Droit au secret professionnel et à la confidentialité
V. Nioré, le secret professionnel de l'avocat : un chef d'oeuvre en péril, JCP 2014 Fasc. 43 n° 1095
Le
principe de confidentialité des correspondances joue quel qu'en soit le support et doit conduire à faire rejeter des débats judiciaires tout document y portant atteinte. Le secret l'emporte ainsi sur le droit de perquisition du fisc sauf s'il s'agit d'établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée (Com 5/5/98, JCP 98 II 10126 ; 15 déc 99, JCP 99 I 126 n° 6 - D 02 som 855 - Une perquisition dans un cabinet ne peut avoir pour objet de rechercher des éléments d'incrimination contre l'un des clients de l'avocat : Cour EDH 24/7/08, JCP 08 I 184 n° 4). La règle est identique s'agissant de l'interception de conversations téléphoniques (Crim, 17/9/08, JCP 09 I 120 n° 7), même dans le cadre d'une commission rogatoire régulière (Crim. 18 janv. 2006, JCP 06 II 10085 note Martin).
Le secret professionnel s'applique aussi, sans exception, à toutes les correspondances "
non officielles " échangées entre avocats (Civ I, 4/2/03, JCP 03 I 128 n° 11 obs. Cadiet et JCP 03 II 10035 conclusions Sainte-Rose – Y. Avril, Lettre entre avocats : la fin d'une querelle, D. 2010 p. 1502).
A l'inverse, entre avocats de l'UE, s'applique le principe de non confidentialité sauf mention contraire (sur les pouvoirs de vérification de la Commission Européenne et l'absence de confidentialité des communications entre les avocats exerçant en entreprise et cette dernière : voir TPICE, 17 sept 07 aff. T-253/03, JCP 07 actua n° 442, JCP 07 I 206 n° 5; CJUE, 14 sept. 2010, D. 2010 2149, D. 2011 552 § IIID obs. B. Blanchard, JCP 2010 F. 43 n° 1068 § 3, C. Nourrissat, Proc. 2010 Fasc. 11 n° 375).
Le client d'un avocat a toutefois le pouvoir d'ôter à la missive dont il est l'auteur son caractère confidentiel (Civ I, 4/4/06, JCP 06 II 10106, Proc 06 n° 125 - Civ. I, 30/4/09, D. 09 2710 §IV VI). L’avocat peut également envoyer à un tiers une note d’entretien, dès lors que ledit tiers a participé à la réunion concernée (Civ. I, 14 janv. 2010, JCP 2010 Fasc. 4 n° 81, D. 2010 1125, note Moret-Bailly,D. 2011 552 § IIIA obs. B. Blanchard).
Le règlement intérieur d’un barreau ne peut toutefois étendre le principe de confidentialité en dehors des hypothèses de secret professionnel visées par la loi (Civ. I, 22 sept ; 2011, JCP 2011 fasc. 46 n° 1243 obs. Y. Repiquet ; Y. Avril, Le secret professionnel des avocats, force ou alibi, D. 2011 2979). Suite à cet arrêt, le CNB a adopté les 14-15 sept. 2012 une résolution visant à renforcer la protection du secret professionnel, la confidentialité des échanges et à modifier le régime des preuves constituées par les correspondances entre avocats et clients (JCP 2012, Fasc. 39 n° 1028).V. aussi Paris, 29 sept. 2011, D Martin, Correspondances d'avocat : la cour d'appel de Paris en état de récidive, D. 2012 204).
Tx.Jurisprudence
La Cour EDH juge contraire à l'article 10 de la Convention (droit à la liberté d'expression) la condamnation pour violation du secret professionnel d'une avocate s'étant exprimée dans la presse à propos d'un rapport d'expertise couvert par le secret de l'instruction (Cour EDH 15 déc. 2011, D. 2012 667 obs. S. Lavric ; ibid. note Lyn François).
Ces dernières années, la profession a manifesté son inquiétude à plusieurs égards.
Tout d’abord, face à l'art. L 434-7-2 C. Pén., issu de la loi sur la criminalité organisée, qui réprime la révélation d’informations de nature à entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité.
Ensuite, à l’occasion de la transposition de la directive européenne
anti-blanchiment du 4 décembre 2001 (directive 2001/97/CE, art 2) qui soumet les avocats à une déclaration de soupçon, sauf en matière d’activité juridictionnelle et de consultation (art. L 562-1s. C. monét. Fin.)(JCP 04 actua. 230 : Aperçu rapide n° 2A, Croze, Incidences procédurales de la loi du 11 février 2004, Proc. 2004 chr. n° 5 - V. aussi décret d’application n° 2006-736 du 26 juin 2006). Les avocats avaient déféré au Conseil d’Etat le décret du 26 juin 2006 relatif à la
déclaration de soupçons, qui ne conservait de l’exclusion légale que les activités juridictionnelles (omission de la consultation), en considérant qu’il portait notamment atteinte à l’indépendance de la profession. Dans un arrêt du 10 avril 2008, le Conseil d’Etat a jugé que la directive du 4 déc. 2001 et la loi de transposition du 11 février 2004 étaient conformes à la Convention EDH, et que les avocats devaient bien contribuer au dispositif préventif de lutte contre le blanchiment. En revanche, il a estimé que les dispositions réglementaires adoptées contrevenaient à cette loi et devaient être annulées (relations individuelles directes avec la cellule TRACFIN et non-exclusion des consultations juridiques : CE 10/4/08, D. 08 2322 note Cutajar, JCP 08 II 10125 note Tinière, JCP 08 I 184 n° 3).
Tx.Jurisprudence
La CJCE a jugé que les obligations d'information et de coopération pesant sur les avocats lorsqu'ils participent à certaines transactions financières ou immobilières n'ayant pas de lien avec une procédure judiciaire ne violent pas le droit à un procès équitable garanti par l'art. 6 de la Convention EDH (CJCE, 26/06/07, JCP 07 I 205 n° 6 et II 10137 note Cachard).
Le régime de la déclaration de soupçons a été durci davantage encore par la 3ème directive anti-blanchiment, (Dir. n° 2005-60 du 26 octobre 2005 – O. Cachard, Le secret de l’avocat en Europe, JCP 06 actu n° 465), transposée par une ordonnance n° 2009-104, du 30 janvier 2009 (CREA/CNB et Jamin, JCP 09 I 120 n° 4) et trois décrets d’application, mais avec dispense des obligations de vigilance pour les informations reçues par les avocats dans le cadre de leur activité juridictionnelle. Ceci ne semblait pas conforme à la directive mais le Conseil d'État a néanmoins rejeté le recours formé contre les décrets en cause (CE, 14 oct. 2011, n° 332126, Ordre des avocats au barreau de Paris : JCP G 2011, act. 1209, obs. Ch. Cutajar, JCP 2012). La cour EDH a validé la transposition intéressant les avocats, au regard du respect de leur secret professionnel, dès lors que les obligations mises à leur charge ne portent pas sur leur « mission de défense » et que leurs relations avec la cellule TRACFIN imposent l'intermédiation de leur bâtonnier (Cour EDH, Michaud/France, 6 déc. 2012, D. 2013 Fasc. 4 p. 284 note F. Deferrard, JCP 2013 n° 187, note H. Robert, Proc 2013 Fasc. 2 n° 43 note N. Fricero).
Rq.Bibliographie : C. Cutajar, JCP 09 actu n° 70 et Déclaration de soupçon du blanchiment de la fraude fiscale, A propos du décret du 16 juillet 2009, JCP 09 n° 36, 189 - C. Cutajar et M. Beaussier, Les avocats et la lutte contre le blanchiment, JCP 09 Fasc. 48 n° 474 – H. Robert, Professions juridiques et prévention du blanchiment Après la transposition de la directive (CE) 2005/60 du 26 octobre 2005, JCP 2010 Fasc. 7 n° 202 - F. Sicard et A. de la Ferté-Sénectère, De l'indépendance de l'avocat en droit constitutionnel français, JCP 2015 n° 1082
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