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Institutions et principes fondamentaux du procès civil

La juridiction : l'organisation judiciaire (principes généraux de fonctionnement et d'organisation)

La leçon 2 est la première d'une série de cinq leçons consacrées à la notion de juridiction et qui traiteront successivement de l'organisation judiciaire, de la compétence des juridictions, des actes du juge et de la spécificité de la fonction juridictionnelle.La leçon passe en revue différents principes gouvernant le fonctionnement des institutions judiciaires civiles et se poursuit par une présentation de l'organisation et du fonctionnement des juridictions.



Après une présentation de l'organisation judiciaire et des règles de compétence gouvernant l'intervention des juridictions, cette première partie du cours traitera des actes du juge et de la spécificité de la fonction juridictionnelle.

L'organisation et le fonctionnement des institutions judiciaires doivent répondre à un certain nombre de conditions et de principes généraux. Après avoir passé ces principes en revue, nous présenterons les différentes juridictions appelées à statuer en matière civile. Enfin, les professions qui contribuent au fonctionnement de la Justice civile seront étudiées dans la leçon 3.

Section 1. Principes généraux de fonctionnement des institutions judiciaires civiles

Tout d'abord, le fonctionnement des institutions judiciaires doit respecter les principes issus de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (§1). Ces exigences ont parfois eu des conséquences ponctuelles sur l’organisation de notre justice civile, laquelle est par ailleurs régie par des principes traditionnels, globalement convergents avec ceux issus de la Convention EDH (§ 2).


Outre le droit d’accès à un tribunal et le droit à l’exécution des décisions de justice (voir leçon 1), la Cour EDH considère que doivent être respectées des garanties de bonne justice d’ordre procédural et notamment le droit à un procès équitable, public, dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, tel que visé par l’art. 6 §1.

La Cour EDH appréhende le droit à une bonne justice à la fois au regard de la composition et de l’organisation du tribunal (A) et des garanties mises en place au niveau du déroulement de l’instance (B).


La question du droit à un bon juge postule sans doute une réflexion sur le choix d’une organisation de type collégial ou à juge unique (voir §2, infra) mais la convention pose surtout clairement l’exigence du droit à un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi.

  • Tribunal : le pouvoir de rendre une décision obligatoire définitive ne peut émaner d’une autorité non judiciaire au détriment d’une partie (Cour EDH, 19/4/94, GP 28 sept 95 note Pettiti).
  • Tribunal indépendant : l’indépendance, préalable à l’impartialité, fait référence à l’absence de liens avec d’autres pouvoirs ou avec les parties, et implique pour les juges la possibilité d’exercer leurs fonctions en toute liberté, sans entrave ni pression externe. Pour l’apprécier il faut tenir compte du mode de désignation et de la durée du mandat des juges, et des garanties contre des pressions extérieures et en termes d’indépendance (Cour EDH, Delcourt, 17 janvier 1970 ; Sramek, 22 octobre 1984). Comme nous allons l’examiner plus loin au regard du principe de séparation des pouvoirs (§2), il doit y avoir indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif, en ce sens que le tribunal ne doit pas recevoir d’injonctions intéressant son activité juridictionnelle et que si tel était le cas, les parties devraient pouvoir disposer d’un recours devant un tribunal.
  • Tribunal impartial : parmi les principes énoncés par l'article 6§1, celui d'impartialité, lié à l’organisation et au fonctionnement interne des juridictions, fait l'objet d'une jurisprudence abondante, à l'origine de plusieurs évolutions textuelles (RT 00 618 - D 01 chr 2427).
    L'impartialité peut tout d'abord s'apprécier de manière subjective, du point de vue du sentiment éprouvé par le juge dans son for intérieur, dans sa conscience intime (Cour EDH, 1er oct. 82, Piersak/Belgique, série A n° 53). Mais le défaut d'impartialité subjective n'est pas nécessairement aisé à établir.
    L'impartialité peut aussi se déterminer de manière objective, en fonction des circonstances dans lesquelles le juge intervient, en lien avec la composition de la juridiction ou le fait qu'il ait déjà connu de l'affaire auparavant, en une autre qualité (impartialité fonctionnelle): c'est le critère de l'apparence, que traduit la formule « Justice must not only be done, it must also be seen to be done» (Cour EDH, 22 oct. 84, Sramek/Belgique, série A n° 84).
    La jurisprudence européenne retient désormais une conception plutôt pragmatique du défaut d’impartialité fonctionnelle : elle a rejeté une application indifférenciée du critère objectif pour dépasser l'approche fondée sur les apparences (Cour EDH, Kleyn/Pays-Bas, 6 mai 2003, P.A. 2004 n° 44 : exercice successif de fonctions consultatives et juridictionnelles par le Conseil d'Etat).

    Ex.Exemples d'atteintes à l'exigence d'impartialité :
    • Non-respect du principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement en cas de présence du rapporteur lors du délibéré des autorités administratives indépendantes (Ass Plén 5/2/99 (C.O.B.) : JCP 99 II 10060, RGP 99 275, RT 00 625 ; V. Magnier, JCP 00 I 252). La CA de Paris a statué dans le même sens à propos du Conseil de la concurrence (RGP 99 719), à la différence du Conseil d’Etat (CE Ass 9 déc 99 : Conseil des marchés financiers ; Conseil National de l’Ordre des médecins ; CNIL, JCP 99 Fasc 50 actua).
    • Dans le même sens, sanction par la Cour EDH de la participation au délibéré du commissaire du gouvernement (devenu rapporteur public) devant le Conseil d’Etat (Cour EDH, 7/6/01, Kress/France, D 01 2619, JCP 01 II 10578 ; Cour EDH 5/7/05, Loyen/France, JCP 06 II 10016, dont s’infère l’inconventionnalité de la présence même au délibéré du commissaire du gouvernement) et la Cour des comptes, que cette présence soit active ou passive (Cour EDH 12/4/06, JCP 06 I 157 n° 12 et I 164 § n° 5).
    • Conseil constitutionnel (QPC), DCC 8 juill. 2011, JCP 2011 F. 29 n° 868 : le cumul des fonctions d'instruction et de jugement du juge des enfants est jugé contraire au principe d'impartialité.
    • Cass. soc., 23 oct. 2013, Proc. 2014 Fasc. 1 n° 13 obs. A. Bugada : en statuant en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, une cour d'appel viole l'art. 6§1 de la Convention EDH.
    • Crim 13/1/2015, (affaire AZF), JCP 2015 Fasc. 4 n° 50 note M. le Pogam, Fasc. 8 note 121 H. Matsopoulou et n° 122 note J. van Campernolle: le principe d'impartialité est méconnu dès lors que les liens existant entre le juge et certaines parties créent un doute raisonnable, objectivement justifié, quant à l'impartialité de la formation de jugement (impartialité subjective).

Est ici notamment visé le droit à un procès équitable, public et d’une durée raisonnable.
Nous n’aborderons dans ce paragraphe que le droit à un procès équitable, les autres principes étant examinés lors de l’étude des règles traditionnelles d’organisation de la justice civile (§2, infra).

L’idée d’équité résume à elle seule l’ensemble des garanties énoncées par l’art 6§1. La notion bénéficie néanmoins d’une autonomie d’interprétation propre, permettant de vérifier qu’un procès a été équitable dans son intégralité, au-delà des garanties expressément citées par le texte.

Tx.Jurisprudence
: le droit à un procès équitable relève de l'ordre public international au sens de l'art 27 de la Convention de Bruxelles modifiée.

En savoir plus : Droit à un procès équitable et rétroactivité des revirements de jurisprudence
  • Cass. Civ. I, 11 juin 2009, JCP 09 n° 41 et D. 09 2599 : la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable, pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge (voir également N. Molfessis, La Cour de cassation face à la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence, D. 09 chr. 2567).
  • Cour EDH, 26 mai 2011, Legrand /Fr, JCP 2011 Fasc. 26 n° 742 et actu 730 aperçu rapide A. Marais, Proc. 2011 Fasc. 7 n° 229, note N. FRICERO : la Cour EDH admet qu’un revirement de jurisprudence puisse de façon rétroactive et en lien avec le principe de concentration des moyens, priver des requérants de leur droit à réparation sans porter atteinte à leur droit d’accès au tribunal. Elle considère qu'il n'y a pas d'atteinte au droit à un procès équitable si la Cour de cassation applique immédiatement un revirement de jurisprudence survenu avant la formation du pourvoi et connu des parties. En conséquence, il n'y a pas violation de l'article 6 § 1, si la demande devant le juge civil est déclarée irrecevable, sur le fondement de la chose jugée tirée de l'art 1351 Cciv., le demandeur n'ayant pas concentré tous ses moyens devant la juridiction pénale pour obtenir réparation de son préjudice.

Par ailleurs, a été dégagée comme découlant des exigences du procès équitable la notion d’égalité des armes : « toute partie à une action civile doit avoir une possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse » (Cour EDH, Swabowicz c/Suède, 30 juin 1959, Annuaire II p. 535). Cela inclut la possibilité de présenter ses preuves (Cour EDH, 27 oct. 1993, série A 274, JCP 94 I 3742 n° 14 obs. F. Sudre), de même que l’obligation de loyauté dans la recherche de la preuve. Le contradictoire s’y intègre également (Cour EDH, 23 juin 93, Ruis Mateos/Esp., série A n° 262 § 63), de même que les relations avec le Ministère public.

Même si l’ensemble de la procédure est examiné en bloc, la Cour EDH fait du respect du droit à un procès équitable l’un des critères d’appréciation de son contrôle de la proportionnalité des ingérences des Etats dans les droits substantiels garantis aux individus par la Convention EDH. Selon la doctrine, le droit au procès équitable est devenu l’une des pierres angulaires du droit de la Convention et constitue désormais un droit substantiel (S. Guinchard, Le procès équitable, garantie formelle ou droit substantiel, Mel. G. Farjat, 1999 p. 179).
Les principes affirmés comme gouvernant l'organisation de notre justice civile sont les suivants : principe de séparation des pouvoirs, d'égalité devant la Justice, de gratuité de la Justice, de collégialité et de permanence des juridictions, de célérité. S’y ajoutent les règles relatives à la classification et à la hiérarchie des juridictions.
Comme nous le verrons, certains de ces principes ont été renforcés, notamment du fait du jeu de la convention EDH, alors que d’autres ont parfois subi des atteintes susceptibles d’en réduire la portée.
Le principe a été édicté dans le but de garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Tx. La Constitution de 1958 fait référence aux pouvoirs législatif et exécutif et, dans ses articles 64 à 66, traite de l'autorité judiciaire, dans une perspective de protection des libertés individuelles.
L'article 6 de la Convention EDH peut aussi en constituer un fondement puisqu'il contient cette même exigence d'indépendance.
Ce principe se traduit par une interdiction faite au pouvoir judiciaire d'attenter aux prérogatives du législatif ou de l'exécutif, tout en protégeant son indépendance vis-à-vis de ces mêmes pouvoirs.

Diverses dispositions permettent d'éviter un excès de pouvoir, susceptible de résulter d'un empiétement de l'autorité judiciaire sur les compétences du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif.

  • La première illustration est l'interdiction des arrêts de règlement, posée par l'article 5 du Code civil.
    Un juge ne peut rendre de décisions de portée générale. Il ne peut raisonner qu'au cas par cas, sans faire référence aux précédents, comme c'est le cas en droit anglo-saxon.

    Tx.Jurisprudence
    Civ. II, 4 fév. 2010, RT 2010 375 obs. R. Perrot.

    Rq.Un auteur a soulevé la question de l'incidence des questions préjudicielles communautaires : J. Huet, Union européenne et démocratie : prohibition des arrêts de règlement et avis de décès de l'article 5 du Code civil, JCP 2011 F. 17 n° 473


    Mais le juge doit interpréter les lois et il a même l'obligation de suppléer à leur silence : c'est l'interdiction du déni de justice (art 4 CCiv).

    En pratique la jurisprudence, née de la répétition et de l'autorité de certaines décisions, notamment émanant des juridictions supérieures, n'en est pas moins une source de droit.

    Tx.Jurisprudence
    Sur la portée de la règle : Cass. com., 4 mai 2010, Proc 2010 n° 262, obs. R. Perrot, Le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans en différer l'examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve.


  • Ensuite, les juges ne peuvent se prononcer directement sur la constitutionnalité des lois.

    Une évolution résulte cependant de l’introduction récente de la question prioritaire de constitutionnalité, instituée par l’article 61-1 de la Constitution et précisée par la loi organique du 10 décembre 2009 (validée par le Conseil Constitutionnel le 3 décembre 2009 : DCC n° 2009-595 – JCP 09 Fasc. 51 n° 568). Cette loi, entrée en vigueur le 1er mars 2010, instaure un contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois déjà entrées en vigueur (B. Mathieu, La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit – A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 et de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 DC, JCP 09 Fasc. 52 n° 602 – Croze, Proc. 2010 n° 2 & JCP 2010 Fasc. 9 n° 269 ; G. Drago, Vers la question prioritaire de constitutionnalité ; une constitution proche du citoyen, JCP 2010 Fasc 1 n° 2).

    La réforme permet à tout justiciable de soutenir devant un juge (hors Cour d’assises) qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et liberté garantis par la Constitution. Si la juridiction en cause décide de transmettre la question au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation, elle doit en principe surseoir à statuer. Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation décident alors si le Conseil constitutionnel doit être saisi de la question. Si elle lui est renvoyée, celui-ci peut la trancher et, le cas échéant, abroger la disposition en cause.

    En savoir plus : La question prioritaire de constitutionnalité
    Les règles de procédure propres aux juridictions judiciaires et administratives sont précisées par le D. n° 2010-148 du 16/2/2010 (H. Croze, Proc 2010 n° 4 alerte 17), tandis que le Conseil constitutionnel a fixé dans son règlement intérieur la procédure applicable devant lui (Décision du 4 fév. 2010 ; B. Mathieu, JCP 2010 fasc. 9, N° 238). A cet égard, la Cour EDH avait précisé que cette procédure était soumise aux règles du procès équitable (Cour EDH, 13 oct 2009, Ferré Gisbert/Espagne, Proc 09 n° 399, obs. N. Fricero).

    Voir également :
    Circulaire du 24/2/2010 (S. Lavric, D. 2010 564).
    B. Mathieu, Les débuts prometteurs de la question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil d'État - À propos des arrêts rendus par le Conseil d'État les 14 et 16 avril 2010, JCP 2010 F. 17 n° 465 – A. Levade, QPC 1, 2 et 3 : le Conseil d'Etat joue le jeu du renvoi !, D. 2010 1061.

    Liens internet utiles :

    Tx.Jurisprudence
    Alors que la question avait fait débat, le principe du droit de tout justiciable à contester par voie de QPC la conformité tant d’une disposition législative, que de l’interprétation jurisprudentielle constante que la Cour de cassation en donne, ont été confirmés par l’Assemblée Plénière (Ass. Plén., 20 mai 2011 (quatre arrêts), N. Maziau, Les « bonnes raisons » de la Cour de cassation, D. 2011 1775).


    Sous cette réserve, les juges, qui ne sont pas habilités à soulever d'office la question prioritaire de constitutionnalité, ne peuvent refuser d'exécuter les lois : ils doivent les appliquer, en vertu des articles 1 du CCiv et 12 du CPC.

    Un juge peut toutefois refuser d'appliquer un règlement qu'il considérerait comme illégal car portant atteinte à la liberté individuelle ou au droit de propriété. Il peut aussi, en vertu de l'article 55 de la Constitution, refuser d'appliquer une loi contraire à un traité, cela même s'il s'agit d'une loi postérieure au traité (, D 75 497 concl Touffait -, JCP 89 II 21371 concl Frydman). Cette solution a été étendue aux règlements (CE 24/9/90, JCP 90 IV 357) et aux directives communautaires (, JCP 92 II 21859 Teboul).
  • Le juge ne peut prendre de décision politique, sous peine d'être sanctionné pour excès de pouvoir.
  • Il ne peut non plus apprécier la validité des actes administratifs, ni connaître du contentieux administratif. La règle a été posée par la loi des 16 et 24 août 1790.
Le juge doit être protégé à la fois contre les immixtions du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

  • Une loi ne peut résoudre un procès spécifique et ne pourrait être adoptée à cette fin.
    Un risque existe en cas d'adoption de dispositions expressément rétroactives ou de lois de validation.
En savoir plus : La question des lois de validation
La Cour Européenne des Droits de l'Homme considère que les lois de validation sont susceptibles d'attenter à l'exigence de procès équitable, imposée par la Convention EDH (Cour EDH, Zielinski, 28 oct 99, RT 2000 obs. Marguénaud, Rev. Proc 00 n° 94).

En droit interne, la Cour de cassation a souvent adopté une position plus nuancée : elle admettait que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable s’opposaient, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice afin d’influer sur le dénouement judiciaire des litiges en cours…
Mais de tels motifs ont été retenus à diverses reprises (Ass. Plén. 24/1/03, 2 arrêts, D. 03 1648 note crit. S. Paricard-Pioux et Civ. I, 9/7/03, JCP 04 II 10016 : reconnaissance en l’espèce de l’existence d’impérieux motifs d’intérêt général - Ass. Plén, 23/1/04, JCP 04 II 10030, Proc. 04 n° 49, RT 04 341 n° 3 : application de la solution tant aux lois de validation qu’aux lois interprétatives - Com 14 déc. 04, Proc 05 n° 60 : inversion de la formulation et admission d’une application rétroactive en matière civile, et aux instances en cours, pour un impérieux motif d’intérêt général).

Ce point de vue a été censuré par la Cour européenne, qui a prononcé en 2006 l’inconventionnalité d’une loi de validation, en l’occurrence, l’art. 87-1 de la loi du 12 avril 1996 dans l’affaire dite « des tableaux d’amortissement » en matière de crédit immobilier, avec effet rétroactif, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée. Il a été jugé indifférent que la loi en cause ait été déclarée conforme à la constitution, tout comme le fait que l’Etat soit partie ou non aux procédures. Selon la Cour, pour être compatible avec la Convention EDH, la loi rétroactive, qu’elle porte atteinte au droit à un procès équitable ou au droit de propriété, doit obéir à un impérieux motif d’intérêt général. Mais en l’espèce, le motif financier qui avait été retenu par la Cour de cassation n’a pas été validé (Cour EDH, 11/4/06, Cabourdin/France et Cour EDH 14 /2/06, Lecarpentier/France, JCP 06 I 164 § n° 4 et JCP 06 II 10171 note Thioye – V. aussi Cour EDH, 11/2/2010, Proc 2010 n° 120, obs. N. Fricero).

Depuis, cette position a été reprise par la Chambre Sociale, en droit du travail, dans l'affaire dite des « heures d'équivalence » (Soc 13/6/07 (deux arrêts), D. 07 2439, note Pérès, L'avenir compromis des lois de validation consécutives à un revirement de jurisprudence).
  • C'est au juge qu'il revient d'interpréter les lois, d'où l'interdiction du référé législatif.
Cette protection se traduit par des garanties d'indépendance sur les plans organique et fonctionnel.

  • Garanties d'indépendance organique

Les magistrats sont des fonctionnaires sous la dépendance du Garde des Sceaux. Pour exercer leurs fonctions en toute sérénité des conditions d'indépendance sont indispensables quant à leur nomination, leur avancement et leur discipline. Pour cette raison, le principe d'inamovibilité des magistrats du siège est inscrit dans la Constitution (art 64 de la Constitution). La signification en est l'impossibilité de leur imposer une affectation territoriale nouvelle qu'ils n'auraient pas consentie.

Rq.La loi organique du 25 juin 2001 a néanmoins institué une obligation de mobilité.

Leur indépendance est aussi garantie par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), qui comporte deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du Parquet. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a apporté à son organisation et à son fonctionnement des modifications importantes, qui sont entrées en vigueur le 23 janvier 2011.

En savoir plus : Le Conseil supérieur de la magistrature
Consultez le site du CSM :
  • dans la rubrique « présentation » voir les développements sur l'historique, la composition et les compétences du CSM
  • dans la rubrique « textes » peuvent être consultés les textes déterminant son statut et ses compétences


L'évolution du CSM, de 1993 à janvier 2011
Le CSM comportait autrefois 9 membres, tous désignés par le Président de la République, qui en assurait la présidence, le Ministre de la Justice étant vice-président. La création des deux formations en 1993 (Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27/7/93), a constitué une première réforme allant dans le sens d'une plus grande indépendance et d'une unité de la magistrature.
  • La formation compétente à l'égard des magistrats du siège était composée de 5 magistrats du siège, d'un magistrat du Parquet, d'un Conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat et de 3 personnalités n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire et désignées par le Président de la République, le Président de l'Assemblée Nationale, et celui du Sénat.
  • La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet était composée de manière symétrique mais avec cinq magistrats du Parquet et un magistrat du siège. Ce texte avait été complété par une loi organique du 5/2/94 quant au mode de désignation de ces magistrats : ils étaient élus pour 4 ans non renouvelables par deux collèges au terme d'une élection majoritaire à deux degrés.


Une autre réforme d'envergure avait été envisagée à la fin des années quatre-vingt-dix : réforme de la nomination des magistrats du Parquet, du CSM, suppression des instructions dans les affaires individuelles, développement de la responsabilité (JCP 98 Fasc 5 actua). L'opposition parlementaire avait conduit le Président de la République à annuler la réunion du Congrès qui devait procéder à la révision de la Constitution. Quelques retouches ponctuelles ont été apportées, notamment par la loi organique du 25 juin 2001 et le D. n° 2002-442 du 2 avril 2002 modifiant le mode de scrutin aux élections du CSM.

Une étape importante a été franchie avec la loi constitutionnelle de 2008. La réforme n'est pas intervenue le 1er mars 2009, comme prévu initialement, car l’effectivité de certaines dispositions était subordonnée à des compléments, qui n’ont été adoptés que par une loi organique du 22 juillet 2010 (trois dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel : DCC n° 2010-611 du 19 juillet 2010). La loi a été complétée par un décret n° 2010-1637 du 23 déc. 2010.
JC Zarka, Le « nouveau CSM », D. 2010 1888 ; M. Le Pogam, Réforme du CSM – Entre ouverture et autonomie, JCP 2010 F. 40 n° 982.

Le Président de la république ne préside plus le CSM. Par ailleurs, celui-ci comporte à présent 22 membres et les magistrats sont désormais minoritaires au sein de chaque formation :
  • La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation. Cette formation comprend en outre cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’Etat désigné par le Conseil d’Etat, un avocat et six personnalités qualifiées, qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par les présidents des deux assemblées sont soumises à l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée intéressée.

  • La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, présidée par le Procureur général près la Cour de cassation comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d'Etat, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnées dans la formation compétente à l'égard des magistrats du siège. Selon le Conseil d'Etat, la présidence du CSM par le Procureur général près la Cour de cassation ne méconnaît pas le principe d'impartialité (CE 27 mai 2009, JCP 09 n° 21).

Le CSM a compétence en matière de nomination et de discipline des magistrats du siège et du Parquet (art 65 de la Constitution).
Il fait des propositions pour les nominations des magistrats de la Cour de Cassation, pour celles des Premiers Présidents de Cours d’appel et présidents de TGI. La nomination des autres magistrats du siège est soumise à son avis conforme et celle des magistrats du Parquet à un avis simple, y compris désormais pour les Procureurs généraux. Par ailleurs, les commissions parlementaires disposent désormais d’un droit de veto sur les projets de nomination (total des votes négatifs représentant au moins 3/5e des suffrages exprimés au sein des deux commissions).

Enquête, La nomination des magistrats du siège et du parquet, JCP 09, n° 28, 90, p. 8.

En matière disciplinaire, le CSM dispose d'un pouvoir juridictionnel à l'égard des magistrats du siège, et d'un pouvoir d'instruction débouchant sur un avis à l'égard des magistrats du Parquet (voir leçon 3).
Lorsqu'elle se réunit en Conseil de discipline, la formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprend aussi le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet. De même, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège participe à la réunion de la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet lorsque celle-ci est amenée à donner un avis sur les sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats du Parquet.

Le CSM se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis du Président de la République, pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le Garde des Sceaux. La formation plénière comprend 3 des 5 magistrats du siège de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, 3 des 5 magistrats du parquet de la formation compétente à l'égard des magistrats du Parquet, le Conseiller d'Etat, l'avocat et les six personnalités qualifiées. Elle est présidée par le Premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le Procureur Général près la Cour.

Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut participer aux séances des formations du CSM.

Une autre évolution importante tient au fait que désormais le CSM peut être saisi par tout justiciable qui considère qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, le comportement d’un magistrat dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Les conditions ont été fixées par la loi organique du 22 juillet 2010 : un dispositif de filtrage, sous forme d’une commission d’admission des requêtes composée de 4 membres du CSM, a été mis en place. Cette commission doit vérifier que les plaintes ne sont pas irrecevables ou manifestement infondées, afin d’éviter que la saisine du CSM ne devienne une voie de contestation systématique des décisions de justice.
Rq.421 plaintes ont été déposées en 2011. 301 concernaient des magistrats du siège : une seule a été déclarée recevable.
En général elles ne visent qu’à contester la décision rendue et non le comportement du magistrat (JCP 2012, Fasc. 40 n° 1049).

Rq.Actualité : une nouvelle réforme du CSM, qui était en discussion devant le Parlement a été suspendue par le Garde des Sceaux en 2013 (Min. justice, communiqué, 5 juill. 2013, JCP 2013 Fasc.29 n° 859). Il s'agissait de « renforcer l'indépendance et l'autorité » du CSM, notamment en modifiant sa composition : d'une part, les magistrats de l'ordre judiciaire, au nombre de 8, seraient redevenus majoritaires ; d'autre part, les personnalités extérieures au corps judiciaire n'auraient plus été désignées par le pouvoir politique, mais par des personnalités indépendantes. Le président du CSM aurait été élu par la formation plénière, parmi les personnalités qualifiées non magistrats. En matière disciplinaire, les formations compétentes à l'égard des magistrats du siège et à l'égard des magistrats du parquet auraient continué à être présidées respectivement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite Cour. Les attributions du Conseil supérieur de la magistrature auraient été renforcées. Il aurait pu se saisir d'office de questions relatives à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. Le statut des membres du parquet devait être conforté et le CSM aurait désormais émis un avis conforme sur leurs nominations, et été compétent à leur égard en matière disciplinaire, comme pour les magistrats du siège.

En réalité le projet de réforme n'est pas abandonné. S'agissant du ministère public, le débat a été relancé à l'occasion de la réflexion en cours sur la justice du XXIème siècle, plus particulièrement dans le cadre du rapport Nadal, « Refonder le ministère public », déposé fin novembre 2013.
F. Tiberghien, Quelles perspectives pour la future réforme du CSM?, JCP 2014 Fasc. 30 n° 860.
P. Fauchon et B. Matthieu, Pour un renforcement du rôle du CSM, JCP 2015 Fasc. 10 n° 281

  • Garanties d'indépendance fonctionnelle
    • Le juge n'a pas à recevoir d'ordres de l'exécutif. Jusqu'à très récemment cette règle ne valait que pour les magistrats du siège, pas pour les magistrats du Parquet. Une réforme avait été envisagée dans les années 90 mais ce n'est qu'en 2013 qu'a été supprimée la possibilité pour le Garde des Sceaux d'adresser aux magistrats du parquet des instructions dans les affaires individuelles (L. n° 2013-669 du 25 juillet 2013). Il est probable que la position adoptée par la Cour EDH soit à l'origine d'autres évolutions (voir infra leçons 3 et 5 et Rapport Nadal précité,  « Refonder le ministère public »).
    • Ensuite, l'exécutif ne peut trancher les litiges ou s'opposer à l'exécution d'un jugement.
      En pratique, on a parfois pu observer des refus, justifiés par le maintien de l'ordre public. Pourtant, selon la Cour EDH, l'exécution d'une décision judiciaire doit être considérée comme faisant partie intégrante du droit à un procès équitable.
      Tx.Jurisprudence
      Cour EDH 19/3/97 Hornsby, JCP 97 II 22949 ; Cour EDH 23 oct. 03, JCP 03 I 107 n° 3 - Cour EDH, 9 juin 2009, Proc 09 n° 229, note N. Fricero : application à la réparation civile des conséquences d'une infraction pénale : le caractère excessif de la durée d'exécution doit s'apprécier avec les mêmes critères que la durée de la procédure).

      Actualité :
      • Les 15 et 16 mars 2010 s’est tenue une table ronde du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur les « recours effectifs contre la non-exécution ou l'exécution tardive des décisions de justice internes » (Proc. 2010 n° 180, N. Fricero).
      • Par ailleurs, aux côtés de 8 partenaires européens (Belgique, Luxembourg, Pays Bas, Ecosse, Allemagne, Hongrie, Pologne, Italie), la Chambre nationale des huissiers de justice a lancé en mai 2010 le projet EJE, soutenu par la Commission européenne, et destiné à améliorer l'exécution des décisions de justice en Europe grâce à l'E-justice. Ce projet se matérialisera notamment par la création d'un portail Internet disponible en 7 langues.
 
  • Cette indépendance peut être un peu nuancée, en relation avec le fait que les sources du droit judiciaire privé sont principalement d'origine réglementaire (voir leçon 1)...
  • Tous les citoyens doivent bénéficier des mêmes juges et des mêmes procédures.
    Il n'existe pas en droit judiciaire privé de privilèges de juridiction liés à la qualité des justiciables. Cela ne constitue toutefois pas un obstacle à l'existence de juridictions spécialisées, compétentes en raison de la nature du litige.
  • Il n'existe pas de préférences liées au rang des individus, et il n'est pas possible de retirer un procès à son juge naturel.
    Cette règle connaît quelques dérogations liées à l'existence de procédures administratives spéciales et de la Cour de Justice de la République. Il existe aussi un privilège de juridiction lié à la nationalité française des plaideurs issu des articles 14 et 15 CCiv. (voir leçon, 4 section, 4§1B) et un privilège des agents diplomatiques étrangers.
La Justice est un service public et les juges sont en général des fonctionnaires payés par l'Etat : le système des épices, qui existait sous l'Ancien droit a été aboli par la loi des 16 et 24 août 1790. Par ailleurs une loi du 30 décembre 1977 a institué le principe de gratuité des actes de justice, ce qui s'est traduit par la suppression de nombreux droits et taxes.

Il existe toutefois une certaine obligation de contribution des plaideurs à la dette judiciaire. Celle-ci se traduit par la condamnation du perdant aux dépens. Par ailleurs, chaque partie doit assumer ses propres frais en cas de recours à des auxiliaires de justice, sauf si la partie perdante ou condamnée aux dépens est condamnée à assumer prendre en charge une partie de ces frais irrépétibles (en application de l'art 700 CPC).

Pour le reste, une prise en charge des frais du procès peut résulter soit de l'admission d'un plaideur au bénéfice de l'aide juridictionnelle (loi du 10 juillet 1991 modifiée), soit de la souscription volontaire d'une assurance de protection juridique (L 31 déc. 89, modifiée en 2007).

Mais le principe de gratuité a récemment subi des atteintes :
  • D'une part, la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 avait introduit, à compter du 1er oct. 2011, une contribution pour l'aide juridique de 35€ par instance introduite devant une juridiction judiciaire (non pénale) ou administrative. Cette contribution, instaurée pour financer la réforme de la garde à vue était versée au Conseil national des Barreaux (CNB) au bénéfice des avocats effectuant des missions d'aide juridictionnelle. Elle devait être payée par l'avocat ou la partie demanderesse (par voie électronique ou timbre) lors de l'introduction de l'instance, à peine d'irrecevabilité de la demande constatée d'office (art 62-5 CPC).
  • D'autre part, le décret du 28 sept. 2011 a introduit à compter du 1er janvier 2012 et en principe jusqu'à la fin 2018, une taxe de 150 euros imposée aux justiciables agissant en matière civile devant les Cours d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire. Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel.
Ces textes ont été critiqués (F. G'sell, JCP 2011 F. 41 n° 1098 § 7; N. Gerbay, Une réforme épicée : à propos du D. 28 sept. 2011, JCP 2011 Fasc. 42 n° 1107, H. Croze, JCP 2011 Fasc. 43 n° 1145, L. Cadiet, JCP 2011 F. 50 n° 1397 §2) : il leur a été reproché de porter atteinte aux principes de gratuité de la justice, de libre accès au juge et d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Ils ont fait l'objet d'un recours de la part du CNB et de deux QPC (renvoi CE 3 fév. 2012 et Cass 26/1/2012). Le Conseil Constitutionnel a néanmoins déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans une décision du 13 avril 2012, considérant qu'aucune de ces contributions n'entraînait de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (DCC 13 avril 2012, JCP 2012, Fasc. 42 n° 1121 § 14).
Mais, comme s'y était engagé le nouveau gouvernement, la contribution de 35 euros a été supprimée à compter du 1er janvier 2014 (L n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 et D n° 2013-1280 du 29 décembre 2013).
En revanche, le produit de la taxe due pour les procédures d'appel s'étant révélé insuffisant, la loi de finances pour 2015 en a porté le montant à 225 € et l'a prolongée jusqu'en 2026 (M. Attal, Le prix de l'accès à la justice en appel, JCP 2014 Fasc. 46 n° 1167).

La collégialité est considérée comme une garantie de meilleure justice et d'impartialité.

Cependant on a assisté progressivement à une multiplication des juges uniques, qui a pu susciter des controverses au regard de la Convention EDH (RTDC 00 619).
Par ailleurs, le Code de procédure civile ménage dans la plupart des hypothèses la faculté de faire trancher une affaire par un juge unique (pour le TGI : art 801s. CPC - Villacèque: le TGI statuant au fond en matière civile: la collégialité menacée par les juges uniques, D 95 chr 317).
En faveur du juge unique, on fait valoir que cette situation développe le sens de la responsabilité, permet une spécialisation, est source de simplification des procédures et rend la Justice plus proche des justiciables. Cela étant, le système présente sans nul doute une rentabilité accrue pour l'Etat.
Toutefois, quand des textes imposent un recours au juge unique, est souvent prévue une possibilité de renvoi à la formation collégiale : de telles dispositions existent pour le JAF, le JEX, le juge chargé des accidents de la circulation terrestre.
Cette permanence est la traduction du principe de continuité du service public.
Le fonctionnement de la Justice ne connaît pas d'interruption (totale) de fonctionnement sauf pour les juridictions fonctionnant par sessions et pour les audiences foraines.

Ex.A titre d'illustration, en cas d'urgence, une assignation en référé est possible la nuit ou un jour férié.
Les juridictions sont soumises à un principe d'efficacité issu de la Convention EDH qui impose une exigence de jugement des affaires dans un délai raisonnable. L'appréciation de ce délai inclut les phases ou recours préalables imposés aux justiciables avant la saisine du juge (Cour EDH 29/7/03, JCP 03 som. com. 2270), de même que la procédure d’exécution. La Cour européenne fonde son appréciation sur un faisceau d'indices, suivant les circonstances de la cause. Elle tient notamment compte du degré de complexité du litige, du comportement du demandeur et de ses conseils, de celui des autorités compétentes, du délai effectif de jugement en première instance et en appel (Cour EDH, Monnet/Fr, D. 95 som com 102 obs. Renucci).

Un manquement à l'exigence de délai raisonnable est susceptible d'être assimilé à un déni de justice (TGI Paris, 5 nov 97, D 98 9 - contra Civ I, 25/5/04, Bull 04 I n° 150) ou à une faute lourde (Civ. I, 20/2/08, JCP 08 IV 1556), et peut justifier une condamnation de l'Etat au titre de l'art L 141-1 COJ pour fonctionnement défectueux du service public de la Justice (V. aussi CE 28/6/03, D. 03 23, se fondant sur les art. 6 et 13 de la Convention EDH et leçon 3). Toutefois, la Cour EDH déclare désormais irrecevable toute requête fondée sur la violation du délai raisonnable si l'intéressé n'a pas épuisé le recours interne utile, en l'occurrence en France l'article L 141-1 COJ (Cour EDH, Kudla/Pologne, 26 oct. 2000, RT 01 442 obs. Marguénaud ; Giummarra/France, 12 juin 01, RT 02 395, obs. Marguénaud ; D. 03 som. com. 592 obs. Fricero).

Dans un arrêt du 30 juin 2008 (JCP 08 II 10153), le Tribunal des conflits a décidé qu'une demande d'indemnisation pour durée excessive de la procédure, en cas d'instances introduites successivement devant les deux ordres de juridiction, en raison des difficultés de détermination de la juridiction compétente, que le tribunal des conflits ait été amené à statuer ou non, doit être portée devant l'ordre compétent pour connaître du fond du litige. La juridiction concernée est alors compétente pour porter une appréciation globale sur la durée de la procédure devant les deux ordres de juridiction et, le cas échéant, devant le Tribunal des conflits.

La Cour de cassation a repris cette approche globale de la procédure pour apprécier la durée d'affaires comportant une phase pénale et une phase civile ayant le même objet (Cass. Civ. I, 25 mars 2009, (2 arrêts), JCP 09 actu n° 197 obs. L. Milano).

Par ailleurs, dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour EDH a précisé que même lorsqu'une procédure est régie par le principe dispositif, qui consiste à donner aux parties des pouvoirs d'initiative et d'impulsion, il incombe aux Etats contractants d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Cour EDH, 3/2/09, Poelmans/Belgique, JCP 09 II 10070 note N. Fricero, Proc 09 n° 81).

Bouclant en quelque sorte la boucle, la Cour EDH a quant à elle précisé que la procédure d'indemnisation de la durée excessive des procédures administratives est aussi soumise aux exigences du procès équitable et doit conduire à une réparation d'un montant suffisant, effectivement versée dans un délai raisonnable (CEDH, 24 sept. 2009, Sartory c/ France, Proc 09 n°).
On distingue les juridictions de droit commun des juridictions spécialisées.
Les juridictions de droit commun sont habilitées à connaître de tout litige dont la compétence n'a pas été attribuée par la loi à une autre juridiction. C'est le cas du TGI et de la Cour d'appel, qui jouissent d'une plénitude de juridiction.
La compétence des juridictions spécialisées est au contraire cantonnée aux affaires qui leur ont été expressément dévolues par la loi. Ces juridictions font souvent intervenir des magistrats non professionnels et n'ont pas nécessairement une composition homogène. Leurs formations de jugement peuvent en effet comporter des magistrats appartenant à des catégories socioprofessionnelles distinctes ou faire siéger ensemble des magistrats professionnels et non-professionnels.

La hiérarchie des juridictions judiciaires se traduit par l'existence de deux degrés de juridictions et d'un contrôle de conformité au droit effectué par la Cour de cassation.

Ce principe, qui n'est plus aujourd'hui un instrument politique mais une garantie de bonne justice, se traduit par l'existence de deux degrés hiérarchisés.
On a fait valoir que les magistrats d'appel étaient plus expérimentés mais il est aussi parfois plus aisé de se livrer au réexamen d'affaires déjà expurgées.

Le principe du double degré reçoit toutefois des dérogations.
Il n'a pas valeur constitutionnelle et ne figure pas dans la liste des droits garantis en matière civile par la Convention EDH.
L'appel est ainsi exclu pour les petits litiges :
  • les décisions du juge de proximité ne peuvent en être frappées, sauf si elles statuent sur des demandes de nature indéterminée ;
  • devant les autres juridictions, existe un taux de ressort (voir leçon 4).
L’appel est également parfois exclu pour certaines catégories de litiges ou de décisions.
Ensuite si l'appel est un droit, il est aussi parfois possible d'y renoncer.

Enfin les textes légitiment parfois de fait la perte du premier degré de juridiction. Il en est ainsi en cas d'interventions de tiers, de demandes nouvelles en appel ou d'évocation par la Cour d'appel. Dans ce cas, l'appel n'est plus seulement une voie de réformation, il devient une voie d'achèvement des procès. Les juges s'attachent toutefois à éviter qu'il ne se transforme en voie de commencement des procès, en veillant à une interprétation stricte des exceptions au principe d'interdiction des demandes nouvelles.

Elle a pour mission de contrôler la conformité au droit des décisions rendues par les juges du fond.
Il s'agit d'une voie de recours extraordinaire, ouverte seulement dans les cas prévus par la loi, à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort. Mais certains considèrent qu'un pourvoi minimum pour excès de pouvoir est ouvert même quand les textes interdisent tout recours : cela justifie la création du pourvoi-nullité en matière de procédures collectives.
La Cour de cassation, n'étant pas un troisième degré de juridiction, n'examine pas le fond des affaires, même en cas de cassation sans renvoi. L'affirmation pourrait être un peu nuancée dans le cas de la cassation sans renvoi visée par l'art 627 al 2 CPC.


Section 2. Organisation et fonctionnement des juridictions



Les développements suivront le principe de hiérarchie, qui vient d'être examiné : seront d'abord présentées les juridictions du fond, puis la Cour de cassation.

Le principe du double degré implique un examen des affaires par les juridictions du premier degré (de première instance) avant un appel et un réexamen éventuels par les Cours d'appel.

Rq.S'agissant de l'oganisation et des compétences des juridictions du premier degré, des évolutions pourraient avoir lieu, dans le cadre de la réflexion lancée par la Garde des Sceaux sur la justice du XXIème siècle, en lien notamment avec le rapport Marshall déposé en décembre 2013 : « Les juridictions du XXIème siècle ».

 
L'implantation des juridictions résulte de la carte judiciaire pour laquelle s'est achevée, début 2011, la réforme d’envergure, entamée en 2007.

Rq.Depuis la loi du 8 février 1995, toutes les juridictions de première instance ont la possibilité de tenir des audiences foraines. Le régime en est précisé par le décret du 27/2/96 : la décision est prise par le Premier Président de la Cour d'appel, après avis du Procureur Général (art R124-2 COJ).

En savoir plus : La réforme de la carte judiciaire
  • le 3 décembre 2008 : suppression et regroupement de 62 conseils de prud'hommes (D. n° 2008-514 du 29 mai 2008) ;
  • le 1er janvier 2009 : suppression de 55 tribunaux de commerce (D. n° 2008-146 du 15 février 2008) ;
  • le 1er janvier 2010 : suppression de 178 tribunaux d'instance et juridictions de proximités liées ; création de sept nouveaux TI et juridictions de proximité liées (D. n° 2008-145 du 15 février 2008) ;
  • le 1er janvier 2011 : fermeture de 23 TGI (D. n° 2008-145 du 15 février 2008).

Début 2011, le nombre de juridictions est passé de 1206 à 819. Il y a par ailleurs eu création de 14 juridictions : sept TI et juridictions de proximité liées, un conseil de prud’hommes, cinq tribunaux de commerce et un tribunal mixte de commerce.

Lors de la présentation du budget 2009, la Ministre de la Justice avait annoncé que la réforme de la carte judiciaire aurait un coût total de 427 millions d’euros, dont 20 millions pour les avocats, 21,5 millions pour les primes de restructuration versées aux magistrats et fonctionnaires et 385 millions pour l’immobilier (JCP 08 actu n° 594).

Sur les difficultés induites par la réforme, voir l’enquête d’A. Coignac : La nouvelle carte judiciaire se dessine, les difficultés émergent, JCP 2010 Fasc. 13 n° 344 ).
Quelques réajustements ont depuis été décidés : le D. n° 2013-1258 du 27 décembre 2013 a prévu la réimplantation de trois TGI et la création de trois chambres détachées à compter du 1er septembre 2014.


Il y en a actuellement 164 (154 en France métropolitaine), au moins un par département, situé au chef-lieu.
Un TGI comporte au moins 3 juges, 1 procureur et un greffier.
A partir de 5 juges, on peut procéder à une division en chambres, présidées par un vice-président. Cela permet une spécialisation interne, mais ces chambres n'en sont pas moins considérées comme le TGI en soi. Les TGI peuvent aussi avoir des chambres détachées afin d'assurer sur leur ressort une justice de proximité pour le jugement des affaires civiles et pénales.
En savoir plus :  
Les chambres détachées ont été instituées par la loi du 8 février 1995. Le régime a été précisé par un décret du 27/2/96 : leur service est fixé par ordonnance du président du TGI, sur proposition du magistrat chargé d'assurer la présidence de la chambre détachée, après avis de l'Assemblée générale des magistrats de la juridiction.

Le fonctionnement normal du TGI obéit aux principes de collégialité et de publicité. Les affaires sont jugées par trois magistrats en application du principe d'imparité. En cas de problème d'effectifs, la formation pourrait être complétée par des avocats. Depuis le 1er janvier 2015 le président a la faculté de faire juger une affaire d'une particulière complexité ou susceptible de recevoir dans les chambres des solutions divergentes par une formation de chambres réunies, présidée par lui-même (D. n° 2014-1458 du 8 déc. 2014).

L'administration d'un TGI est assurée par divers organes (comité de gestion, commission plénière, assemblées générales). Présidées selon les cas par le Président, le Procureur de la République ou le greffier en chef, les assemblées générales émettent des avis sur le fonctionnement interne. Mais le Président joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de la juridiction :
  • il est chargé de la surveillance et de la notation des juges du TGI et des TI ;
  • il prend les mesures d'administration judiciaire liées à l'organisation du fonctionnement du TGI, telles la répartition annuelle des magistrats ou la ventilation des affaires entre les chambres.
Passés de 473 à 302 au 1er janvier 2010 (retour à 307 en 2013), les tribunaux d'instance (TI) sont issus des anciens juges de paix, lesquels avaient plus une fonction d'arbitres que de juges. Lors de leur création, les TI étaient supposés connaître des « petits litiges civils ». Cette référence a dû être relativisée, du fait de la création des juridictions de proximité et de l’élévation à 10000 euros du taux de compétence du TI. La suppression des juridictions de proximité, dont l'entrée en vigueur a finalement été repoussée du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2017, va leur restituer compétence pour les litiges de valeur inférieure à 4000€ (voir b, infra).

Outre ses attributions juridictionnelles, le tribunal d'instance délivre des certificats de nationalité (depuis 1995, ils sont délivrés par le greffier en chef, sous contrôle du juge: art 31-2 et 31-3 CCiv.). La loi du 20 décembre 2007 a en revanche retiré compétence au TI pour délivrer des actes de notoriété en matière successorale et familiale. Le juge d'instance a aussi la qualité de juge des tutelles, fonction limitée aux majeurs par une loi du 12 mai 2009.

Le ressort territorial des TI couvre plusieurs cantons et ils peuvent tenir des audiences foraines.
Ils statuent toujours à juge unique même lorsqu'ils sont composés de plusieurs magistrats. Dans ce cas, le magistrat de rang le plus élevé exerce les fonctions d'administration et de direction, mais sans avoir la qualité de président. Le service des TI est souvent assuré par des magistrats délégués du TGI : il y a eu intégration organique progressive.
Justifiées par la volonté de rapprocher la justice des justiciables et de permettre un règlement rapide des petits litiges de la vie quotidienne, les juridictions de proximité ont été créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, promulguée le 9 septembre 2002, l'objectif étant le recrutement dans les 5 ans de 3300 juges de proximité, équivalent à 580 emplois pleins.

En savoir plus : La mise en place des juges de proximité :

La loi du 9 sept 2002 a été complétée par une loi organique du 26 février 2003 et plusieurs décrets ont rendu le dispositif pleinement opérationnel (D. n° 2003-438 du 15 mai 2003 et D. n° 2003-542 du 23 juin 2003 - Véricel, Pour une véritable justice de proximité en matière civile, JCP 03 I 114).

Mais ce dispositif a rapidement montré ses limites : insuffisance des rémunérations et indemnisations, rigidité des conditions de travail et du système de formation continue des juges de proximité (Lebreton, La justice de proximité : un premier bilan pessimiste, D 04 chr 2808).
En réaction, le Ministère de la Justice constitué en 2005 un groupe de travail, afin de procéder à une évaluation de la réforme. Un décret du 4 janvier 2007 est venu renforcer les conditions de formation des juges de proximité.
Les juges de proximité sont des magistrats non professionnels, nommés pour une durée de 7 ans non renouvelable, qui exercent leurs fonctions à temps partiel (sur leurs conditions de recrutement et leur statut : voir leçon 3, sous-section 1 §1A2).
Les juridictions de proximité statuent à juge unique mais peuvent comporter un ou plusieurs juges de proximité.
Ces juges peuvent exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance. L’objectif était de leur confier, aussi bien en matière civile que pénale, le traitement des “ petits ” litiges, notamment de la vie quotidienne, pour lesquels le système juridictionnel antérieur apparaissait inadapté (art. L 331-1s. C.O.J.).

Leur compétence a toutefois été élargie par la loi du 26 janvier 2005. Les juridictions de proximité connaissent en matière civile des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4000 euros, ou d'une valeur indéterminée mais ayant pour origine l'exécution d'une obligation d'un montant n'excédant pas 4000 euros. Ce montant n'était à l'origine que de 1500 euros, soit 5% seulement du contentieux civil des tribunaux d'instance.

En savoir plus : Les juridictions de proximité

En juin 2006, les juges de proximité étaient au nombre 530, répartis dans 325 juridictions. Le Garde des Sceaux avait annoncé qu’ils devraient être plus de 820 au terme de l’année 2007. Les profils des premiers nommés reflétaient les conditions d'admission fixées par la loi organique : maîtres de conférences d'université, anciens magistrats ou commissaires de police, mais assez peu de personnes issues du secteur privé.
En juin 2008, il existait 476 juridictions de proximité, dont 322 pourvues d’au moins un juge en fonction, les autres étant composées de juges d’instance faisant office de juges de proximité.

Le titre 1 du décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 définit les modalités d'organisation des juridictions de proximité, en précisant notamment les pouvoirs d'inspection du président et du procureur de la République du T.G.I.
Par ailleurs, s'est posée la question de savoir si l'on était bien en présence d'une juridiction autonome, les dispositions relatives au fonctionnement des juridictions de proximité conduisant à en douter
  • leur siège et leur ressort sont calqués sur ceux du tribunal d'instance;
  • le greffe de la juridiction de proximité est le secrétariat-greffe du tribunal d'instance ;
  • l'activité et les services de la juridiction de proximité sont aussi sous le contrôle du magistrat du T.G.I. chargé de l'administration du tribunal d'instance.

Etude CERCRID, Les juridictions et juges de proximité, Leur rôle en matière d'accès à la justice des petits litiges civils, JCP 09 I 106 : enquête de terrain réalisée en 2007 et 2008 auprès de 24 juridictions, apportant des informations précises sur le contentieux et le fonctionnement concret de ces juridictions.
E. Jeuland, La parenthèse des juridictions de proximité (statistiques), D. 2014 2512.
La suppression des juridictions de proximité a été proposée par le rapport Guinchard, qui a suggéré de maintenir les juges de proximité, mais en qualité d’assesseurs dans les TGI. Cette proposition a été reprise par la loi n° 2011-1862 du 13 déc. 2011, relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (C. Bléry, Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles – Aspects civils de la loi du 13 déc. 2011, JCP 2011 Fasc. 52 n° 1465). L'entrée en vigueur de la réforme a été décalée tout d'abord par la loi n° 2012-1441 du 24 décembre 2012, puis par la loi de finances pour 2015, en lien avec le projet de Justice du XXIème siècle: les juridictions de proximité seront supprimées à compter du 1er janvier 2017 et leurs compétences transférées aux tribunaux d’instance.

Rq.Les juges de proximité, désormais rattachés aux TGI, se verront confier de nouvelles missions. Ils sont aussi appelés à être chargés de fonctions juridictionnelles dans les TI.
Le tribunal de commerce est une juridiction homogène qui, en formation de jugement, se compose de trois commerçants élus par leurs pairs. En 2002 un projet de réforme avait envisagé d'introduire la mixité au sein de la justice consulaire, y compris en appel, et de mettre en place un statut des juges consulaires. Ce projet avait suscité des réactions d'opposition chez les magistrats consulaires et avait été abandonné (voir aussi le Rapport de la Commission Justice du Club des juristes, JCP 2013 fasc. 29 n° 853). La réflexion menée sur "Les juridictions du XXIème siècle" a relancé le débat sur l'organisation et le fonctionnement de la justice commerciale autour de diverses propositions : procéder à des regroupements de tribunaux et de procédures, instituer l'échevinage (mixité) en appel, créer un nouveau statut des juges consulaires, des juridictions spécialisées pour les affaires les plus importantes, notamment en matière de procédures collectives ou pour certains cas de compétence internationale... Cette compétence spécifique, propre à certains tribunaux de commerce, a été entérinée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et sera effective le 1er mars 2016 (art L 721-8 CCom). La liste de ces tribunaux de commerce spécialisés sera fixée par décret après avis du Conseil national des tribunaux de commerce.

Rq.Le Conseil national des tribunaux de commerce, installé le 31 janvier 2006, a un rôle consultatif et de proposition (décret. n° 2005-1201 du 23 sept. 05).

Selon l'ordonnance n° 2004-328 du 15 avril 2004 relative à l'élection des délégués et juges consulaires, le scrutin est à deux degrés, des délégués consulaires étant tout d'abord élus par les électeurs professionnels, lesquels élisent ensuite les juges consulaires. Pour être éligible, il faut avoir au moins 30 ans, justifier d'au minimum 5 ans d'activité commerciale et ne pas avoir fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire (réforme du régime électoral par le D. n° 2005-808 du 18/7/05).
Les juges sont élus pour 2 ans et renouvelables par périodes de 4 ans. Le Président est quant à lui élu pour 4 ans parmi les juges ayant au moins 6 ans d'ancienneté.
Les fonctions de juge au tribunal de commerce sont exercées gratuitement.

Rq.En mai 2012, a été posée par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel une QPC sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des textes régissant l'élection des juges consulaires, leur mandat électif et leur régime disciplinaire. Dans une décision du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a considéré que la légalité était bien respectée (DCC n° 2012-241n 4 mai 2012, QPC, D. 2012 p. 1413, obs. JL Vallens et p. 1626 note N. Fricero, Le tribunal de commerce : une juridiction conforme aux exigences constitutionnelles ! ; JCP 2012 Fasc. 20 n° 595, note C. Bléry et L. Raschel).


Ces juridictions sont implantées dans les lieux où existe une activité commerciale suffisante. En 2009, l'entrée en application de la nouvelle carte judiciaire, issue du décret. n° 2008-146 du 15 février 2008, a entraîné la suppression de 55 tribunaux de commerce. A défaut de tribunal de commerce, le TGI peut statuer en matière commerciale.

Rq.Des textes fixent par ailleurs la liste et le ressort des juridictions -TGI et tribunaux de commerce- spécialisées en matière de concurrence, de propriété industrielle et de difficultés des entreprises, étant précisé qu’en matière de procédures collectives, le TGI ne connaît que des procédures intéressant les personnes qui ne sont ni artisans, ni commerçants.


Les greffiers ont la qualité d'officier ministériel. Leur statut a été modifié par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 et par un décret n° 2004-1462 du 23 déc. 2004 encadrant la discipline. Ils peuvent désormais exercer leur profession en qualité de salarié d'une personne physique ou morale titulaire d'un greffe de tribunal de commerce (art. L 743-12 s. C.Com modifiés par L. n° 2010-1609 du 22 décembre 2010).

Bibliographie : Blandine Rolland, Où va la justice commerciale ?, Proc. 2015 Fasc. 1 n° 5
Le conseil de prud'hommes était jusqu'à présent une juridiction élective paritaire mais une réforme est en cours (voir ci-dessous).
Il existe au moins un conseil de prud'hommes par ressort de TGI. Ils sont divisés en 5 sections autonomes (agriculture, commerce, encadrement, industrie, activités diverses), composées d'au moins 8 conseillers.
Les conseillers étaient élus par tous ceux qui, âgés d'au moins 16 ans, exerçaient une activité professionnelle en tant que salarié ou employeur. Les électeurs votaient dans la section liée à leur activité principale. Pour être éligible il fallait avoir la nationalité française, être âgé d'au moins 21 ans et ne pas avoir fait l'objet de condamnation.

Rq.Taux de participation aux élections de 2008 : 25,6%, contre 60% en 1979.

Les conseillers ont un mandat de 5 ans renouvelable.
S'ils sont salariés, ils font l'objet d'une protection spécifique :
  • ils peuvent s'absenter pour exercer leurs fonctions ou recevoir une formation en relation avec celles-ci ;
  • ils bénéficient d'une rémunération même en cas d'absence ;
  • ils sont considérés comme des salariés protégés au regard du licenciement et toute entrave à l'exercice de leurs fonctions est passible de sanctions.
Le président et le vice-président du Conseil de prud'hommes sont élus pour un an, en alternance, parmi les conseillers employeurs et salariés.

Rq.Actualité :
Désormais, la désignation des conseillers interviendra en fonction de la représentativité des organisations syndicales et patronales. La loi n° 2014-1528 du 18 déc. 2014 a habilité le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance à la réforme dans un délai de 18 mois. La mise en place d'un tel changement a conduit à reporter au 31 décembre 2017 la fin du mandat des actuels 14 500 conseillers, ce qui les aura conduits à être en fonctions neuf ans au lieu de cinq.
Sur la réforme en cours et le projet de loi soumis au Parlement : JCP 2014 Fasc. 48 n° 1216

V. également Rapport Lacabarats, L'avenir des juridictions du travail : Vers un tribunal prud’homal du XXIème siècle - Juillet 2014 (JCP 2014 Fasc. 30 n° 868 - Lacabarats, La réforme de la procédure en droit du travail, Proc 2015 Fasc. 3 n° 2).
Faisant suite à cette réflexion, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a apporté diverses modifications au code du travail :
- renforcement de la formation, du statut et de la discipline des conseillers (création d'une Commission nationale de discipline présidée par un président de Chambre à la Cour de cassation),
- fonctionnement des conseils de prud'hommes,
- création du statut de défenseur syndical.
A Bugada, La loi Macron et les prudhommes : une (r)évolution, Proc. Fasc. 2015 Fasc. 11 alerte 49

Tx.Jurisprudence
Sur l'impartialité de la juridiction prud'homale :
  • Soc. 19 déc. 03, D. 04 1688 : la seule circonstance qu'un ou plusieurs membres d'un Conseil appartiennent à la même organisation syndicale que l'une des parties n'est pas de nature à affecter l'équilibre d'intérêts inhérent au fonctionnement de cette juridiction ou à mettre en cause l'impartialité de ses membres.
  • Nancy, 6 déc. 04, JD 2004-259719 (Dépêche JCP 10/2/05)
  • Soc 16 sept. 08, JCP 09 II 10024 : un conseiller en fonction lors de l'introduction de l'instance ne peut représenter ou assister une partie devant le Conseil de prud'hommes auquel il appartient.
  • Soc 3 mars 2009, Proc 09 n° 139 : doute légitime sur l'impartialité de conseillers ayant exprimé dans un rapport leur opinion sur le caractère mal fondé de la demande du salarié, avant le délibéré.

Chaque section comporte :
  • un bureau de conciliation et d'orientation composé d'un conseiller employeur et d'un conseiller salarié
  • un bureau de jugement composé de 4 conseillers, avec même principe de parité. la loi du 6 août 2015 a institué une formation restreinte du bureau de jugement, composée de deux conseillers.
Il existe aussi une formation de référé paritaire, commune à toutes les sections.
En cas de partage des voix, il est fait appel à un juge départiteur, appartenant désormais au TGI, lequel peut même statuer seul.
Le contentieux est réparti entre deux catégories de juridictions : les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l'incapacité.

Rq.Actualité : une mission interministérielle, mise en place début 2010, a été chargée d’examiner l’opportunité de réformer la carte des TASS et des tribunaux du contentieux de l’incapacité.

  • Le TASS connaît du contentieux juridique général de la sécurité sociale et il traite :
    • d'une part des litiges entre organismes et assujettis : problèmes d'affiliation, de cotisations ;
    • d'autre part des litiges entre organismes et bénéficiaires de prestations : problèmes de versement d'indemnités ou de répétition de versements indus.
    C'est une juridiction échevinale, associant en formation de jugement un magistrat professionnel (un magistrat du siège du TGI, en activité ou honoraire) et deux assesseurs.
    Un assesseur représente les salariés, l'autre les employeurs et travailleurs indépendants. Tous sont désignés par le Premier Président de la Cour d'appel sur une liste dressée par l'administration à partir des propositions des organisations syndicales les plus représentatives (art L 143-5 C. Séc. Soc). Leur mandat est de 3 ans.
  • Le contentieux médical relève des tribunaux du contentieux de l'incapacité.
    Ils sont chargés d'apprécier l'état et le degré d'invalidité ou d'incapacité.
    Il s'agit de juridictions régionales échevinales, composées de deux assesseurs : l'un représente les salariés, l'autre les employeurs et travailleurs indépendants. Ces tribunaux sont en principe présidés par un magistrat honoraire ou une personnalité compétente offrant des garanties d'indépendance et d'impartialité (art L 143-2 C. Séc. Soc).
    En savoir plus : L'évolution de la composition des tribunaux du contentieux de l'incapacité
    Ces juridictions, étaient composées auparavant de magistrats en activité ou en retraite issus de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire, de fonctionnaires en activité ou honoraires, de travailleurs salariés, de travailleurs ou employeurs indépendants et de médecins. Les dispositions les régissant ont d'abord été réformées par une loi du 17 janvier 2002, réalisant une mise en conformité avec le principe d'impartialité posé par la Convention EDH, puis elles ont été unifiées par l'ordonnance n° 2005-656 du 8 juin 2005.

    La procédure devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale a évolué le 1er décembre 2010, pour faire suite à l’entrée en vigueur du D. n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 réformant les procédure orales.
    Par ailleurs, l'appel de leurs décisions est porté devant une Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.

    Rq.La composition de cette Cour, jugée non conforme au principe d'impartialité posé par la Convention EDH (Ass Plén 22 déc 00, D 2001 1652 note Saint-Jours, JCP 01 I 311 n° 3 et II 351 note Taquet), a été modifiée par la loi du 17 janvier 2002. Elle comprend désormais des magistrats, des représentants de travailleurs salariés et des représentants d'employeurs ou de travailleurs indépendants (art L 143-3s C. Séc. Soc.).
Il existe un TPBR par siège de tribunal d'instance, d'où un impact également de la réforme de la carte judiciaire.
Ce sont des juridictions paritaires qui siègent par intermittence.
Le TPBR est présidé par le juge d'instance, qui est assisté de 2 assesseurs représentant les preneurs et de 2 assesseurs représentant les bailleurs.
Les assesseurs sont élus pour 6 ans par leurs électeurs respectifs, lesquels doivent être âgés de 21 ans et résider dans le ressort du TI. Pour être éligible il faut avoir au moins 26 ans, posséder la nationalité française, et avoir la qualité de bailleur ou de preneur depuis au moins 5 ans.

Actualité : le prochain renouvellement des assesseurs des TPBR interveindra en janvier 2018 (L. 2015-990 du 6 août 2015).
En savoir plus : La réforme des conditions d'élection des assesseurs des TPBR
L'ordonnance n° 2004-570 du 17 juin 2004 (J.O. 19 juin 2004 p 11033) a modifié l'établissement des listes des bailleurs et des preneurs et simplifié les modalités d'élection des assesseurs bailleurs et preneurs.
L'appel est une voie de recours hiérarchique : les Cours d'appel sont situées au second degré de juridiction et sont d'ailleurs les seules juridictions à ce niveau, si l'on excepte la juridiction d'appel nationale de l'incapacité.
Elles possèdent une compétence en matière civile et pénale.

Il en existe 36 (30 en métropole) avec un ressort territorial correspondant aux anciennes provinces françaises. Elles reçoivent les appels émanant de toutes les juridictions de première instance situées sur leur ressort territorial, exception faite des décisions des juges de proximité, et sous réserve en principe d'un taux de ressort (voir supra §1 A2c).
Elles sont divisées en chambres, selon leur activité, mais comportent au moins une chambre civile, une chambre sociale, une chambre d'accusation et une chambre des appels correctionnels.
Elles se composent d'un chef de Cour, le Premier Président, de présidents de chambres et de conseillers. Le parquet est représenté par un Procureur Général, assisté d'avocats et de substituts généraux. Depuis le 1er janvier 2015 le Premier président a la faculté de faire juger une affaire d'une particulière complexité ou susceptible de recevoir dans les chambres des solutions divergentes par une formation de chambres réunies, présidée par lui-même (D. n° 2014-1458 du 8 déc. 2014).
Les Cours d'appel sont administrées par le Premier président président, des assemblées générales, un comité de gestion. Les formations de jugement comportent au moins 3 magistrats.
En cas de renvoi de cassation, elles peuvent siéger en audience solennelle, à 5 magistrats, sous la présidence du Premier Président et sur décision de celui-ci (il ne s'agit plus d'une obligation : Soc 23 oct. 07, JCP 08 II 10002)(art R 312-9 COJ issu du D. 28 déc. 2005).

Rq.Un projet de réforme de la justice commerciale, abandonné en 2002 (voir supra §1. A. 2. c), prévoyait l'introduction de la mixité au second degré en matière commerciale. Le débat a été relancé en 2014.

En savoir plus : Actualité : les réformes de la procédure d'appel
  • Juin 2008 : rapport de la Commission Magendie : "Célérité et qualité de la justice devant la Cour d'appel" (Granet, Proc 08 Focus n° 13 ; Entretien avec J.-C. Magendie, JCP 08 I 145).
  • 1er décembre 2010 : en lien avec la réforme des procédure orales par le décret du 1er octobre 2010, rénovation de la procédure sans représentation obligatoire devant les Cours d'appel.
  • 1er janvier 2011 : entrée en vigueur de la réforme de la procédure avec représentation obligatoire en matière civile devant la Cour d'appel. Certaines propositions du rapport Magendie ont été reprises par le décret n° 2009-1524 du 9 déc. 2009 (H. Croze, JCP 2010 F 1 n° 3 ; Villacèque, D. 2010 663 ; D. D’Ambra, La gestion des flux judiciaires, (crit.) D. 2010 1093 ; Fricera, Proc 2010 chr° 3 ; Entretien par Daniel Landry, La nouvelle procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, JCP 2010 F 21 n° 588) et le décret du 28 décembre 2010 (réforme de la réforme : N. Fricero, JCP 2011 F. 3 n° 37).
  • Janvier 2012 : disparition des avoués, la représentation de la Cour d'appel étant désormais dévolue aux avocats.
C'est la juridiction suprême de l'ordre judiciaire.
Nous présenterons successivement sa composition générale puis ses différentes formations.

La Cour de cassation se compose de 6 chambres, cinq chambres civiles et une chambre criminelle.
Les attributions des chambres sont déterminées par le Premier Président. La première chambre civile a compétence en matière de droit des personnes, de contrats, d'assurances et de droit international privé. Depuis 2003 elle connaît aussi du divorce, alors que cette compétence relevait auparavant de la deuxième chambre. La deuxième chambre traite de la responsabilité délictuelle et est spécialisée en procédure civile. La troisième chambre connaît du droit des biens (Ex : questions liées aux droits réels, à la propriété et à l'urbanisme...).

La Cour comprend 184 magistrats (D. 2002-349 du 8/3/02) : le Premier Président, les présidents des six chambres, 88 conseillers et 65 conseillers référendaires. Ces derniers assistent les conseillers, ont voix délibérative lorsqu'ils sont rapporteurs et peuvent être appelés à compléter une formation pour des raisons de quorum.

Les membres du Parquet sont le Procureur général, assisté d'un Premier Avocat Général et de 22 Avocats généraux. Deux magistrats assurent par ailleurs le Secrétariat général. La loi organique du 5 mars 2007 a créé le statut d'avocat général référendaire.

Enfin, des auditeurs sont chargés des activités administratives, dont onze du Service de documentation et d'études.
L'encombrement de la Cour de cassation a justifié diverses réformes structurelles ou procédurales des formations juridictionnelles et, en 1991, la création de la formation de saisine pour avis.

Les arrêts rendus peuvent émaner d'une chambre, de la chambre mixte ou de l'Assemblée plénière.

Chaque chambre peut statuer en formation à trois magistrats ou en formation d'audience de la chambre.
  • La formation à 3 magistrats

Il s'agit de l'ex-formation restreinte qui constitue désormais la formation ordinaire de chaque chambre.
Depuis le 1er janvier 2002, toutes les affaires soumises à une chambre doivent transiter par cette formation, composée de trois magistrats ayant voix délibérative.

En savoir plus : L'évolution de la formation à trois magistrats
  • Selon la loi du 3 janvier 1979, cette formation, propre à chaque chambre, ne pouvait connaître que des pourvois irrecevables ou manifestement infondés.
  • Sa compétence avait été élargie par la loi du 6 août 1981 en donnant au Premier Président et aux présidents de chambres la possibilité de renvoyer devant elle les pourvois dont la solution paraissait s'imposer. Elle avait le pouvoir de casser, de rejeter ou de renvoyer les affaires devant la formation normale. Ses attributions dépendaient en fait de la valeur du pourvoi et du degré de pertinence des moyens qu'il mettait en Ĺ“uvre, selon une distinction s'établissant entre affaires simples et complexes.
  • A partir de 1997, le législateur a inversé le système antérieur (Loi du 23/4/97 : Rev. Justices 98 n° 1; Perdriau, JCP 98 I 136 - Loi du 25/6/01 : D 02 chr 748) : le renvoi à cette formation n'est plus décidé à chaque fois par le Premier Président et les présidents de chambre, sauf pour la chambre criminelle.


Les pouvoirs de la formation ordinaire sont doubles :
  • d'une part, elle décide qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée lorsque le pourvoi est irrecevable ou lorsqu'il n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation (art 1014 CPC modifié par D. n° 2014-1338 du 6 nov. 2014). 3921 procédures étaient concernées en 2012 et 3259 en 2013.
  • d'autre part elle statue, par une décision de rejet ou de cassation, lorsque la solution du pourvoi s'impose (cas de 59,81 % des procédures terminées en 2010). Si la décision ne s'impose pas, en cas de désaccord entre les 3 magistrats, il y a renvoi de l'affaire, par décision non motivée, à la formation d'audience de la chambre.
    Un renvoi direct à l'audience de la chambre peut toutefois être décidé d'office par le Premier président, le président de la chambre concernée ou leurs délégués, ou sur demande du Procureur Général ou d'une des parties (sur la sélection: Boré, La Cour de cassation de l'an 2000, D 95 chr 133 spéc. p 138s).


En savoir plus : L'examen des QPC
La formation ordinaire est compétente pour examiner les questions prioritaires de constitutionnalité. Il y a eu abrogation des dispositions de la loi du 22 juillet 2010 qui prévoyaient une formation spéciale, présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
Toutefois, si la solution lui paraît s’imposer, le Premier président peut renvoyer la QPC devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.

  • La formation d'audience de la chambre.

Le renvoi à cette formation constitue désormais l'exception et concerne les affaires où la solution du pourvoi ne paraît pas s'imposer (cas de 13,24 % des procédures closes en 2010).
Elle doit comporter au moins 5 conseillers ayant voix délibérative.
Elle peut aussi être réunie en formation plénière, à 12 ou 15, sur la demande de trois magistrats.

Cette formation comporte des magistrats provenant d'au moins 3 chambres.
Le Premier Président, les présidents des chambres concernées, les doyens et deux conseillers de chacune de ces chambres, soit au moins 13 magistrats.
Sa saisine est, selon les cas, facultative ou obligatoire :
  • Elle est obligatoire en cas de partage égal des voix devant la chambre compétente ou demande du Procureur Général formulée avant l'ouverture des débats.
  • Elle est facultative, sur renvoi du Premier Président, proposition du président de chambre, ou arrêt non motivé de la chambre, quand une question relève de la compétence possible de plusieurs chambres ou a reçu, ou risque de recevoir, devant les chambres des solutions divergentes.

En savoir plus : La question du devenir de la chambre mixte
Certains s'interrogent sur la pertinence de cette formation et sur les conditions de sa possible suppression (2 procédures ont été examinées en matière civile en 2013), d'autant que chaque chambre peut désormais solliciter l'avis d'une autre sur un point de droit relevant de la compétence de celle-ci (art 1015-1 CPC).
Formation la plus solennelle de la Cour, elle comporte désormais 19 magistrats (25 auparavant) appartenant aux six chambres.
Six procédures ont été examinées par l'Assemblée plénière en 2013.

Il existe un cas de saisine obligatoire et un cas de saisine facultative de l'Assemblée plénière :
  • Sa saisine est obligatoire lorsque dans une même affaire une décision rendue par une juridiction de renvoi (après cassation) est attaquée par un pourvoi fondé sur les mêmes moyens que ceux ayant justifié la première cassation.
  • Depuis 1981, elle peut aussi être saisie (saisine facultative) à l'occasion d'un premier pourvoi en cas de solutions divergentes soit entre les juges du fond, soit opposant les juges du fond et la Cour de cassation, à propos notamment de questions de principe.
    Le renvoi peut résulter d'une ordonnance du Premier Président ou d'un arrêt non motivé de la chambre saisie.
    Il est de droit si le Procureur général en fait la demande avant l'ouverture des débats.

La décision de l'Assemblée plénière s'impose dans tous les cas à la juridiction de renvoi qui, sur la question tranchée, a compétence liée.

Tableau récapitulatif : les formations juridictionnelles de la Cour de cassation


La finalité de cette formation est d'assurer au plus vite une unité d'interprétation quand est en cause une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Elle peut être saisie par toutes les juridictions judiciaires, quel qu'en soit le degré y compris par les juridictions répressives, mais à l'exception des juridictions d'instruction et d'Assises.

Cette formation spéciale, se situe à mi-chemin entre la Chambre mixte et l'Assemblée plénière puisqu'elle se compose du Premier Président, des six présidents de chambre et de deux conseillers de chaque chambre spécialement concernée, soit au minimum neuf magistrats.

Rq.Cette formation instituée par la loi du 15 mai 1991, a vu ses pouvoirs élargis par la loi du 25 juin 2001.
La saisine pour avis s'inspire à la fois de la procédure mise en place devant le Conseil d'Etat par la loi du 31 déc. 1987 et du recours préjudiciel devant la CJCE institué par l'article 233 du Traité de Rome.
Comme indiqué auparavant, la formation ordinaire de chaque chambre est compétente pour examiner les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par les juridictions du fond. Ont été abrogées les dispositions de la loi du 22 juillet 2010 qui prévoyaient une formation spéciale, présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la QPC devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.
367 QPC ont été soumises à la Cour de cassation en 2013.
Deux structures essentielles méritent d'être citées :
  • Le Bureau de la Cour de cassation, composé du Premier Président, du Procureur Général, des présidents des chambres, du premier Avocat Général et du greffier en chef.
  • Le Service de documentation, des études et du rapport, désormais dirigé par un magistrat ayant le statut de président de chambre, et exerçant cette fonction à plein temps (D. n° 2009-216 du 23 fév. 09).
    Ce service procède au classement des pourvois et à l'analyse des moyens de cassation. Il a un rôle d'aide à la décision auprès des formations juridictionnelles et tient un fichier contenant des sommaires des décisions les plus importantes rendues par les autres juridictions. Il assure la diffusion des bulletins et statistiques informatiques....

Rq.Rappel : le « Bulletin papier » des arrêts de la Cour de cassation est supprimé depuis le 1er janvier 2008.


Voir, entre autres publications, sur le site internet de la Cour de cassation :
  • les bulletins des arrêts,
  • les Bulletins d'information, publiés deux fois par mois (abonnement en ligne gratuit possible),
  • les rapports annuels de la Cour de cassation.
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