  • des délais légaux,
  • des délais judiciaires (ex. : délais en matière d'instruction).

Certains sont des délais de forclusion, destinés à combattre l'inertie des parties, d'autres sont des délais d'attente pour s'organiser (ex. : délai de comparution).

Quant à leur durée, il existe des délais d'heure à heure (ex : référé), de jour à jour, de mois à mois (calculés de quantième à quantième), ou d'année à année (ex : délai de péremption de l'instance).
Deux questions seront examinées : la computation (calcul) des délais et la sanction de leur non-respect.


Df.En procédure, il n'existe pas de délai franc (Le Bars, JCP 2000 I 258).


La règle est que le dies a quo est intégré dans le délai. Ce principe reçoit toutefois une exception pour les délais exprimés en jours, dont le point de départ est le lendemain à 0 H (art 641 CPC) : les délais de jour à jour sont calculés de minuit à minuit.
En cas de notification par voie postale, le point de départ du délai est la date d'expédition pour l'expéditeur, celle de la réception pour le destinataire (art 668s CPC - Civ II, 5 oct. 83, JCP 86 II 20560 note Joly ; Soc 5 nov. 84, JCP 86 II 20560 note Joly ; Civ III, 9 déc. 98, JCP 99 II 10063).
Le dies ad quem est aussi intégré dans le délai : les délais de mois à mois sont calculés de quantième à quantième.
Le délai expire le dernier jour du mois portant le même quantième à 24 H ou bien le dernier jour du mois, si le nombre de jours diffère.
Tx.Jurisprudence
  • CA Douai, 25 oct. 201, D. 2002 367 note A. Bottiau : recevabilité d'un appel formalisé par télécopie en dehors des heures d'ouverture du greffe.
  • CA Paris, 26 mai 2015, JCP 2015 Fasc. 28 n°827 note C. Bléry : recevabilité d'un contredit formé par voie électronique après l'heure de fermeture du greffe d'un tribunal de commerce.

En cas d'expiration un weekend ou un jour férié, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant (art 642 CPC).

Tx.Jurisprudence
  • solution étendue au cas de fermeture du greffe : Civ II 4 oct. 01, Rev. Proc. 01 n° 208
  • application à tous les délais même préfix : Civ III, 18/2/04, D. 04 som. com. 1206.


La règle reçoit toutefois exception dans les cas où un acte devait être accompli avant l'expiration d'un délai (Civ II, 4/2/98, Rev. Proc. 98 n° 80 ; 14 fév. 90, Bull. civ. II n° 32 et 33, RT 90 557 : incident de saisie immobilière ex-art 727 C.Proc.Civ.). Les délais à rebours seraient ainsi des délais francs insusceptibles de prorogation.

Pour les délais exprimés à la fois en jours et mois, on décompte d'abord les mois, puis les jours (art 641 CPC).

Ex.Avant la réforme des successions par la loi du 23 juin 2006, délai de 3 mois et 40 jours en cas d'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire.
Certains délais font tout d'abord l'objet d'une augmentation légale en raison des distances. Les délais de comparution et d'exercice des voies de recours sont ainsi augmentés d'un mois pour les personnes demeurant dans les DOM-TOM et de deux mois pour celles demeurant à l'étranger, sans tenir compte de leur nationalité. Cela peut être discuté si l'on considère que la Suisse est plus proche que la Nouvelle-Calédonie !

Tx.Jurisprudence
Les délais de distance s’appliquent même en cas de signification au domicile élu en France d’une personne demeurant à l’étranger (Cass. civ. 2, 9 sept. 2010, Proc 2010 F. 11 n° ; obs. R. Perrot).
En revanche, ils ne s'appliquent pas :
  • au délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation : Soc 4/3/99, D 99 som. 213, Civ II, 27/5/04, Proc 04 n° 176
  • en matière de référé : Civ. II, 9 nov. 06, Proc. 07 n° 7
.

Ensuite, le juge a parfois la possibilité de modifier des délais.Il peut ainsi abréger le délai de comparution ou autoriser une assignation à jour fixe en cas d'urgence. Il a par ailleurs la possibilité d'allonger certains délais judiciaires (délai de dépôt des conclusions au niveau de la mise en état), cette prérogative n'existant pas pour les délais légaux.

Les délais peuvent enfin se trouver affectés par l'effet d'un moratoire (initiative du législateur) les suspendant.

Mémo récapitulatif : la computation des délais


Point de départ des délais = dies a quoExpiration des délais = dies ad quem
Principejour de la formalité intégré dans le délaidernier jour du délai / minuit
  • dernier jour du mois avec même quantième
  • dernier jour du mois si nombre de jours distinct
  • si expiration weekend/jour férié =) prolongation jusqu'au premier jour ouvrable
Exceptiondélais en jours : point de départ = lendemain à 0 HModulation des délais
  • délais de distance : délais de comparution / exercice des voies de recours :+ 1mois : DOM-TOM+ 2 mois : étranger
  • possibilité de modification par le juge de certains délais
  • suspension par le législateur (moratoire = rare)



Df.Le non-respect d'un délai peut conduire à une déchéance ou à une forclusion : ainsi l'irrecevabilité d'un recours tardif.
Rappel : le juge doit relever d'office la forclusion liée au non-respect des délais d'exercice des voies de recours (art. 125 CPC).

Pour les délais de protection, la déchéance n'a pas lieu de plein droit : le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation (V. cependant Civ. 19 nov. 09, RT 2010 152 obs. R. Perrot, jugeant que le non-respect du délai de comparution constitue un vice de forme).

Il existe parfois une possibilité de relevé de forclusion : tel est le cas en matière d'opposition et d'appel, pour les jugements par défaut ou réputés contradictoires (art 540 CPC). Il en est de même en matière gracieuse (art 541 CPC).
Enfin, la force majeure a parfois été admise comme pouvant donner lieu à titre exceptionnel à une suspension de délais (ex : cas de grève des postes).

Tx.Jurisprudence
En jurisprudence, la question se pose de savoir si le non-respect des délais, lorsqu'il est imputable aux auxiliaires de justice, peut être sanctionné sans porter atteinte au droit au procès équitable. Une atteinte est jugée possible par la Cour EDH (Cour EDH, 11/1/01, Plakatou). Tel n’est pas le cas, selon la Cour de cassation, en raison de la possibilité d’exercer des actions en responsabilité contre les auxiliaires de justice concernés (Cass. Civ. II, 12/7/01, D 01 som. Com. 2712).
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