Le caractère fondamental du droit d’agir en justice et à un recours juridictionnel a été reconnu par l’arrêt Golder (Cour EDH, 21 fév. 1975, série A n° 18 § 36 ) et réaffirmé ensuite à de multiples reprises. Non seulement l’art 6 §1 garantit le droit à un procès équitable dans le cadre d’une instance engagée mais il reconnaît aussi un droit d’accès à toute personne désirant introduire une action dans le champ de la convention. Cela implique le
droit de disposer d’un recours approprié devant un tribunal établi par la loi, même s’il ne s’agit pas d'une juridiction classique intégrée dans l’organisation judiciaire ordinaire de l’Etat concerné. Est toutefois posée la nécessité préalable que la contestation porte sur un droit reconnu au plan interne, à même de servir de base au droit d’action (Cour EDH, 21 fév. 1986 ; 28 sept. 95, série A 327 § 49 ; 19 oct. 2005, JCP 2006, I 109 obs. F. Sudre).
Tx.Jurisprudence
Cour EDH, 29 juin 2011, Sabeh El Leil c/ France, JCP 2011 Fasc. 29 n° 874, veille par K. Grabarczyk, ibid. Fasc. 36 n° 940 obs. F. Sudre, Rev. Proc. 2011 Fasc. 8 n° 266 obs. N. Fricero : la Cour EDH poursuit la remise en cause du caractère absolu de l'immunité juridictionnelle des États, dans la continuité d’un précédent arrêt (CEDH, gr. ch., 23 mars 2010, Cudak/Lituanie, JCP 2010 actu n° 395, obs. C. Picheral ; JCP 2010 Doctr 859, n° 9, obs. F. Sudre), en jugeant que l'impossibilité pour un salarié licencié par l'ambassade d’un Etat à Paris de contester son licenciement viole le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, § 1, alors que le requérant n'a exercé aucune responsabilité particulière dans le cadre du service diplomatique et n'a pas été engagé pour s'acquitter de fonctions particulières de puissance publique.
Cass. 1re civ., 9 avr. 2013, JCP 2013 fasc. 25 n° note E. Dreyer : le droit d'accès à un tribunal est affecté lorsque le délai de contestation d'une décision court du jour où la décision est prise non contradictoirement et que n'est pas assurée l'information des personnes admises à la contester. Une telle atteinte peut être dénoncée pour la première fois devant la Cour de cassation.
Cour EDH, 26 mars 2015, Proc. 2015 Fasc. 5 n° 159 note N. Fricero : l'arrêt considère que ne constitue pas une entrave substantielle au droit direct d'accès au juge l'obligation imposée par la loi de tenter de trouver une solution amiable, préalablement à toute demande devant une juridiction civile, à peine d'irrecevabilité, si par ailleurs le processus amiable suspend le cours de la prescription et qu'en cas d'échec, les parties disposent d'une possibilité de saisir le juge compétent.
CEDH, 15 sept. 2015, JCP 2015 Fasc. 40 n° 1037 : notion d'accès à un tribunal de pleine juridiction dans une matière où l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire.
Cour EDH 15 sept. 2015, proc. 2015 Fasc. 11 n° 327 obs. N. Fricero : l'accès à un tribunal peut faire l'objet de limitations de nature diverses, y compris financières. Le paiement d'une taxe à peine d'irrecevabilité n'est pas en soi incompatible avec l'art 6., à condition que les juges motivent leur refus d'exonération de telle sorte que le droit ne se trouve pas atteint dans sa substance même
L’effectivité du droit d’accès à un tribunal implique que le recours concerné permette un contrôle juridictionnel réel et suffisant, en ce sens que
le tribunal doit posséder une compétence de pleine juridiction : il doit pouvoir examiner l’affaire au fond tant en fait qu’en droit (Cour EDH 23 juin 1981, Le compte et autres, série A n° 43 §51). L’effectivité se mesure aussi à la réalité de la possibilité d’accéder en fait à la justice, en lien avec les éventuels obstacles d’ordre matériel et financier que pourraient rencontrer les justiciables et que l’Etat se doit alors de lever en prenant toutes mesures utiles (Cour EDH, 9 oct. 1979, Airey/Irlande, Série A n° 32).
La Cour EDH se montre très protectrice du droit d’accès à un tribunal, même si elle considère qu’il n’est pas absolu. Ses limitations éventuelles ne doivent pas restreindre l’accès à un point tel que le droit en soit atteint dans sa substance même (Cour EDH Philis/Grèce, série A n° 209 §59). La restriction doit poursuivre un but légitime et il doit y avoir proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Cour EDH, 28 mai 1985, Ashingdane/Roy. Uni, Série A n° 93). Ce droit peut ainsi être différé par l’intervention en première instance d’un organisme administratif ou disciplinaire indépendant, lequel peut ne pas satisfaire à toutes les exigences du procès équitable, à condition qu’il y soit ensuite satisfait devant un organe de contrôle disposant de pouvoirs de pleine juridiction (Cour EDH, Le Compte et autres, 23 juin 1981, précité).
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